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Finance

Un nouvel instrument pour élargir l'accès aux financements verts, Crédits

Un nouvel instrument pour élargir l'accès aux financements verts, Crédits

Enel avait
ouvert la voie en septembre
. L’énergéticien italien a emprunté 1,5 milliard de dollars à 5 ans, via le premier «sustainability-linked bond» (SLB). L’émission est assortie de conditions : si, au 31 décembre 2021, Enel n’a pas respecté son engagement de faire passer à 55 % la part des énergies renouvelables dans sa production, il sera pénalisé. Les intérêts versés aux investisseurs augmenteront alors de 25 points de base.

Pour encourager d’autres entreprises à suivre cet exemple, l’Association internationale des marchés de capitaux (Icma) a publié mardi les «sustainability-linked bond principles». Comme pour les «green bonds» et les «social bonds», il s’agit d’un corps de règles d’applications volontaires, permettant d’établir des standards de marchés fiables pour ce nouvel instrument. Et favoriser ainsi son développement.

Obligation de résultat

Contrairement aux «green bonds» traditionnels, qui font peser sur l’emprunteur une obligation de moyen – il doit démontrer que les fonds obtenus servent à financer des actions permettant de lutter contre le réchauffement climatique – les SLB sont soumis à une obligation de résultat. « La réalisation de l’objectif est mesurée à une date précise, décrit Tanguy Claquin chez Crédit Agricole CIB, un des rédacteurs des principes s’appliquant aux sustainability-linked bonds. S’il n’est pas atteint, la structure de l’obligation est modifiée, dans une logique incitative pour l’émetteur. »

Dans le cas d’Enel, il s’agissait d’une augmentation du coupon versé aux investisseurs. Mais d’autres hypothèses peuvent être envisagées, comme un remboursement des obligations avant l’échéance. Notamment parce que certains acheteurs, dont la Banque centrale européenne, ne peuvent acheter des obligations comportant une hausse du coupon.

Ce dispositif, inspiré des pratiques existantes pour les prêts bancaires, est censé permettre d’ouvrir l’univers des obligations favorables au climat à un plus grand nombre d’émetteurs. « Il s’agit d’un instrument complémentaire, qui s’adresse par exemple aux entreprises dans une démarche de transition, mais qui n’ont pas suffisamment d’investissement prévu pour émettre un green bond, explique Tanguy Claquin. Il peut aussi être utilisé par des groupes dans des secteurs très intensifs en carbone ». Ces derniers peuvent en effet craindre que l’émission d’obligations labellisées vertes fasse d’eux la cible de critiques ou de moqueries, et soit donc dommageable en termes d’image.

Flexible

Plus flexibles, plus faciles à mettre en place, les SLB pourraient apparaître comme des «green bonds» allégées. D’autant que les fonds peuvent tout à fait être utilisés pour les besoins généraux de financement de l’entreprise si la démarche de transition n’implique pas d’investissements lourds (amélioration de la gouvernance, mises en place de nouvelles politiques internes…). L’émission d’Enel avait d’ailleurs été accueillie avec une certaine suspicion par des spécialistes de la finance verte.

Pour les promoteurs des SLB principles, les garanties nécessaires ont été mises en place pour éviter que le verdissement ne soit que de façade. « La transparence est primordiale, souligne Orith Azoulay chez Natixis, elle aussi rédactrice des sustainability-linked bond principles. Les émetteurs devront clairement identifier et définir les indicateurs climatiques ou de durabilité sur lesquels les objectifs porteront. Il devra s’agir d’indicateurs déjà existants, afin notamment que leur évolution dans le temps puisse être mesurée. » Le recours à une évaluation par un expert extérieur est particulièrement recommandé.

Contrôle

Et même si les investisseurs sont plutôt enthousiastes vis-à-vis de ce nouvel instrument qui leur permettra
de renforcer et diversifier leurs portefeuilles « verts »
, ils devraient se montrer assez exigeants vis-à-vis des émetteurs. « S’ils ont des doutes sur la réalité des engagements pris ou sur le sérieux de la démarche, ils ne participeront pas à l’opération », estime Tanguy Claquin. « Le développement de ce marché et l’appétit attendu des investisseurs pourraient, à terme, inciter les émetteurs d’obligations vertes classiques à inclure des objectifs engageants dans leurs prochaines émissions », explique Orith Azoulay.

Reporting : le compte n'y est pas, Contrôle de gestion

Reporting : le compte n'y est pas, Contrôle de gestion

Des années que
le constat est identique
. « Les financiers passent trop de temps à produire l’information plutôt qu’à l’analyser », résument Thierry Cornille et Sylvain Perdriau, associés chez EY, qui a interrogé, début 2020, quelque 130 responsables financiers sur leur reporting et leur process de pilotage de la performance. Et, de fait, le bilan n’est pas très bon.

Les trois quarts des responsables jugent toujours que « l’équipe finance ne passe pas suffisamment de temps sur les analyses », 70 % considèrent ne pas « disposer d’un outil de reprévision suffisamment robuste et agile » et 50 % estiment ne pas avoir les « moyens nécessaires pour enrichir la mesure de la performance ». Face à ce constat, « les responsables financiers ont bien identifié les trois leviers nécessaires pour améliorer leurs travaux : redonner du temps aux analyses, améliorer la qualité des prévisions et intégrer les données non financières », affirme Sylvain Perdriau. Reste à les mettre en oeuvre.

Pour cela, 96 % des professionnels
misent sur l’automatisation
, notamment à travers la mise en place d’une solution EPM (« Entreprise performance management »), déjà utilisée par 70 % des répondants. « Bien plus qu’une simple solution technique de collecte et de stockage des données financières, elle structure les données financières et non financières afin de traduire la vision managériale de la gestion de la performance », explique EY.

L’utilisation d’un « entrepôt de données » – data lake, data warehouse… – est aussi un levier utilisé par 33 % des répondants. Mais attention, les experts font bien remarquer que l’outil magique n’existe pas. « Les outils ne sont que des moyens : le sujet tient essentiellement à l’organisation et aux processus. Croire que la technologie peut répondre à tous les besoins est illusoire : c’est avant tout un sujet d’hommes et de femmes qui doivent trouver les moyens de mieux travailler ensemble. L’automatisation, la RPA (« Robotic process automation »), comme l’intelligence artificielle, sont prometteuses et peuvent apporter une vraie valeur, mais cela suppose d’avoir mis en place beaucoup de choses en amont. »

Business partner de papier

Sur le terrain, le dialogue avec les opérationnels
n’est toujours pas à la hauteur
 : 63 % des répondants considèrent qu’il faut une plus « grande proximité entre les équipes opérationnelles et financières pour donner du sens aux échanges ». « Les directeurs financiers ont beaucoup de mal à obtenir dans les temps les informations dont ils ont besoin. Ensuite, après avoir planché sur de nombreux rapports et tableaux de bord, ils se rendent compte que les opérationnels n’exploitent pas les éléments produits. C’est pour le moins frustrant ! », souligne Thierry Cornille. Les financiers seraient donc davantage « business partner » sur le papier que dans la réalité.

Le sujet est pourtant crucial pour répondre au prochain challenge : l’amélioration de la qualité des prévisions. « Rares sont les entreprises qui ont mis en place des rolling forecast permettant de corriger en permanence les prévisions en fonction du réel. Pourtant la crise du Covid-19 a montré la nécessité de pouvoir corriger rapidement ses prévisions, de façon agile. Les horizons ont aussi changé – on est passé à la semaine plutôt qu’au mois ou au trimestre. Le confinement a permis de prendre conscience des faiblesses ou des retards dans la digitalisation des outils et process de reporting comme de consolidation : tous les dysfonctionnements des organisations ont été brutalement mis en lumière », relèvent Sylvain Perdriau et Thierry Cornille.

Peut-on donc espérer une avancée dans les entreprises ? Les responsables semblent sereins sur les moyens dont ils disposent : ni les investissements, ni la conduite du changement, ni le manque de compétences des équipes ne constitueraient de réels problèmes. Pour autant,
l’heure n’est pas vraiment au lancement de projets
. « Les entreprises regardent les solutions, mais ce sera au plus tôt pour l’automne, quand la situation se sera calmée sur le front du Covid-19 », estiment les associés d’EY. L’enjeu est pourtant majeur. « Si les directions financières ne font pas évoluer leurs outils, et conservent des bases non unifiées, elles ne parviendront pas ni à gagner leur place de business partner dans l’entreprise, ni à attirer des profils intéressants », préviennent les experts.

Les créanciers de Technicolor prêts à monter au capital, Crédits

Les créanciers de Technicolor prêts à monter au capital, Crédits

Plan de la dernière chance pour Technicolor. Le spécialiste des technologies de l’image plombé par 1,6 milliard de dette a annoncé jeudi soir avoir reçu une offre de ses créanciers pour faire face à ses échéances. Frappé par de multiples restructurations ces dernières années, le groupe a dû ouvrir une nouvelle procédure de conciliation mardi avec ses prêteurs.

Cette fois, ces fonds menés par Bain et Alcentra et quelques banques offrent une injection de 400 millions d’euros. Un apport assorti, d’après nos informations, d’une conversion en capital d’une part des quelque 1,25 milliard de lignes qu’ils détiennent sur le total. C’est sur ce point dur que les négociations vont débuter. « Il faudra potentiellement réduire ces lignes de moitié voire des deux tiers », estime-t-on du côté des actionnaires. Bain,
qui monte progressivement au capital depuis des mois,
pourrait donc encore renforcer sa position.

Dilution des actionnaires existants

Les actionnaires, dont RWC Asset Management, vont se trouver fortement dilués. L’opération sera combinée avec une augmentation de capital qui doit leur permettre de protéger leur position s’ils y participent. Mais dont les termes ne sont pas encore définis et devront là aussi être négociés avec les créanciers. La société a d’ailleurs prévenu jeudi soir que cette transaction pourrait impliquer « une dilution très significative pour les actionnaires existants qui ne participeraient pas à l’augmentation de capital ».

Vendredi, les investisseurs étaient dans l’expectative de la poursuite des discussions, le titre restant quasi stable à l’ouverture à 3,92 euros. Depuis l’Assemblée générale du groupe, en mars, Technicolor n’est plus un « penny stock », ces sociétés qui cotent à moins d’un euro par action, à la faveur d’une division par 27 du nombre d’actions.

L’augmentation de capital initiale compromise par la crise

Si créanciers et actionnaires trouvent un accord, l’apport de cash doit permettre à Technicolor de rembourser d’ici le 31 juillet une ligne de 110 millions accordée par JP Morgan. De quoi offrir un peu de répit au nouveau patron de la société, l’Anglo-irlandais Richard Moat, arrivé cet hiver avec la volonté d’aller vite et fort, mais stoppé dans son élan par la pandémie de Covid-19.

En raison de la crise sur les marchés, le groupe ne compte plus sur
la première
la première
pour rembourser ses prêteurs.

Son activité d’effets spéciaux souffre de l’arrêt des tournages de films et séries à Hollywood,
même si les films d’animation et la publicité continuent de lui apporter un peu de travail.
La fabrication de DVD et de décodeurs a elle souffert du ralentissement des usines en Asie et de la fermeture des magasins. Au premier trimestre, le chiffre d’affaires des activités poursuivies a chuté de 12,8 %.

Numéro un mondial sur ses trois activités mais dont deux sont en déclin structurel, Technicolor poursuit ses objectifs de réduction de coûts. L’entreprise se dit « en bonne voie pour réaliser une économie de 100 millions d’ici la fin de 2020 » et indique avoir trouvé 75 millions de coûts supplémentaires dont elle pourrait se dispenser d’ici à trois ans.

ESEF : les entreprises seront-elles prêtes ?, Contrôle de gestion

ESEF : les entreprises seront-elles prêtes ?, Contrôle de gestion

Avec la crise du Covid-19, les contraintes liées au confinement et les difficultés du redémarrage, beaucoup d’entreprises ont reporté les travaux prévus pour répondre aux nouvelles obligations réglementaires de l’ESEF
et de l’iXBRL
. Pourtant, une étude menée fin avril-début mai par Grant Thornton et Labrador auprès d’une cinquantaine de sociétés cotées permet d’être plutôt optimiste.

« La quasi-totalité des entreprises interrogées estime avoir une très bonne connaissance du sujet et 79 % jugent qu’elles seront prêtes pour la mise en place du reporting ‘European Single Electronic Format’ qui impose de publier ses états financiers 2020 au format XHTML début 2021 », soulignent Anaïs de Lacharrière, associée et responsable reporting et consolidation de Grant Thornton, et Caroline Bautz, directrice groupe du pôle conseil et communication réglementée de Labrador. « Dans la majeure partie des cas, les projets ont été lancés dès 2019. 43 % des entreprises l’ont programmé au second semestre. Les bases sont désormais stables et le délai est encore suffisant pour mener à bien d’indispensables tests à blanc », poursuit Anaïs de Lacharrière. Quelque 17 % des groupes – 50 % parmi ceux du CAC 40 – ont achevé les étapes de mapping et de création d’extensions, et 4 % déclarent même avoir terminé leur projet.

En pratique, les directions financières et comptables sont en général à la manoeuvre, en collaboration avec les relations investisseurs et les services informatiques. Plus de 90 % des groupes interrogés ont choisi de se faire accompagner dans la mise en place de l’ESEF : la moitié a assisté à des ateliers d’information, internes ou externes, et 40 % ont fait appel à un prestataire. Toutefois, moins d’un quart des groupes envisagent une solution totalement externalisée. « Les principaux critères de choix des outils, ou des prestataires, sont des critères budgétaires – respectivement 51 % et 64 % – et de simplicité d’implémentation ou d’utilisation (50 %) », relève l’étude.

Un cran plus loin

Les clés pour réussir ? « Mettre en place une bonne gouvernance du projet, réactive et en mesure de faire face rapidement aux questions. Il faut aussi une vision à long terme car il faut dès maintenant penser aux phases suivantes, lorsque les annexes et les tableaux devront eux aussi être balisés », soulignent les expertes. En revanche, il serait un peu dangereux de vouloir profiter de l’ESEF pour tout remettre à plat. « Lancer sur le second semestre à la fois un projet de « disclosure management », pour automatiser la production de ses documents, et un projet de mise au format ESEF me semble ambitieux, et donc risqué ! Mieux vaut recourir à une solution externe, qui propose une traduction automatique et clé en main des données, que de ne pas être en mesure de déposer ses comptes 2020 au format attendu par l’AMF », estime l’associée chez Grant Thornton. D’autant que, malgré la demande de certains groupes, les chances d’un report de l’échéance semblent bien minces.

Sur le fond, il faut croire que le nouveau format a convaincu les entreprises, qui sont nombreuses à souhaiter l’utiliser plus largement à terme. Ainsi, 64 % pensent ainsi qu’il serait utile d’élargir l’iXBRL à des indicateurs clés économiques et 45 % à des données RSE. « D’ici cinq ans, on peut envisager de baliser de nouveaux indicateurs, extra-financiers et plus qualitatifs : les possibilités sont nombreuses. Cela devrait permettre d’améliorer la qualité de la communication des entreprises et accroître la valeur de la donnée. Toutefois, il faudra veiller à conserver la pédagogie et les explications : le nouveau format ne doit pas faire reculer la communication financière et la limiter aux seuls chiffres », prévient Caroline Bautz. L’AMF y veillera.

La gestion fiscale des abandons de créances dans le contexte du Covid-19, Fiscalité

La gestion fiscale des abandons de créances dans le contexte du Covid-19, Fiscalité

La crise sanitaire du Covid-19 entraîne son lot de difficultés financières pour les acteurs économiques. Les entreprises peuvent être contraintes de consentir des remises de dettes à leurs débiteurs afin de préserver leurs débouchés commerciaux ou de soulager la trésorerie de leurs filiales. Le traitement fiscal de tels abandons de créances doit être anticipé pour éviter de faire l’objet de remises en cause par l’administration fiscale lors de ses contrôles.

S’assurer de la déductibilité fiscale des abandons de créances pour le créancier

La déductibilité fiscale des abandons de créances est encadrée de façon stricte. Seuls les abandons « normaux » et ayant un « caractère commercial » sont ainsi susceptibles de constituer une perte déductible pour la société qui l’octroie. L’aide doit en effet être consentie dans l’intérêt propre du créancier et trouver son origine dans les relations commerciales qu’il entretient avec son débiteur. Tel est notamment le cas des aides permettant de maintenir ses débouchés ou de préserver ses sources d’approvisionnement.

À l’inverse, les aides qui ne sont pas consenties dans l’intérêt du créancier ou qui présentent un caractère purement « financier », doivent être réintégrées au résultat fiscal de l’auteur de l’abandon. Pour identifier ces aides, la jurisprudence fait le plus souvent appel à une analyse multicritère appréciant notamment l’existence de relations client-fournisseur, la nature de la créance abandonnée, ou encore l’existence de liens capitalistiques entre les sociétés.

Une bonne pratique consiste donc à documenter l’abandon de créance pour pouvoir justifier a posteriori de son caractère normal et commercial. À cet égard, la seule invocation de l’état de crise sanitaire actuelle ne devrait pas en soi suffire à garantir la déductibilité de l’aide, sauf pour les créances de loyers. En effet, dans le cadre de la loi de finances adoptée le 25 avril 2020 en réponse à la crise du Covid-19, le législateur a autorisé la déduction « automatique » des abandons de créances de loyers consentis au cours de la période courant du 15 avril au 31 décembre 2020, sous réserve qu’il n’existe pas de liens de dépendance entre bailleur et preneur.

Anticiper la possible imposition d’un produit exceptionnel chez le débiteur

On regrettera toutefois qu’une telle mesure incitative n’ait pour l’instant pas été étendue à d’autres formes de solidarité économique.

Les seules exceptions à ces règles de limitation de la déduction fiscale des abandons de créances visent les sociétés débitrices qui sont en difficulté financière sérieuse dans le cadre de procédures collectives ou de procédures de conciliation devant le tribunal de commerce. Dans ce cas de figure, les abandons de créances à caractère financier consentis par une société mère à sa filiale en difficulté sont totalement déductibles à hauteur de la situation nette négative de la filiale, et pour le reliquat, dans la proportion du capital de celle-ci détenue par d’autres sociétés.

Le remboursement d’une dette est fiscalement neutre pour l’entreprise. En revanche, les remises de dettes ou abandons de créances consentis par les créanciers se traduisent normalement par un profit imposable chez le débiteur, indépendamment de son caractère commercial ou financier.

La plupart du temps, ces opérations n’entraînent toutefois aucune imposition effective, compte tenu de la situation déficitaire des entreprises concernées.

Par Bruno Knadjian, avocat associé, et Sylvain Piémont, avocat du cabinet Herbert Smith Freehills

La France, championne européenne des prêts garantis par l'Etat, Crédits

La France, championne européenne des prêts garantis par l'Etat, Crédits

Le chiffre donne le tournis. Avec le prêt de 5 milliards d’euros accordé à Renault, dont l’arrêté a été publié jeudi au « Journal officiel », la France affiche un record de prêts garantis par l’Etat (PGE) : 93 milliards d’euros accordés à 490.000 entreprises depuis sa mise en place fin mars pour aider l’économie à faire face à la pandémie. Elle se place ainsi devant l’Espagne (63,1 milliards d’euros), le Royaume-Uni (34,8 milliards), l’Allemagne (28 milliards) et l’Italie (22,4 milliards). « Il y a eu un travail collectif très rapide entre les banques et le ministère des Finances », se réjouit un banquier. « La simplicité des dispositifs est un gage d’efficacité », ajoute-t-on à Bercy. Un succès à double tranchant : si les entreprises ne remboursent pas, c’est l’Etat qui devra payer la facture. Revue des dispositifs par ordre décroissant.

Espagne : 63 milliards d’euros

100 milliards d’euros pour soutenir les entreprises : c’était
la promesse du chef de gouvernement Pedro Sánchez
fin mars dernier au début du confinement. Les banques, très critiquées pendant la crise de 2008, se sont mobilisées plus rapidement. Elles y trouvent leur compte avec un taux d’intérêt de 2,5 % et le processus est volontairement léger – l’Etat accorde sa garantie sans condition.

La France, championne européenne des prêts garantis par l’Etat

L’organisme de crédit officiel (ICO) garantit les prêts à 80 % pour les PME et travailleurs indépendants, et à 70 % pour les autres entreprises, et à 60 % pour les refinancements. Au 31 mai, 509.011 opérations ont été bouclées, débloquant au total 63,14 milliards d’euros de prêts aux entreprises. 98 % des opérations concernent des petites structures, comme les PME, les travailleurs indépendants et les micro-PME qui demandent une moyenne de 20.000 euros, remboursables sur 4 à 5 ans.

Royaume-Uni : 35 milliards d’euros

Le démarrage a été poussif. Mais les trois dispositifs mis en place par le Trésor britannique pour garantir les prêts bancaires aux entreprises mises en difficulté par la pandémie ont finalement décollé. Au total, plus de 745.000 entreprises en ont bénéficié pour un montant de 31,3 milliards de livres (34,8 milliards d’euros).

Ce sont les prêts limités à 50.000 livres (« Bounce Back Loan Scheme ») qui connaissent le plus grand succès, avec 21,3 milliards de livres prêtés, contre 8,9 milliards pour ceux allant jusqu’à 5 millions (« Coronavirus Business Interruption Loan Scheme », CBILS), et 1,1 milliard pour ceux allant jusqu’à 200 millions («
Coronavirus Large Business Interruption Loan Scheme
», CLBILS). Lancés début mai, les « Bounce Back Loans » ont tout de suite décollé. Ils sont garantis à 100 % (contre 80 % pour les CBILS et les CLBILS) et ont d’emblée été octroyés avec la consigne d’alléger les contrôles habituels sur le profil de l’emprunteur.

Allemagne : 28 milliards d’euros

Dans le cadre de son sauvetage, Lufthansa a reçu une facilité de crédit syndiqué de 3 milliards d’euros garantie par la banque publique KfW. Mais c’est l’arbre qui cache la forêt. Malgré son poids économique, l’Allemagne a accordé jusqu’ici seulement 28 milliards d’euros de crédits garantis par l’Etat, à 54.000 entreprises.

La première économie de la zone euro avait pourtant démarré fort, le gouvernement annonçant dès le 13 mars une enveloppe globale de 500 milliards d’euros. Mais les banques allemandes, fragiles et soucieuses d’améliorer leur rentabilité, traînent les pieds. Pour les stimuler, Berlin a porté en avril sa garantie de 80 et 90 % (pour les grandes et moyennes entreprises) à
100 % pour les entreprises de 10 à 250 employés
.

Italie : 22 milliards d’euros

Les différentes banques italiennes ont accordé 22,4 milliards d’euros d’emprunts, avec une garantie de l’Etat, accordés à 301.777 entreprises, selon le ministère de l’Economie. Début avril, le gouvernement italien a approuvé un plan de soutien aux entreprises qui prévoit des prêts pour les PME/PMI, garantis par l’Etat. Elles ont été 437.000 a en faire la demande.
Un manque de succès
que Lando Maria Sileoni, directeur de la FABI (Fédération bancaire italienne) explique par la bureaucratie, qui allonge les délais et rend les procédures complexes. Il faut remplir en effet 19 documents pour demander un prêt inférieur à 25.000 euros. Les normes gouvernementales ont été en outre rédigées de manière peu claires. Enfin, les banques ont privilégié les entreprises du Nord.

Prêts garantis : les entreprises profitent des différents régimes en Europe, Crédits

Prêts garantis : les entreprises profitent des différents régimes en Europe, Crédits

« Les banques espagnoles ont été les premières à réagir, et nous sommes en discussions pour une nouvelle ligne de crédit supplémentaire». Econduit par ses six banques en France
pour un prêt garanti
, le dirigeant du spécialiste de technologies numériques pour le cinéma Ymagis place tous ses espoirs dans les aides d’Etat de la vingtaine de pays où il est présent, en particulier en Espagne, mais aussi en Suisse, en Croatie… et même aux Etats-Unis.

Au palmarès, c’est cependant la péninsule ibérique, où il génère 25% de son chiffre d’affaires, qui a été la plus réactive. «Nous avons obtenu une première ligne de 2,5 millions et négocions une autre de 1 million d’euros avec nos banques en Espagne, dont Santander, et cherchons ailleurs en Europe», explique Jean Mizrahi, le directeur général du groupe. En France, ses six banques lui refusent en effet un prêt garanti d’environ 15 millions d’euros. « Je n’ai aucune explication, aucune justification, rien, se désespère le dirigeant du groupe de 750 salariés. Faute de solution, nous devrons ouvrir une procédure collective».

Garantie sans condition

Comme Ymagis, nombre d’entreprises internationales sollicitent tous les dispositifs et tentent de tirer parti des plus ouverts en Europe. Le groupe de restauration de voyage, Areas, ex-entité du français Elior domiciliée en Espagne, a aussi formulé des demandes dans différents pays.

Ces entreprises trouvent parfois un meilleur accueil via une simple filiale que sur leur territoire. « En Espagne, les banques sont un peu mieux rémunérées, concède un banquier français, et l’appel de la garantie de l’Etat est sans condition, c’est plus attractif pour les prêteurs». Pourtant, la garantie publique est plus faible (70%), les échéances de prêts plus courtes (jusqu’à trois ans au lieu de six ans) et les montants moins élevés.

Le premier a l’avoir testé est le français
Europcar
. «Nous avons fait feu de tout bois, auprès des directeurs financiers de notre vingtaine de filiales pour solliciter leurs banques locales et l’Espagne a été la plus rapide», explique Luc Peligry, le directeur financier du groupe. Résultat, les banques ont signé un chèque de 100 millions d’euros, alors qu’au siège en France, le groupe tentait toujours d’avancer avec ses 16 banques. Il a depuis obtenu un prêt garanti par l’Etat français de 220 millions d’euros.

L’Allemagne et l’Italie moins mobilisées

Les banques espagnoles n’ont pas cherché à analyser les risques cumulés de ses entités séparées pour réduire l’enveloppe. Et « une fois que nous y avons obtenu notre soutien, tout a été plus simple ailleurs », poursuit le directeur financier. Résultat, «nous sommes dans une position où nous allons devoir arbitrer entre les différentes offres qui nous seront éventuellement faites par les banques locales en Europe, de l’ordre de 50 millions d’euros chacune !»

Si le Royaume-Uni se montre ouvert, en Italie et en Allemagne les procédures paraissent plus compliquées. Outre Rhin en particulier, les banques ont tendance à privilégier les aides pour les entreprises ayant un véritable ancrage local, note le dirigeant. Pourtant le loueur, qui y négocie toujours, y réalise pas moins de 30% de son chiffre d’affaires, contre 15% en Espagne.

La crise n'entame pas le moral des consultants indépendants, Profils

La crise n'entame pas le moral des consultants indépendants, Profils

Touchés, mais pas coulés. Alors que la crise liée à la pandémie de Covid-19
malmène bon nombre d’entreprises
, elle n’épargne pas, en toute logique, les consultants indépendants. Selon une étude réalisée par le réseau de consultants et d’experts indépendants Comatch, auprès de 1.000 membres de son réseau européen, seuls 22 % d’entre eux déclarent n’avoir subi aucun impact sur leurs projets. Dans le détail, environ 30 % des consultants indépendants assurent que leur projet en cours et/ou prévu a été reporté, 12 % qu’un projet en cours a été annulé, et 19 % qu’un futur projet prévu a été annulé.

En outre, 73 % d’entre eux anticipent que leurs revenus seront affectés négativement au cours des trois ou quatre prochains mois. « Le coronavirus a eu un impact profond, laissant beaucoup de personnes avec moins de revenus et du retard dans les projets. Toutefois, les personnes interrogées font preuve d’optimisme et de résilience face à la crise. Bien que la plupart aient ressenti le contrecoup économique du Covid-19, ils restent attachés à leur métier, les yeux fixés sur la voie à suivre », affirme Comatch.

S’adapter

Car les consultants indépendants sont bien décidés à sortir par le haut de cette crise. Parmi les professionnels interrogés, 77 % se disent prêts
à s’adapter à ce nouvel environnement
. « En tant qu’indépendants, nous devons sans cesse nous remettre en cause. Nous changeons de clients, d’activité, de lieux aussi souvent que nos missions nous l’imposent. Une mission commence, une mission se termine. Ce mode de vie nous met dans une posture d’adaptation permanente », explique Clarisse Puhanné, consultante indépendante en France.

Au-delà, 43 % d’entre eux assurent qu’ils mettront à jour leur offre professionnelle pour attirer de nouveaux clients, 33 % poursuivront des projets en dehors de leur domaine de compétences habituel et 45 % profiteront même de leur nouveau temps libre. « Les consultants indépendants sont convaincus que cette crise et la récession qui suivra ne feront qu’augmenter le besoin de flexibilité et d’agilité des entreprises et les deux tiers des répondants pensent que la demande pour leur expertise va s’accélérer, remarquent les auteurs de l’étude. Par conséquent, la plupart sont ouverts au changement et souhaitent conseiller les entreprises sur la manière de s’adapter à la crise. » Reste à savoir si ces dernières, en quête d’économies, leur accorderont les budgets nécessaires pour cela.

La fonction finance devrait accélérer sa digitalisation, Contrôle de gestion

La fonction finance devrait accélérer sa digitalisation, Contrôle de gestion

C’est, en quelque sorte, une photo de l’état de l’art de la digitalisation dans les directions financières aux portes de la crise du Covid-19 que nous offre Losam Agency avec le dernier baromètre de son programme « Future of Finance ». Cette édition, réalisée avec Wolters Kluwer CCH Tagetik et Esker, a en effet été menée fin février-début mars, soit juste avant que les entreprises françaises
ne doivent massivement basculer dans le télétravail
, éprouvant leurs process et, avec eux, l’avancement de leur digitalisation.

A cette époque là, la centaine de directions financières de grands groupes interrogées jugeait leur état d’avancement « moyen », et 48 % se situaient précisément entre « très en retard » et « très avancé »,
sans grand changement par rapport à l’année dernière
. Les principaux domaines de digitalisation financière ?
La dématérialisation du processus « P2P »
, ou « procure to pay », c’est-à-dire de la chaîne achats, depuis la commande jusqu’au paiement, avec 82 % d’entreprises ayant mené à bien ou prévu un projet à court ou moyen terme. « Une analyse de détail révèle toutefois que 40 % des entreprises recevaient encore une grande partie de leurs factures par courrier. D’ailleurs, quelque 17 % des retards de paiement s’expliquaient par des factures qui n’avaient pas été reçues. Le confinement a dû changer la donne », relève Sara Seghaier, associée fondatrice de Losam Agency.

Viennent ensuite la dématérialisation des notes de frais, réalisée ou en cours chez 77 % des groupes sondés, puis la data visualisation, avancée dans 76 % d’entre eux. En quelques années, c’est la robotisation (RPA, ou « robotisation process automation »)
qui a réalisé la percée la plus forte
 : alors que seules 7 % des organisations avaient réalisé des projets en 2018, lors du premier baromètre, quelque 40 % des entreprises revendiquent des projets menés à bien et 22 % des projets en cours. « C’est aujourd’hui devenu commun dans les directions financières. Après le confinement, on peut penser que les projets vont encore s’accélérer : il y a de gros sujets d’automatisation si l’on veut permettre un travail à distance accentué », estime Sara Seghaier.

Elaboration budgétaire

Un autre sujet pourrait être dopé par la récente crise : l’élaboration budgétaire. « Avant le Covid-19, 54 % des entreprises jugeaient qu’elles devaient simplifier leur process pour gagner en agilité. Ces entreprises ont probablement beaucoup souffert avec l’arrêt des activités, puis la relance incertaine dans laquelle nous sommes actuellement. Tous les groupes multiplient les simulations budgétaires en ce moment et si les process ne sont pas à la hauteur, cela doit être très difficile pour eux ! Un bon process d’élaboration budgétaire était un bonus, maintenant cela devient un élément de base pour survivre », relève l’experte.

Deux autres sujets sont aussi attendus à la hausse : le « disclosure management » à la faveur des nouvelles réglementations
qui s’imposeront dès la prochaine clôture
et la compliance. « La phase de télétravail a entraîné une augmentation des fraudes de tous ordres : en back-office avec des fraudes sur les paiements, les fournisseurs, la fraude au président, mais aussi des sites web et des comptes clients piratés. Beaucoup de groupes ont donc prévu de renforcer leur compliance. On voit déjà que le nombre de projets progresse », détaille Sara Seghaier. Certains sujets, très débattus, ont en revanche finalement peu progressé. C’est notamment le cas de l’intelligence artificielle ou du prédictif, avec seulement 6 % de projets menés à bien et 17 % prévus à moyen terme. « La blockchain, dont on a énormément parlé ces dernières années, n’a finalement pas séduit : il y a moins de projets que l’année dernière », poursuit l’associée fondatrice de Losam Agency.

Les difficultés ? Début mars, les entreprises citaient la transformation culturelle et la conduite du changement (67 %) devant l’allocation des ressources et l’évolution des compétences (56 %) ou encore le poids de l’héritage face aux nouvelles technologies (43 %). Autant de freins qui pourraient bien avoir volé en éclat
au cours des huit semaines de confinement imposées par le coronavirus
. « Notre prochain baromètre devrait montrer l’effet d’accélération du Covid-19 sur les plans de transformation digitale des directions financières », anticipe Sara Seghaier. Premiers résultats attendus dès la fin juin.

Amazon emprunte au coût le plus bas de l'histoire des Etats-Unis, Crédits

Amazon emprunte au coût le plus bas de l'histoire des Etats-Unis, Crédits

C’est du jamais vu sur le marché obligataire américain. Lundi, Amazon a levé pour 1,25 milliard d’euros d’obligation à trois ans, avec un taux de 0,40 %. C’est moins que le plus bas rendement enregistré par une entreprise américaine pour cette maturité sur le marché obligataire. Le record précédent, 0,45 %, datait de 2012, et était le fait de compagnies comme Apple, IBM ou Walt Disney.

Plus surprenant encore, le géant de la distribution a dû offrir aux investisseurs à peine 20 points de base de plus que le Trésor américain. Une performance remarquable pour une entreprise dont la dette était encore classée dans la catégorie « spéculative » en 2009, comme le souligne le «Financial Times».

Dynamisme

Toutes maturités confondues (elles allaient de 3 à 40 ans), Amazon a levé 10 milliards d’euros sur les marchés, à un coût très avantageux. Ce succès s’explique d’abord par le dynamisme de l’activité de la firme de Seattle. Son chiffre d’affaires a presque été multiplié par un et demi au premier trimestre, et il compte parmi les grands « bénéficiaires » du confinement lié à la crise sanitaire.

Amazon profite également des conditions de financement très avantageuses résultant de l’action de la Réserve fédérale pour faire repartir un marché gelé en février et mars. En annonçant en avril qu’elle allait acheter des obligations d’entreprises, la banque centrale américaine a réduit de moitié la prime de risque demandée par les investisseurs pour prêter à une société bien notée plutôt qu’à l’Etat. Ce qui a entraîné une véritable frénésie d’émission de la part des entreprises. Les montants qu’elles ont levés depuis le début de l’année dépassent désormais les 1.000 milliards de dollars. C’est plus du double de l’an dernier à la même époque.

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La manne de la Fed bénéficie à toutes les catégories d’entreprises. Le 30 avril, Boeing, bien que dégradé à BBB- par S & P Global Ratings – le dernier cran avant la catégorie spéculative -, a pu lever 25 milliards de dollars sur le marché, et ainsi se passer des aides d’Etat. Le marché des entreprises mal notées (« high yield ») a lui aussi décollé avec 160 milliards de dollars émis depuis le début de l’année.

Du côté des investisseurs, il y a un réel appétit pour l’achat de nouvelles obligations d’entreprises. Les fonds dédiés à cette classe d’actifs enregistrent des collectes importantes. Le record d’Amazon ne tiendra donc peut-être pas très longtemps.

La Fed a acheté pour 1,3 milliard d’ETF « obligations d’entreprises »

La Fed a tenu sa promesse. Pour faire repartir le marché des obligations d’entreprises, elle a déjà acheté pour 1,3 milliard de dollars de part de fonds indiciels cotés (ETF) reposant sur cette classe d’actifs. 17 % de ces titres ont pour sous-jacent des obligations « high yield » (notées BB + ou en dessous). L’achat de ces titres d’entreprises peu solides – une première pour la Fed -, avait fait débat lors de son annonce.