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« On vit au jour le jour. On ne voit pas le bout du tunnel », La communauté

« On vit au jour le jour. On ne voit pas le bout du tunnel », La communauté

Léa Sorabella a sauté le pas. Malgré la crise du covid, la jeune dirigeante a repris en septembre une société de services aux particuliers, faisant passer le nombre de salariés de son entreprise, de 15 à 24 personnes. « C’était un gros risque. J’ai failli faire marche arrière mais les banques nous ont suivis parce que c’était un beau bébé et je ne regrette pas de l’avoir fait », explique la dirigeante.

Installée à Nice, sa société, Acsed, fournit des services aux particuliers de type ménages, repassages ou gardes d’enfants tandis que son équivalent professionnel, Acsedpro, cible les locations saisonnières, les bureaux ou les cabinets des professions libérales.

Léa Sorabella ne se destinait pas à gérer une société de services à domicile. Après des études d’ingénieur chimiste, elle a repris l’entreprise familiale à l’âge de 30 ans, à la suite du décès de son beau-père en 2017. « J’ai été élevée dans l’entreprenariat. On me laissait un outil de travail et je l’ai pris. J’ai eu la chance de pouvoir m’appuyer sur les conseils de ma mère, qui est partie à la retraite en mai 2019 », souligne la jeune femme.

« Je n’ai pas arrêté une seule seconde »

Le début de l’épidémie en France a été un moment très compliqué pour l’entreprise et la dirigeante. « Franchement, le mois de mars a été surréaliste mais on s’est mis en action. J’ai mis la quasi-totalité des salariées en chômage partiel et, sur la base du volontariat, je n’ai gardé que les prestations pour les personnes âgées et dépendantes, soit 10 à 20 % de l’activité. Je n’ai pas arrêté une seule seconde durant cette période. J’étais à l’affût des informations. Il fallait aussi rassurer les clients, expliquer nos méthodes de désinfection et puis soutenir le moral des aides à domicile. J’ai créé un groupe WhatsApp, on se parlait tous les jours. Pour elles, c’était terrible de rester inactives », raconte-t-elle.

Heureusement, la jeune femme avait anticipé en matière d’équipements. « J’avais une amie installée à Wuhan, qui m’avait alerté sur la situation en janvier. Je ne pouvais y croire mais malgré tout j’avais déjà commandé des masques, des gants et du gel au cas où », explique Léa Sorabella.

« Sauter les yeux bandés »

« Nous avons repris l’activité chez les particuliers en mai. On a beaucoup communiqué pour les rassurer, en expliquant nos techniques de désinfection et les mesures de protection des salariés pour la sécurité de tous. Mais on a aussi perdu des clients. Certains avaient trop peur de recevoir une aide à domicile, d’autres avaient perdu leur travail. La saison de la location saisonnière a aussi été très, très difficile. On a bossé dix fois plus pour juste sauver les meubles », explique la trentenaire.

« Dans ces moments-là, on va à l’aveugle. La situation est très angoissante. C’est comme si quelqu’un vous disait : « tu vois il y a un trou là mais il va falloir sauter les yeux bandés », parce que derrière, il y a des emplois et des clients. »

Au fil du temps, le télétravail a poussé des clients à revenir, au vu des conditions. « Au mois d’août, on a récupéré des foyers qui se sont rendu compte qu’ils avaient besoin d’être aidés, parce que tout le monde était à la maison », explique Léa Sorabella.

Mais c’est surtout le deuxième confinement qui a été un coup de massue. « Je ne pouvais pas croire au deuxième confinement. Là, cela a été vraiment dur. Je me suis dit « Mon Dieu, je ne vais pas pouvoir tenir une deuxième fois. Je n’en ai plus la force ». J’ai alors pensé qu’on n’allait pas s’en relever. Une partie des salariés m’ont posé des questions. Elles étaient inquiètes de la situation. J’ai dû les rassurer, sans savoir où nous allions. Je pense qu’elles ont peut-être senti que j’allais paniquer. Elles m’ont remonté le moral. On s’est posé ensemble, on a parlé et les équipes sont restées soudées. Et puis, les clients ne nous ont pas lâchés et ont continué à nous faire confiance. Vraiment, il y a eu un soutien très fort de toutes parts. Cela m’a aidé à passer le cap. Aujourd’hui, on se bat pour maintenir nos prestations et conserver nos clients coûte que coûte », martèle la trentenaire.

« On vit au jour le jour »

Quelle est la situation financière de l’entreprise ? « Nous avons perdu environ trois mois de chiffre d’affaires à la suite du virus et des confinements ». La société a pris un prêt garanti d’Etat de 95.000 euros. Il a fallu en utiliser une partie. « La trésorerie est partie. Avec les achats de gants, de gel, de surchaussures…, nous en avons eu pour plus de 10.000 euros, plus des charges fixes qu’il faut assumer », dit-elle.

Comment vit-elle la situation en tant qu’entrepreneur ? « On vit au jour le jour. On ne voit pas le bout du tunnel. Le secret, c’est d’être bien entouré. Je me suis beaucoup appuyé sur mon réseau d’entrepreneurs. On se faisait des calls toutes les semaines pour garder le moral et se passer des informations. Il y a eu une belle cohésion humaine. Je fais aussi partie d’une association (Solidarité06) sur Nice qui aide les sans-abri. Cela me permet de rompre avec le travail, de penser à autre chose et de venir en aide aux plus démunis », explique Léa.

« Notre pire angoisse c’est de ne plus avoir de boulot pour les salariés »

La gestion du stress n’est pas évidente. « Notre pire angoisse c’est de ne plus avoir de boulot pour les salariés. En tant qu’entrepreneur, on prend le stress des autres et on ne doit pas transmettre le nôtre. C’est la raison pour laquelle on a tant besoin des associations d’entrepreneurs. »

Sur un plan personnel c’est dur aussi. « On est comme des robots. On ne fait plus que travailler, manger et dormir. On se lève tous les matins pour que l’économie tourne et que les boîtes continuent d’exister, explique-t-elle. Aujourd’hui, ce qui me permet de tenir c’est la solidarité de mes salariés et le soutien des clients. On essaye de positiver tous les jours mais ce qui est dur, c’est le monde autour. »

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