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Pouyanné, Faber et Richard : 3 PDG aux avant-postes sur les réseaux sociaux, Profils

Pouyanné, Faber et Richard : 3 PDG aux avant-postes sur les réseaux sociaux, Profils

Angie publie sa troisième édition du classement du « leadership digital » des dirigeants de grandes entreprises. Pour le mesurer le groupe de communication a mesuré l’audience, l’activité, l’engagement et l’attractivité des patrons des grandes entreprises françaises et des CEO français d’entreprises internationales sur les réseaux sociaux. Cette année, leurs pratiques ont en outre été jugées à l’aune de la crise. En la matière, résume Eric Camel, CEO d’Angie, ils « ont mouillé la chemise ». « Dans les médias, comme en communication interne et sur les réseaux sociaux, les CEO ont donné l’exemple, fait preuve de pédagogie […] et commencé à imaginer l’après. Le « canal dirigeant » est devenu aussi important que le « canal corporate », analyse le communicant.

Dix-neuf femmes au classement

L’année dernière trois noms émergeaient  : Patrick Pouyané (PDG de Total), Emmanuel Faber (PDG de Danone) et Isabelle Kocher (désormais ex-DG d’Engie). Cette année encore, deux de ces trois poids lourds du CAC 40 dominent le classement. Patrick Pouyanné reste sur la première marche du podium. Réputé pour son emploi immodéré des émojis – ce qui lui a valu en interne le surnom de « Chief Emojis Officer »-, il use d’un franc-parler qui n’est sans doute pas étranger à son succès sur les réseaux sociaux, estime les communicants d’Angie. Emmanuel Faber demeure à la deuxième place, avec un sujet qui est devenu sa marque de fabrique : la transformation de la société avec un grand S.

Il côtoie désormais à la troisième place, Stéphane Richard, le PDG d’Orange, alors que la réflexion sur la raison d’être du groupe a donné lieu à un débat interne et des échanges sur Twitter. L’année dernière, les 150.000 salariés du groupe, présent dans 27 pays d’Europe et d’Afrique, avaient été invités à écrire sur un Post-it leur proposition de raison d’être et à la partager sur le réseau social.

Suit Nicolas Dufourcq, directeur général de bpifrance, qui réalise une progression de 16 places. Il a notamment été très présent à l’automne avec la « grande messe annuelle des petites et moyennes entreprises » organisée par la banque publique. Puis viennent  Ilham Kadri, la patronne de Solvay qui fait une entrée remarquée dans le classement, et Guillaume Faury, le CEO d’Airbus, à la 7e place.

Classement :  top 20 des patrons les plus actifs sur les réseaux sociaux

 

1. Patrick Pouyanné (Total)

2. Emmanuel Faber (Danone)

3. Stéphane Richard (Orange)

4. Nicolas Dufourcq (Bpifrance)

5. Ilham Kadri (Solvay)/

6. Jean-Pascal Tricoire (Schneider Electric)/

7. Guillaume Faury (Airbus)

8. Frédéric Oudéa (Société Générale)

9. Philippe Brassac (Crédit Agricole)

10. Gilles Pélisson (TF1)

11. Thomas Buberl (AXA)

12. Denis Olivennes (CMI France)

13. Michel-Edouard Leclerc (E.Leclerc)

14. Alexandre Bompard (Carrefour)

15. Gérald Karsenti (SAP France)

16. Patrice Caine (Thales)

17. Pascal Demurger (Maif)

18. Dominique Schelcher (Système U)

19. Anne Rigail (Air France)

20. Virginie Morgon (Eurazeo)

 

Source : Angie

Dix-neuf femmes seulement sont présentes dans le classement général : hormis Ilham Kadri, Anne Rigail et Virginie Morgon dans le top 20, y figurent aussi Delphine Ernotte (France Télévisions) à la 22e place, suivie par Isabelle Barth (INSEEC), Sibyle Veil (Radio France), au 25e rang, Nathalie Balla (La Redoute) qui opère une remontée de 32 places et s’accorde cette année la 33e. Méka Brunel (Gecina), Sophie Bellon (Sodexo) et Sophie Boissard (Korian) ferment le bal.

Sur Twitter, Dominique Schelcher, le patron de Système U,  Laurent Vimont, celui de Century 21, et Dominique Delport, dirigeant de Vice Media, sont aux avant-postes. « Dominique Schelcher « pense » Twitter ; il a publié la bagatelle de près de 1.500 tweets et réponses en 2019 », note Angie.

Incarner l’entreprise, éviter les chausse-trappes

De façon générale, et hors crise sanitaire, les grands dirigeants atteignent un très bon niveau de maturité dans leur leadership digital, conclut Angie. La période Covid-19 leur a donné l’opportunité de mettre à l’épreuve leur leadership digital de façon inédite. Une étude ad hoc d’Angie a permis de « cartographier les dirigeants qui ont fait des réseaux sociaux un pilier de leur stratégie de communication », cadre François Guillot, directeur associé d’Angie + 1.

Dans les jours qui ont suivi le confinement, une cinquantaine des 170 CEO de l’échantillon a pris la parole sur Twitter ou LinkedIn. « Les deux tiers de ces prises de parole ont adopté l’angle des réponses de l’entreprise à la crise. Pour remercier les salariés mobilisés, pour faire connaître les mesures mises en oeuvre pour la santé des collaborateurs et des clients, pour informer sur la continuité de service, et assez vite, aussi, pour faire connaître les initiatives solidaires et citoyennes prises par l’entreprise », explique Angie.

La diffusion à l’externe de messages conçus pour l’interne constitue l’une des tendances du confinement, à l’instar de la publication sur LinkedIn de la lettre d’Alexandre Bompard aux salariés de Carrefour. « Rendre visible à l’externe ce qui est fait pour l’interne participe à incarner l’entreprise », décryptent les communicants. D’ailleurs, LinkedIn a quasiment rattrapé son retard sur Twitter, même si l’usage du réseau grand public continue de progresser.

Autre élément à avoir en tête : les salariés peuvent représenter jusqu’à la moitié des abonnés des CEO. Mais pendant les dernières semaines, la portée de la communication des dirigeants a été bien plus large. Et au top 10 des tweets de dirigeants, pendant la crise, apparaît celui de Maxime Saada, le patron de Canal+, annonçant, le 16 mars, que la chaîne passait en clair. : il a « engagé » plus de 75.000 fois, par le biais des réseaux sociaux.

Les enjeux de communication sur les réseaux sociaux sont nombreux pour les dirigeants d’entreprise. Les chausse-trappes doivent être identifiées .

Confinement : le témoignage de Cécile Cabanis, DG Finances de Danone, Profils

Confinement : le témoignage de Cécile Cabanis, DG Finances de Danone, Profils

Ce n’est que lundi dernier que Cécile Cabanis, directrice générale finances, technologie & data, cycles et achats de Danone, a retrouvé mari et enfants,
après sept semaines de confinement solitaire
dans leur appartement parisien. Sept semaines durant lesquelles elle a pu se concentrer sur son travail. « Il m’a fallu une période d’adaptation : les premiers temps, toute notion d’espace-temps avait eu tendance à disparaître. Il faut une vraie discipline pour se créer des routines, aller marcher tous les jours, trouver des espaces de communication avec la famille, comme avec les amis, etc. », explique-t-elle.

Parmi les premiers chantiers professionnels ? Trouver des masques pour les deux tiers des salariés de l’entreprise qui ont continué de travailler dans les usines et sur les différents sites. « Nous avons mis en place une ‘tour de contrôle’ qui se réunit deux fois par semaine pour identifier tout ce dont nous avons besoin », précise-t-elle. Le comité exécutif, lui, se tient désormais tous les soirs, pour procéder à d’éventuels arbitrages. « Le Covid a totalement changé nos horizons de temps : nos cycles stratégiques ‘à trois ans’ sont devenus au mieux trimestriels ; le ‘court terme’ est désormais à la semaine, voire au jour. Nous nous sommes réorganisés pour que les équipes puissent travailler sur ces différents horizons, étudier l’impact de la crise comme des changements d’habitude de consommation et mettre en place des lignes de décision très courtes », détaille Cécile Cabanis.

Le sujet de
la gestion de la trésorerie
a été traité avec une attention à l’ensemble de la chaîne alimentaire. « Nous avons ouvert sur notre bilan 300 millions d’euros de facilité de trésorerie pour notre écosystème : il faut que les fermiers, les petits fournisseurs comme certains distributeurs, en situation de trésorerie fragile, tiennent, pour que l’ensemble de la chaîne puisse fonctionner », souligne la responsable. En parallèle, le quotidien ne s’est pas arrêté : suivi de la performance, clôture comptable… Le groupe a ainsi pu récemment présenter
ses résultats à fin mars
.

Accélération technologique

La compression des agendas s’est accompagnée d’une véritable accélération technologique. Sur le sujet de la gestion des données, tout d’abord. « Les data peuvent nous aider à prendre les bonnes décisions, de façon rapide, dans la volatilité actuelle », remarque Cécile Cabanis.
L’explosion du télétravail
a, par ailleurs, entraîné celle des conférences à distance : le groupe est passé de quelque 5.000 à 20.000 « calls » par jour et réalise quotidiennement plus de 8.000 visioconférences sur la plateforme Workplace. Jusqu’à y prendre des « cafés du matin ». « Toutes les semaines, les directeurs généraux des pays témoignent et échangent leurs ‘best practices’ pour aider tout le monde à mieux vivre cette période inédite », poursuit-elle.

Enfin, l’agilité,
Saint-Graal du management de la dernière décennie
, s’est imposée en un temps record. « Chacun s’est réorganisé et a changé sa façon de travailler naturellement ; les silos ont été cassés sans que cela ne pose de problème, dans une très grande solidarité des équipes. J’espère que l’on gardera une grande partie de ces éléments positifs de la crise : souplesse, mais aussi attention aux autres, écoute véritable… Il y a une vraie reconnexion à notre humanité. Tous les salariés de l’entreprise ont fait preuve d’un engagement, d’une énergie et d’une réinvention incroyables », note la responsable, elle-même engagée, au-delà de son travail,
dans la plateforme « Protège ton soignant »
. « Toute seule chez moi, dans des conditions assez privilégiées, j’ai ressenti le besoin d’être utile. »

Le retour de la famille annonce aujourd’hui une nouvelle phase pour Cécile Cabanis, qui a prévu de faire un « petit emploi du temps pour tout le monde ». Il faut aujourd’hui penser le long terme. « La crise du Covid – et le confinement – a commencé comme un sprint, mais on se rend compte aujourd’hui que l’on est engagé dans un très long marathon : il va falloir gérer son énergie pour tenir ». Heureusement, il y a des yaourts et des probiotiques plein le frigo.

« Raison d'être » : EDF s'engage devant ses actionnaires, RSE

« Raison d'être » : EDF s'engage devant ses actionnaires, RSE

Alors que les appels à engager une « reprise verte » se multiplient pour faire de « la relance économique un accélérateur de la transition écologique », EDF revendique sa part. Ce jeudi, l’énergéticien doit faire avaliser sa « raison d’être » par ses actionnaires qui, circonstances sanitaires obligent, ne seront pas réunis physiquement pour la traditionnelle Assemblée générale.

Deux fois moins d’émissions de CO2 en 2030

Elaborée grâce aux réflexions de 4.000 salariés d’EDF, cette « raison d’être » doit être inscrite dans les statuts du groupe comme le prévoit
la loi Pacte adoptée en 2019.
Concrètement, elle vise à « construire un avenir énergétique neutre en CO2 conciliant préservation de la planète, bien-être et développement grâce à l’électricité et à des solutions et services innovants ».

En clair, «
cela signifie que nous n’envisageons pas que l’énergie reste dépendante des fossiles et synonyme de réchauffement climatique. Pour nous, la préservation de la planète ne passe pas par la décroissance et le recroquevillement, mais par le progrès et l’électrification de beaucoup de nos activités quotidiennes », fait valoir Alexandre Perra, directeur exécutif groupe d’EDF.

Pour matérialiser cet engagement, EDF se dote par ailleurs une nouvelle ligne d’horizon. « Nous objectif c’est bien sûr la neutralité carbone en 2050, mais nous avons décidé que dès 2030, nous devrons avoir divisé nos émissions directes de CO2 par deux
», explique Alexandre Perra. Qui précise que le plan stratégique du groupe CAP2030 sera mis à jour afin d’y parvenir.

EDF rejoint ainsi les
pétroliers
Total ou encore Shell, qui viennent de s’engager à atteindre la neutralité carbone en 2050. En Allemagne, RWE avait aussi pris un engagement similaire pour 2040 en 2019. Reste que pour EDF la marche à franchir pour y parvenir est bien plus mince puisque sa production d’électricité nucléaire ne produit pas de CO2… « Les émissions de carbone du groupe en 2019 s’établissent à 55 g/kWh produit. Soit 8 fois moins que la moyenne mondiale du secteur et 5 fois moins que la moyenne européenne », reconnaît-on chez EDF.

Message politique

Du coup, certains voient dans cette raison d’être un message politique à l’heure où l’équilibre financier fragile du groupe est largement
bousculé
par l’effondrement des prix et de la demande d’électricité. « Il s’agit de plaider pour l’essor de l’électricité nucléaire comme outil indispensable à la réduction des émissions de CO2, c’est un sujet vital pour EDF », fait valoir Florence de Bonnafos, chargée de campagne énergie et finances chez Greenpeace.

En interne, l’absence de notion de « service public » dans cette « raison d’être » interpelle aussi alors que le projet de restructuration du groupe baptisé « Hercule » est à l’étude. Celui-ci vise à isoler le nucléaire dans les mains de l’Etat et, en parallèle, laisser plus de place aux investissements privés dans les activités concurrentielles de l’énergéticien. « Si le
président d’EDF
est sincère quand il loue les valeurs de service public, il doit aller jusqu’au bout de sa conviction en gravant dans le marbre, et donc dans les statuts de l’entreprise, les valeurs de service public aux côtés du monde sans carbone », plaide la CFE-CGC dans un tract.

Covid-19 : les risques de responsabilité pénale du dirigeant, Contentieux

Covid-19 : les risques de responsabilité pénale du dirigeant, Contentieux

En droit pénal, la règle générale repose sur la faute personnelle. Lorsque cette dernière est liée à la santé et à la sécurité en entreprise, des poursuites peuvent être engagées contre la personne morale et contre la personne physique. « Le dirigeant – ou la personne à qui il a délégué ces pouvoirs – peut se voir reprocher des manquements en matière d’hygiène et de sécurité », précise Capucine Lanta de Berard, avocate associée du cabinet Soulez Larivière Avocats. La situation de crise sanitaire actuelle ne fait pas exception. Elle multiplie même les risques pour les personnes physiques de voir leur responsabilité pénale engagée pour mise en danger d’autrui, blessures involontaires, voire homicide involontaire.

Un risque pénal bien réel

Pour qualifier la mise en danger d’autrui, une exposition au risque suffit. Des syndicats ont porté plainte, en ce sens, contre Amazon lors du confinement. Les partenaires sociaux reprochent au géant de l’e-commerce et à son dirigeant
de ne pas avoir mis en oeuvre les conditions sanitaires nécessaires pour éviter toute contamination des salariés présents dans les locaux
.

Pour engager la responsabilité pénale d’une personne physique au titre de blessures ou homicide involontaires, la faute doit être « caractérisée », c’est-à-dire d’une particulière gravité, ou « délibérée » – dans ce cas, elle viole une obligation de sécurité ou de prudence prévue par un texte législatif ou réglementaire. En temps normal, les autorités de poursuite ont tendance à privilégier le recours à la faute caractérisée en se basant sur
l’obligation assez générale de santé et de sécurité des salariés
. Depuis le jugement de l’affaire France Télécom, les juges vont plus loin, ayant posé
une obligation de prévention
.

Le risque pénal est donc bien réel pour les entreprises et leurs dirigeants. Au point que le 4 mai dernier, les sénateurs ont amendé le projet de loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire afin de
mettre de côté la « faute caractérisée » dans le cas du Covid-19
. La preuve d’une violation délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par une loi ou un règlement sera donc obligatoire pour engager la responsabilité pénale du dirigeant. Un scénario peu envisageable pour le moment, car aucun texte de cette nature n’a été envisagé pour le Covid-19, contrairement à l’amiante par exemple. Le
protocole national de déconfinement
édicté par le ministère du Travail, le 3 mai, se rapproche plutôt du guide de bonnes pratiques, même si son statut fait débat.

Trouver un équilibre entre prévention et libertés fondamentales

En attendant de savoir si cet amendement sera retenu dans la version définitive du projet de loi, l’un des moyens de se prémunir de ces risques pénaux repose sur la faculté de démontrer que les « diligences normales », prévues par l’article 121-3 du Code pénal, ont été bien mises en oeuvre. « Elles sont censées être appréciées au regard de la connaissance du risque et des informations dont pouvait disposer l’employeur au moment où la faute est appréciée », développe Aurélia Grignon, avocate associée de Soulez Larivière Avocats.

Dans le cas du Covid-19, ces diligences peuvent être associées à diverses mesures sanitaires : la distance physique, le port du masque, le respect des gestes barrières, les flux de circulation, etc. « Il sera difficile de démontrer la preuve que la contamination a été réalisée dans un cadre professionnel », rassure Capucine Lanta de Berard. Cependant, il est vivement recommandé aux employeurs de garder les factures d’achats de matériel de protection, les e-mails, etc. Certaines organisations font même venir des huissiers, une fois par semaine, pour établir des constats.

Attention néanmoins à l’excès de zèle, dû parfois à des injonctions contradictoires. Plusieurs organisations – PSA, Veolia ou Engie – ont entrepris de
tester leurs salariés
une fois sur place, ou de prendre leur température afin de limiter le risque de contagion. Des initiatives, basées sur l’obligation de sécurité, que le ministère du Travail a finalement écartées dans son protocole national. « Des précautions excessives pour respecter l’obligation de santé et de sécurité ne sont pas sans risque. Elles pourraient porter atteinte à d’autres droits et libertés fondamentales des salariés », prévient Aurélia Grignon.

Les
futurs contentieux
permettront peut-être de savoir où placer le curseur. D’ici là, tout repose sur une question d’équilibre.

Le patron de Danone alerte sur le risque de crise sociale, Profils

Le patron de Danone alerte sur le risque de crise sociale, Profils

« La crise que nous vivons est une crise sanitaire, pas une crise économique de l’offre et de la demande », a expliqué Emmanuel Faber, le PDG de Danone, devant les sénateurs de la commission économique du Palais du Luxembourg. Et le « sujet sanitaire va durer », craint le dirigeant. « La vision qui consiste à penser qu’on a mis l’économie en sommeil et que lorsqu’on va réveiller le patient, tout va repartir est une vision mécanique des choses. La réalité est totalement différente »», assène-t-il.

Pour le patron du géant des produits laitiers et de l’eau, à la fois l’offre et la demande vont s’en trouver durablement modifiées, parce que sous contraintes. Une situation totalement inédite. Les lignes de production de Danone ne tournent plus comme avant. Certains canaux de distribution ont arrêté des formats entiers au profit d’autres formats, provoquant une sous-activité d’un côté et une sur activité de l’autre. Les transports ne pourront plus marcher comme avant en raison des règles de distanciation, des horaires aménagés. Des habitudes ont été prises. Des modes de vie différents ont été adoptés , souligne Emmanuel Faber. « Or, l’économie n’est rien d’autre que la somme des deux », rappelle-t-il.

La « bifurcation » à prendre

Les instituts économiques commencent à sortir « des scénarios qui ne font que confirmer les plus pessimistes que nous avions faits en début de crise », constate encore Emmanuel Faber. Ils prévoient une baisse de -30 à -40 % de l’activité au deuxième trimestre dans le monde. « Nous aurons au mieux un PNB en retrait de 10 % dans les 40 pays où nous travaillons ». En termes de PNB, la crise du coronavirus « peut nous ramener dix à vingt ans en arrière ».

« Il y aura un désir humain intense de revenir au pic de 2019 en s’affranchissant de toutes les contraintes pour y parvenir. C’est justement ce qu’il ne faut pas faire. Je trouverais extrêmement dangereux que l’argent rare de l’Etat et de l’Europe serve à mettre en oeuvre des mesures qui ne marcheraient de toute façon pas en raison du caractère spécifique de la crise. On aurait alors versé de l’eau sur du sable ».

Nouvelle économie

Quelle « bifurcation » prendre pour que cela n’arrive pas et qu’on fabrique une économie plus résiliente ? « La crise a révélé les limites du système que nous avons installé », avec notamment des incidences néfastes pour l’environnement . « Il faut une économie résiliente avec le Covid. Pas sans le Covid. Elle doit être fonctionnelle, circulaire, numérisée et bien entendu plus inclusive. Pour cela il faut absolument traiter deux choses en même temps. Simplifier au maximum la vie des entreprises pour qui c’est une question de survie et, d’un autre côté, continuer les incitations aux grandes entreprises qui tirent l’économie ».

L’invention d’ une autre économie doit passer « pour être acceptée dans nos démocraties par une compréhension de leur emploi par nos concitoyens ». La crise va « abîmer des acquis sociaux. Il va falloir faire des arbitrages sur les flexibilités dont l’économie aura besoin. La préparation des salariés passe entre autres par un programme qui enjambe le court terme pour inventer les emplois de demain, car le chômage risque d’être un sujet de fragmentation sociale terrible d’ici à deux ans ».

intertitre

Coronavirus : épisode n° 7, faire confiance à l'humain, Idées

Coronavirus : épisode n° 7, faire confiance à l'humain, Idées

Tout ça vers quoi ? Après les annonces du Premier ministre du 28 avril, il apparaît encore plus évident à beaucoup de dirigeants qu’il leur faut se mouvoir et prendre des décisions dans un environnement qu’ils décrivaient déjà comme volatil, incertain, complexe et ambigu (vuca, NDLR). En dépit des doutes qui planent encore, la crise sanitaire semble jugulée, mais la prolongation des mesures de précaution continue d’aggraver la crise économique.Les dirigeants et collaborateurs réalisent combien les habitudes de travail et de vie personnelle ont été déjà modifiées en huit semaines. Va-t-on sortir de nos foyers pour reprendre, mesures de distanciation sociale mises à part , plus ou moins la même existence qu’auparavant ? Mêlant les problématiques locales et globales, les questions qui se posent pour le redémarrage ont l’apparence d’un écheveau bien difficile à démêler.

Est-il « raisonnable » d’ailleurs de tenter de le démêler ? Les experts donnent le plus souvent des avis contradictoires, les analyses sont rarement conclusives, toute planification paraît illusoire, le temps court et le temps long semblent se télescoper constamment. Pour apporter des éclairages et identifier des directions, la raison se révèle impuissante. Certains pourraient y voir une sorte d’insuffisance de l’être humain. Ce sont ceux-là mêmes qui vantent les mérites de l’intelligence artificielle et le recours au tout technologique pour résoudre les problèmes. Si la raison humaine est impuissante, c’est parce qu’elle souffrirait d’une capacité cognitive limitée ou de « biais cognitifs » incorrigibles, marqueurs indélébiles de son imperfection. Mais d’autres savent que ce serait mal comprendre la notion même de complexité et les trois défis de la situation actuelle.

Trois défis

Le premier défi est de comprendre que l’enjeu n’est pas de résoudre un problème mais, au contraire, de le poser. Il faut sortir des arbitrages « santé ou économie » en arrêtant de voir la santé des collaborateurs comme étant uniquement une question de sécurité et l’économie de l’entreprise comme le retour au business model précédent. Repenser l’intention et l’éthique des termes du problème s’impose. Le deuxième défi est de permettre des expérimentations « autonomes » en veillant à l’équilibre de l’ensemble, au lieu de croire et rechercher une réponse unique. Enfin, dernier challenge, conséquence du précédent : apprendre à faire confiance à la capacité de solidarité des personnes, à l’image de celle que la crise sanitaire a révélée. C’est cette même solidarité qui permettra de maintenir cet équilibre d’ensemble. Cessons de prétendre connaître a priori les comportements humains. Cessons aussi de modéliser une situation et de chercher ensuite à en optimiser les contraintes.

Reprend vigueur cette idée que quelque chose d’autre doit « présider ». « L’esprit intuitif est un don sacré et l’esprit rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don. » Einstein nous montre la voie : sans intuition, pas de théorie de la relativité.

L’intelligence de l’intuition

Comment a-t-on pu alors opposer l’intuition à la rationalité ? Sans doute parce que la rationalité, ne pouvant précisément « modéliser » l’intuition, l’a réduite à l’instinct compulsif ou à la superstition dévote. L’intuition est pourtant une intelligence . Elle est « l’intelligence du tout », seule voie pour appréhender la complexité sans réduction ou simplification. Emboîtant le pas au père de la relativité autant qu’au sociologue Edgar Morin, des dirigeants savent que cette intelligence se travaille et constitue une source précieuse de leadership. Elle est à la fois produit et producteur de qualités profondément et exclusivement humaines que tant de leaders possèdent déjà : la force morale pour ne pas céder à la peur alors même qu’il y a perception de danger ; l’intégrité pour observer sans rejeter alors même que des croyances sont rationnellement incompatibles ; l’abnégation pour servir l’intérêt général alors même qu’un intérêt personnel est en jeu ; et, par-dessus tout, le sentiment de responsabilité dont la raison raisonnante est exempte.

Ces dirigeants – merci à eux – nous rappellent une chose essentielle : seuls des êtres humains peuvent conduire des êtres humains.

Un rendez-vous hebdomadaire

 

Le cabinet Egon Zehnder témoigne et tire des enseignements, en termes de leadership, de la crise sanitaire provoquée par le coronavirus.

 

Depuis sept semaines, les échanges de l’équipe française de l’acteur mondial de la chasse de têtes avec ses interlocuteurs ont été plus nombreux, plus essentiels, plus intenses que jamais. Elle a donc eu l’idée de rédiger son « journal de bord ».

 

Le rendez-vous est hebdomadaire, depuis le 25 mars, et est relayé en exclusivité par « Les Echos Executives » :

 

Coronavirus : épisode n° 1, être à l’écoute de ce qui nous traverse
Coronavirus : épisode n° 2, se sentir relié
Coronavirus : épisode n° 3, relever la tête
Coronavirus : épisode n° 4, prendre l’initiative
Coronavirus : épisode n° 5, créer un mouvement
Coronavirus : épisode n° 6, partager le leadership

 

Coronavirus : « La crise est un accélérateur de beaucoup de choses », Profils

Coronavirus : « La crise est un accélérateur de beaucoup de choses », Profils

« Je visitais mes usines du Sud-Est quand le confinement a été annoncé. Résultat : depuis deux mois, ma femme est parisienne et je vis seul dans notre résidence secondaire d’Aix-en-Provence. Comme j’ai été opéré il y a quatre mois, rester là-bas était plus prudent.

Au début du confinement, ma première décision a été que Paprec poursuivrait son activité. Il le fallait : en Europe, 90 % des cartons sont fabriqués à partir de recyclé. Comme nous sommes propriétaire de nos 200 installations de recyclage et déchetteries, la décision nous revenait. Donc nous n’avons rien arrêté.

On a été la première entreprise à importer des masques pour notre personnel. Quatre jours avant le confinement, on les avait commandés en Chine, quelques jours après ils ont été reçus. Sur 10.000 salariés, dont 6.000 toujours sur le terrain, le reste est en télétravail ou au chômage partiel, seuls 25 ont eu le Covid. Et aucun ne l’a attrapé au travail.

« De la Formule 1 au Paris-Dakar »

Mais cela a été sportif. Au début, les gens avaient peur. Et un Inspecteur du travail des Hauts-de-Seine nous a demandé de justifier qu’on ne pouvait pas relever les poubelles en télétravail ! L’affaire m’a rappelé Camus écrivant : « Il existait toujours un bureau qui pensait qu’il devait continuer d’agir comme s’il n’y avait pas la peste pour justifier son existence… »

Au début du confinement, j’avais l’impression de passer de la Formule 1 au Paris-Dakar. Tous les matins, il fallait lire le road book, ce qui s’est passé la nuit dans mes usines, au gouvernement etc. Mes informaticiens sont immédiatement venus m’installer un routeur, une imprimante. Ils ont travaillé jour et nuit et en dix jours, on était passés de 200 à 1.200 personnes en télétravail.

Mon fils Sébastien, qui assure la direction générale, faisait déjà des vidéoconférences avant le Covid mais moi, je n’aimais pas ça. Je n’ai jamais cru au virtuel. Les gens, je dois les voir, les toucher et Paprec était très restrictif sur le télétravail. Aujourd’hui, j’ai complètement changé d’avis. Je suis épaté par la qualité des outils et du réseau ! On avait blacklisté Zoom bien avant le Covid, mais nous utilisons Microsoft Teams et Starleaf. C’est d’une puissance incroyable ! Ce sera un changement durable.

« Un accélérateur de beaucoup de choses »

Le Covid est un accélérateur de beaucoup de choses. Paprec ne raisonnera plus de la même façon à l’avenir sur le télétravail. De même, j’ai un tempérament de directeur général, pas de président. Ayant 62 ans et Sébastien 42, je lui avais transmis en septembre la direction générale mais j’avais du mal à lâcher certaines tâches. Le Covid a accéléré les choses, on a tous les deux évolué.

Au déconfinement, mon rôle va changer. J’incarnerai moins Paprec et davantage les causes auxquelles je crois : une planète plus verte et une société plus solidaire, notamment en rejoignant l’association des chiffonniers du Caire. Avec le Covid, l’Afrique va avoir besoin de notre solidarité. »

AG : malgré le Covid-19, les actionnaires restent vigilants, Actionnariat

AG : malgré le Covid-19, les actionnaires restent vigilants, Actionnariat

Quarante et une sociétés cotées ont déjà tenu leur AG. A huis clos. Dans le CAC 40, elles sont sept à avoir choisi cette option. Parmi elles, Airbus, Vivendi, Veolia, Bouygues, Schneider, Hermes International et Sanofi. A l’inverse,
Accor, LVMH, L’Oréal, Axa, Kering et Renault ont reporté au mois de juin
, dans l’espoir de pouvoir tenir cette réunion avec leurs actionnaires réunis physiquement. Ce sera peine perdue.

Toutes les entreprises n’appréhendent pas le « huis clos » de la même manière.
Fin mars, l’AG du groupe de restauration Elior, avait été enregistrée deux jours avant
. Mi-avril, CNP a tenu une AG totalement virtuelle : le président, les scrutateurs et le secrétaire de séance étant tous en des lieux différents. Airbus a posté, le 16 avril, sur YouTube les exposés vidéos de ses dirigeants.

Retransmission sur le vif

« 56 sociétés ont choisi ou annoncé avoir choisi une retransmission sur le vif. Mais très souvent, les systèmes de visioconférence permettent de projeter en direct mais pas d’accueillir les questions en retour. Il serait, semble-t-il trop difficile de contrôler l’identité de l’interlocuteur », explique Bénédicte Hautefort, fondatrice de l’Hebdo des AG.
Vallourec, a, pourtant, tenté l’expérience, en proposant des « chat »
avec les actionnaires en direct.

Malgré le confinement, les investisseurs restent extrêmement vigilants. Déjà quatre sociétés ont eu des résolutions rejetées. Chez Sanofi, les actionnaires ont refusé la rémunération de l’ancien directeur général Olivier Brandicourt, à plus de 58 % ; ce qui est rarissime. En 2019, seuls les salaires de Carlos Ghosn, chez Renault et de Jean-Georges Malcor, ancien directeur général du parapétrolier CGG, avaient été rejetés. Ce vote à l’AG de Sanofi aura des effets concrets car ce dernier ne recevra pas les 1,161 millions d’euros de rémunération variable, ni la part de sa retraite complémentaire liée à l’exercice 2019.

Stock options rejetés chez Eiffage

Chez Eiffage, la résolution sur les stock options n’a pas été approuvée. Chez Plastic Omnium, c’est la convention réglementée avec la famille Burelle. Enfin à l’AG Gecina, les actionnaires ont rejeté la résolution sur le renforcement des déclarations de franchissement de seuil statutaires.

La plupart des AG tenues ont connu au moins une résolution avec plus de 20 % d’opposition. Chez Veolia, le renouvellement de Jacques Aschenbroich, PDG de Valeo a été approuvée à seulement 65 %. Les investisseurs ont sans doute estimé qu’il était trop occupé, avec deux mandats d’administrateur en plus de son poste chez Valeo. Idem à l’AG de Schneider, Cecile Cabanis, directrice financière de Danone, n’a obtenu que 79 % des voix pour son renouvellement. Elle siège au conseil de quatre sociétés.

Salaires des patrons contestés

Les rémunérations des patrons sont contestées. Et pourtant, de nombreux dirigeants ont annoncé une baisse de leur salaire. A ce jour, les émoluments de Benoît de Ruffray, PDG d’Eiffage, présentent le score d’approbation le plus faible (63,86 %). Chez Vivendi, bien que Vincent Bolloré détienne presque 30 % des droits de vote, les sujets de rémunération n’ont été approuvés qu’entre 70 et 76 %. Chez TF1 et Bouygues, là encore, malgré la présence d’un actionnaire de référence, les scores ont été sous les 80 %.

Pour l’instant,
en dehors de l’AG Lagardère, qui s’annonce particulièrement agitée
, avec Amber Capital qui a réclamé le renouvellement de tout le conseil de surveillance, les activistes se sont fait plutôt discrets. CIAM, qui détient près de 1 % de Scor, n’a pas déposé des résolutions à l’AG du groupe de réassurances comme il l’avait fait l’an dernier. Seul Total se retrouve avec une résolution déposée par un groupe de onze actionnaires de l’entreprise
Total sur le climat
, pour la toute première fois en France.

Le gendarme boursier obligé de rappeler le droit fondamental de l’actionnaire en AG

Dimanche dernier, l’AMF s’est fendu d’un communiqué, pour rappeler le « droit fondamental des actionnaires d’exprimer leur vote en AG ». Elle explique que si des échanges entre les dirigeants et des actionnaires peuvent intervenir en amont d’une assemblée AG, « de telles démarches ne sauraient se traduire par des pressions de nature à compromettre la sincérité du vote ou à entraver la libre expression du vote des actionnaires ». Par ailleurs, « constituent un délit le fait d’empêcher un actionnaire de participer à une AG ainsi que le fait de se faire accorder, garantir ou promettre des avantages pour voter dans un certain sens ou pour ne pas participer au vote, ainsi que le fait d’accorder, garantir ou promettre ces avantages ».

Déconfinement : comment sécuriser la reprise d'activité, Transformation

Déconfinement : comment sécuriser la reprise d'activité, Transformation

L’ère du déconfinement est ouverte. Le rebond espéré va-t-il se produire ? « Il est acquis que les entreprises ne pourront compter sur un retour à l’intégralité de leurs capacités opérationnelles et de leur accès aux marchés avant la diffusion massive d’un vaccin ou d’un traitement », analysent Homayoun Hatami, Sébastien Lacroix et Jean-Christophe Mieszala chez McKinsey France. Le cabinet de conseil en stratégie travaille, aujourd’hui, avec pas moins de neuf scénarios différents pour un calendrier de retour à l’activité d’avant crise, s’étalant, selon les secteurs, du dernier trimestre 2020 au premier semestre 2022.

Un scénario de base comme boussole et d’autres alternatifs

D’ici là, il faudra réussir la phase de redémarrage qui, les consultants ne le cachent pas, sera plus difficile que celle du confinement. Entre les faibles intentions d’achat des consommateurs et la priorité à donner à la santé des collaborateurs, revenir à l’activité va pousser les entreprises à prendre des décisions majeures. « Il va s’agir d ‘un vrai test de leadership pour les dirigeants  », estime Homayoun Hatami, directeur général de McKinsey France qui a élaboré, avec ses équipes, un plan de reprise à leur attention.

A la clef, huit grands axes (voir encadré) à commencer par l’élaboration d’une cartographie détaillée du redémarrage. Pour hiérarchiser les opportunités de relance, les consultants de McKinsey appellent à dresser une topographie de la reprise de la manière suivante : pays par pays, site par site, segment par segment, client par client, produit par produit. L’outil sera construit sur un scénario de base ainsi que sur plusieurs autres alternatifs. Le scénario de base « fera office de boussole pour orienter efficacement la production, la supply chain, les efforts marketing et commerciaux. Il déterminera aussi l’horizon de reprise de chacun des sites et permettra d’engager une réévaluation des investissements et des perspectives de repositionnement géographique de la chaîne de valeur », expliquent les experts. Ce n’est qu’un point de départ.

Remobilisation des collaborateurs et garanties de sécurité pour les clients

A l’heure du déconfinement, les dirigeants placeraient la santé des collaborateurs au coeur de leurs préoccupations. Du nombre de personnes dans l’ascenseur au sens de la circulation des uns et des autres, de plus en plus d’entreprises s’emparent de la question. Il faudra s’aligner sur celles qui « fonctionnent sur un principe d’exigence maximum et qui regardent le dénominateur commun le plus fort entre les règles du gouvernement, leurs propres exigences et l’exigence des consommateurs », invite Homayoun Hatami. ​

La remobilisation des collaborateurs est un autre pan important du volet RH. En Chine, des usines ont vu leur taux d’absentéisme passer de 5 % à 20 % après le déconfinement. Les entreprises qui se seront déjà penchées sur leur raison d’être pourront capitaliser sur l’acquis pour redonner du sens. Mais, soulignent les consultants de McKinsey, « il sera déterminant de renforcer la capacité de l’organisation à être attentive aux signaux faibles sur le bien-être au travail, notamment en continuant d’appliquer les deux principes managériaux mis en valeur durant la crise : transparence et empathie ».

Autre point sensible du redémarrage : être en mesure d’apporter des garanties de sécurité aux clients, pour rétablir la confiance. C’est là l’une questions qui préoccupe le plus les dirigeants face aux nouveaux réflexes sanitaires. Plusieurs entreprises ont déjà annoncé des mesures, à l’instar de la compagnie aérienne Emirates qui prendra la température frontale de ses passagers ou d’Accor et Bureau Veritas, qui ont mis en place un label de certification d’hygiène. En Asie, McKinsey a déjà noté la mise en place de nouvelles habitudes : contrôles de température à l’entrée des magasins, mise à disposition de gel hydroalcoolique sur les points de vente ou dans les transports en commun, généralisation du « sans contact » aussi bien pour le paiement que pour la livraison, développement des services d’assistance ou de maintenance à distance, extension des approches de « click & collect » et adoption du «drive» en dehors de la sphère de la grande distribution alimentaire. « Le niveau d’exigence va être assez élevé et il faudra être au rendez-vous », avertissent les experts.

Pricing tactique

« Les analyses montrent qu’une très large part de la perte de PIB hebdomadaire est imputable aux contraintes pesant sur la demande ; il est essentiel, dans ce contexte, de la stimuler. Il faut le faire de la façon la plus ciblée possible, pour ne pas ajouter une érosion des prix et des marges à une demande et des volumes plus faibles », explique Homayoun Hatami. Aux entreprises donc, de réfléchir à un nouveau mix marketing et de pratiquer une politique de prix tactique.

Certaines entreprises ont d’ores et déjà décidé de ne pas remettre sur le marché l’ensemble de leurs produits et de ne plus vendre les produits de spécialité qui se vendent moins bien. Lorsqu’il s’agit d’être en contact direct avec le consommateur final (B2C), tout l’enjeu est de mettre en avant des services destinés à réengager le client plutôt que de baisser les prix. Dans le circuit entre professionnels ou B2B, la gageure est de ne pas se laisser prendre entre un nombre croissant d’entreprises clientes négociant des termes de paiement et des tarifs différents, et des fournisseurs qui veulent sécuriser leurs ventes et leur cash. « Il faut que les entreprises soient claires sur les poches de redémarrage structurellement rentables, explique Homayoun Hatami. Il ne s’agit pas de pratiquer une nouvelle segmentation mais de se situer dans un schéma au sein duquel il est plus naturel de redémarrer avec les clients les plus importants et structurellement plus profitables ».

Les marques ont pris des dispositions pour être au plus proche de leurs clients , pendant la phase de confinement, et les consommateurs se souviendront de leur comportement en période de déconfinement.  Charge aux marques de respecter les règles habituelles et de ne pas augmenter leurs marges. Il s’agira d’avoir les bons gestes commerciaux, là où le retour sur investissement sera le plus élevé.

Elever le niveau d’ambition digitale

Autres arbitrages en perspective : le digital. Des entreprises ont vu leurs ventes d’e-commerce décupler sur certains week-ends de la période confinement. Avec l’omnicanal, il va falloir continuer à engager les clients, et ne pas juste se concentrer sur la transaction. La démarche nécessitera des investissements pour être en phase avec les écosystèmes numérisés. A cette demande d’investissements externes s’ajouteront des besoins internes, de type cybersécurité. « Il faudra repenser le portefeuille de projets et les dépenses, pour bien répondre à cet objectif qui est double : continuer à gérer les coûts, voire à les baisser dans certains domaines, tout en investissant davantage pour mieux capter la demande arrivant sur les canaux digitaux ». Le monde de demain ne sera-t-il pas tout digital ?

8 axes pour sécuriser le retour à l’activité

 

1. Dresser une cartographie précise du redémarrage.

 

2. Apporter les garanties de sécurité aux clients pour rétablir la confiance.

 

3. Préserver la santé des collaborateurs, tout en ravivant leur engagement.

 

4. Revitaliser la demande de manière ciblée.

 

5. Orchestrer la réinitialisation des opérations et de la supply chain.

 

7. Piloter étroitement le redémarrage.

 

8. Identifier les sources de création de valeur nées de la gestion de crise à pérenniser et réinvestir dans la relance.

 

Source: McKinsey

 

Chasse de têtes : paroles de pros, Profils

Chasse de têtes : paroles de pros, Profils

Brigitte Lemercier, fondatrice de NB Lemercier & Associés

« La crise bouleverse les qualités attendues des dirigeants d’entreprise. Ils doivent repenser leurs missions. Les sujets un peu sociétaux,
ne serait-ce que la raison d’être
, étaient en pousse avant la pandémie, mais il est désormais impensable de diriger une entreprise sans les avoir en tête. Etre capable de placer l’entreprise au service de toutes les parties prenantes devient encore plus impérieux. Les dernières semaines ont renforcé ces exigences.

De même, il devient évident que les dirigeants doivent être agiles ; la rigidité n’est pas compatible avec une période de crise. Ils doivent être capables de réagir à l’inattendu et de faire face à l’adversité. Les événements de la vie sont plus forts que toutes les prévisions et toutes les stratégies, et un dirigeant doit être capable de revoir sa copie en fonction des situations. Les circonstances que nous traversons en sont une démonstration absolue.

Certaines personnalités sont plus à l’aise, plus créatives, plus résilientes devant les difficultés. Ces réactions relèvent de certaines qualités personnelles. Quoi qu’il en soit, un dirigeant ne dirige pas seul, il emmène son comex, les N-1 et, par ricochet, tout le collectif.

Un CEO, c’est aujourd’hui beaucoup de talent… Il faudrait tout avoir. Cela dit, depuis une quinzaine d’années, ils sont assez vite à l’épreuve du feu, et il faut espérer que cela les transforme un peu en termes de leadership et d’ouverture. On va désormais leur demander d’être davantage
dans le collectif, l’émotionnel et même le doute
. Un terrain formidable pour les femmes réputées dotées de telles qualités. Il y en a en réserve. Si elles le veulent vraiment, les entreprises en trouveront. »

Diane Segalen, fondatrice du cabinet Segalen + Associés

« La crise actuelle impose aux dirigeants de communiquer souvent et différemment. Pour rassurer les collaborateurs, ils doivent adopter un discours de transparence et apporter des réponses à des sujets sur lesquels ils n’ont pas nécessairement été formés. Cela leur impose une certaine humilité, à laquelle ils ne sont pas toujours habitués, pour dire ce qu’ils savent, mais aussi ce qu’ils ignorent.

Dans leur management, avec le déconfinement progressif qui s’annonce, les patrons vont devoir composer avec des façons de travailler différentes, comme le travail à distance, et repenser certains modes de fonctionnement de leur entreprise. Ils devront aussi ne pas oublier que la fracture sociale s’est encore plus fait sentir durant la période, et en tirer des conclusions sur les façons de reprendre le travail de chacun.

Je crois qu’
à l’avenir, le leadership sera, par conséquent, davantage axé sur les valeurs
. Cette crise a prouvé que ceux qui sont restés fidèles à leurs valeurs ont pu mieux expliquer les changements et les incertitudes, qui vont devenir la norme de demain. Nous nous orientons donc vers des profils de dirigeants moins techniciens, mais capables de réflexion autonome, plus humanistes, avec, peut-être, une formation en sciences sociales ou en histoire, et surtout avec des savoir-être qui supplanteront les savoir-faire. »