La grogne monte contre les assureurs-crédit dans l’Hexagone. L’Etat a beau être déjà entré dans le jeu pour faire face au retrait prévisible de ces acteurs, de nombreuses entreprises s’inquiètent
de ne plus pouvoir compter sur eux
pour sécuriser leurs transactions commerciales à l’heure de la reprise économique. De quoi alimenter le débat sur une évolution du filet de sécurité public.
Le sujet est particulièrement sensible dans certains secteurs, comme la construction. Mardi, des organisations professionnelles actives dans ce domaine (DLR, EVOLIS et ARTEMA) ont ainsi annoncé avoir « saisi » le ministre de l’Economie pour qu’il « tempère » le « désengagement » des assureurs-crédit. Faute de quoi, « la situation aura un impact dommageable sur la reprise de l’activité », préviennent-elles.
Inquiétude grandissante
Les assureurs-crédit jouent un rôle clé dans le bon fonctionnement de l’économie. Euler Hermes, Coface ou encore Atradius garantissent les entreprises contre les impayés des clients dans un pays où les délais de paiements sont très répandus. En temps de crise cependant, ils sont enclins à diminuer les protections accordées aux sociétés pour se prémunir contre la hausse des défauts. D’où l’inquiétude grandissante des sociétés.
Conscient du problème, l’Etat a déjà décidé de réactiver un dispositif mis en place lors de la crise précédente (CAP et CAP+),
en octroyant une garantie publique
. Ce filet de sécurité a beau avoir été déjà renforcé – et porté à 15 milliards d’euros – il ne dissipe pas les inquiétudes. En témoigne
l’alerte lancée par le « comité de crise sur les délais de paiements ».
Réunissant les principales organisations patronales aux côtés de Bercy, ce comité a souligné la semaine dernière « l’augmentation des remontées d’entreprises s’inquiétant de la dégradation des couvertures d’assurance-crédit ».
La situation est suivie de près à Bercy. Le ministère a demandé aux assureurs-crédit de lui faire remonter des données pour prendre l’ampleur de la baisse des couvertures. « On n’exclut pas de faire évoluer le dispositif dans le sens d’un complément », indique-t-on à Bercy. Celui-ci pourrait porter sur les conditions d’éligibilité. Une augmentation de la garantie publique n’est pas exclue mais nécessiterait d’être adoptée dans une loi de finances.
La médiation du crédit mobilisée
Placée au sein de la Banque de France, la médiation du crédit tempère. « Pour l’instant, j’ai relativement peu de dossiers portant sur l’assurance-crédit », note le médiateur, Frédéric Visnovsky, qui règle aussi des conflits entre les banques et leurs clients. Cela ne l’a pas empêché d’engager des discussions bilatérales avec les principaux assureurs-crédit pour mieux comprendre ce qui se passe sur le terrain.
Les intéressés se défendent de ne pas jouer leur rôle. « Entre la période avant la crise et le début du mois de mai, nos engagements de couvertures totaux ont baissé de 3 % et nous ne faisons pas de réductions de garanties basées sur des critères sectoriels », assure Eric Lenoir, président du comité exécutif d’Euler Hermes France. D’après le poids lourd du secteur et son concurrent Coface, le recours au dispositif public va progressivement augmenter.
Reste que ces assureurs-crédit sont favorables à un ajustement du système. Ils ne sont pas les seuls. Un groupe de parlementaires de la majorité s’est ainsi emparé du sujet. « Le dispositif est lourd à activer pour les entreprises qui ont beaucoup de clients, comme les grossistes », explique ainsi Dominique David, députée de la République en Marche.