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Finance

Bercy et les assureurs veulent mieux couvrir les futures pandémies, Gestion des risques

Bercy et les assureurs veulent mieux couvrir les futures pandémies, Gestion des risques

Le calendrier est serré. Mercredi, Bercy et les assureurs ont donné le coup d’envoi des
travaux annoncés sur le développement d’un nouveau système d’assurance.
Celui-ci aiderait les entreprises à affronter des événements exceptionnels tels que les pandémies. L’objectif du ministère de l’Economie est de mettre sur la table des suggestions d’ici au début du mois de juin, « en vue d’une concertation plus large permettant de valider des propositions à l’été », précise-t-il dans un communiqué.

Concrètement, la Fédération française de l’assurance (FFA) et le ministère de l’Economie ont chacun mis sur pied un groupe de travail. La mission des assureurs, parlementaires et représentants d’entreprises participant à ces discussions est d’imaginer une « couverture assurantielle » permettant « aux acteurs économiques de faire face à une baisse du chiffre d’affaires et de poursuivre leur activité dans les meilleures conditions à un coût abordable pour les entreprises et maîtrisé pour la collectivité publique », précise Bercy.

Le régime des catastrophes naturelles inopérant

Cette initiative doit permettre de tirer les leçons de la crise actuelle. Mises à l’arrêt ou forcées de tourner au ralenti, la plupart des entreprises françaises se retrouvent sans filet de sécurité. Certaines avaient souscrit un contrat d’assurance pertes d’exploitation et espéraient obtenir une indemnisation pour amortir leurs difficultés financières.
La plupart des assureurs s’y sont cependant refusés.
Ils arguent que le risque de pandémie n’est pas assurable, sauf à mettre le secteur à genoux.

Des organisations patronales, telles que la CPME, représentant les petites et moyennes entreprises, ont par ailleurs suggéré « d’élargir l’état de catastrophe naturelle à la catastrophe sanitaire que nous traversons ». Pour pallier le manque de couverture des risques naturels, la France dispose en effet d’un dispositif d’assurance spécifique. Il permet, avec l’appui de l’Etat et plus précisément du réassureur public, la Caisse centrale de réassurance, d’indemniser les dommages causés par des inondations, tempêtes, etc.

Le Crédit Mutuel relance le débat

Pour autant, les risques liés à l’épidémie de Covid-19 « ne répondent pas aux caractéristiques des catastrophes naturelles, rendant inopérante la mobilisation de ce régime d’indemnisation », rappelle Bercy. L’indemnisation des dégâts provoqués par les catastrophes naturelles n’est aujourd’hui possible que pour les biens couverts par une assurance dommages, et grâce aux réserves accumulées depuis des années grâce à un prélèvement sur les primes d’assurance. Par ailleurs, l’ampleur des dommages causés par l’épidémie actuelle n’a rien à voir avec celle des dégâts d’une catastrophe naturelle.

D’où la nécessité pour le secteur et les autorités publiques d’imaginer un dispositif complètement nouveau. Le chantier est vaste. Il faut définir les préjudices à indemniser, les entreprises concernées et, surtout le financement du système. Le gendarme des assurances a fait savoir hier qu’à ses yeux une couverture des pertes d’exploitation ne serait envisageable que dans le cadre « d’un régime obligatoire garanti par l’Etat ».

Les discussions sur ce futur régime d’assurance ne devraient en tous les cas pas mettre un terme au débat sur le rôle des assureurs dans la crise à court terme. Le Crédit Mutuel vient de le rouvrir en annonçant qu’il allait verser « une prime de relance » forfaitaire et immédiate pouvant aller jusqu’à 20.000 euros à quelque 27.000 clients professionnels et entreprises ayant souscrit à une assurance multirisque avec pertes d’exploitation. Une geste aussitôt salué par la CPME.

Fiscalité et gestion de crise : s'inspirer de l'étranger, Taxes et Impots

Fiscalité et gestion de crise : s'inspirer de l'étranger, Taxes et Impots

Depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement français a choisi, avec une réactivité et une mobilisation des services fiscaux remarquables, de pallier l’urgence des difficultés de trésorerie des acteurs économiques, en accordant 
de nécessaires reports de paiement des principaux impôts directs
. Pour autant, cette action immédiate sur la trésorerie a été plus partielle que chez nos principaux partenaires, qui, sans idéologie, ont presque tous adopté des mesures en matière de TVA.

Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Belgique, Pays-Bas, Portugal, Danemark, Suède, Suisse, Grèce… Tous ont clairement fait le choix de mesures concernant la TVA, parfois ciblées uniquement sur les plus petites entreprises ou celles en difficulté. L’Allemagne a ainsi décidé d’un décalage de paiement de l’ensemble des impôts jusqu’au 31 décembre 2020, sur demande, pour les entreprises en difficulté – le gouvernement ayant demandé une application « souple » de ce critère. Le Royaume-Uni a même fait du report de paiement de la TVA, sur option, sans conditions et sans intérêts de retard, jusqu’au 31 mars 2021, la mesure principale de son action.

Il y a chez nos voisins la prise de conscience que 
l’après-crise sanitaire se prépare dès maintenant
, comme le montrent l’adoption d’échéances lointaines de report et la mobilisation de l’ensemble des impôts pour faire « repartir la machine ». C’est sans doute plus facile à dire qu’à faire, surtout dans un contexte d’effondrement budgétaire, mais il n’en reste pas moins que nos partenaires pilotent déjà leur fiscalité sur le moyen terme.

Effet contracyclique

Autre exemple : les Etats-Unis revoient, dès aujourd’hui, leurs dispositifs de déductibilité des charges financières. On sait que ces règles, qui existent dans la plupart des pays – dont la France -, instaurent des plafonds de déductibilité en fonction notamment d’un pourcentage de l’Ebitda. Cet indicateur se détériorant en situation de crise, c’est donc moins de charges qui peuvent être déduites alors que le recours à l’emprunt sera nécessaire. Revoir ces règles participe donc d’un effet contracyclique et d’une relance par l’offre, ce qu’ont compris certains partenaires de la France. Il en est de même de l’assouplissement des règles de reports déficitaires, déjà en oeuvre aux Etats-Unis ou en Chine. D’autres enfin,
tel l’Australie
, adoptent dès maintenant des dispositifs d’amortissement accéléré pour encourager l’investissement.

La fiscalité a toute sa place dans la gestion de la crise économique, en tant qu’outil contracyclique et pouvant agir à la fois sur une offre atone et une demande faible – une baisse de TVA peut contribuer à contrer 
un risque d’augmentation de l’épargne de précaution
. Mais il faut l’utiliser avec pragmatisme et sans tarder, dès le déconfinement.

Nicolas Jacquot, avocat associé, Arsene.

La médiation du crédit reçoit une avalanche de saisines, Crédits

La médiation du crédit reçoit une avalanche de saisines, Crédits

Selon les chiffres publiés mardi par la Banque de France, 1.428 dossiers ont été considérés comme éligibles depuis le 6 avril en France métropolitaine. C’est déjà plus que sur l’ensemble de l’année 2019.

Créée pendant la crise financière de 2008 pour soutenir les entreprises se voyant refusées un prêt par leur banque, la médiation du crédit se trouve inondée de saisines avec la crise du coronavirus. Selon les chiffres publiés mardi par la Banque de France, 1.428 dossiers ont été considérés comme éligibles depuis le 6 avril en France métropolitaine.

En quelques jours, le nombre de dossiers à ainsi déjà dépassé le niveau de l’année dernière. En 2019, la médiation du crédit avait reçu au total 1.005 dossiers éligibles. A en juger par l’accélération du rythme, de 159 demandes éligibles par jour en ce moment (voire 221 pour la journée du 16 avril), la cellule pourrait vite atteindre un record de saisines.

« Les entreprises concernées sont très majoritairement des TPE (moins de 10 salariés) dont la situation est souvent dégradée et qui sont, de plus en plus fréquemment, confrontées à des refus de prêts garantie par l’Etat (PGE) », explique la Banque de France dans un communiqué. Accordés par les banques depuis début avril,
ces prêts sont couverts jusqu’à 90%
par une garantie d’Etat.

Les TPE majoritairement touchées

A la médiation du crédit, les montants cumulés de crédits demandés atteignent 243,1 millions d’euros, soit une moyenne quotidienne de 27 millions. Certes, au regard des 3 milliards d’euros de demandes quotidienne de PGE, les montants paraissent faibles, mais ils touchent une population d’entreprises
particulièrement fragiles
.

Traditionnellement, les services et le commerce sont les premiers secteurs qui saisissent
la cellule présidée par Frédéric Visnovsky
. Par ailleurs, une progression des saisines était déjà observée dans l’hôtellerie-restauration et le commerce de détail ces dernières années. Or ce sont ces professions qui sont les plus exposées aux conséquences économiques du confinement.

Crowdfunding : vers des prêts garantis par l'Etat, Crédits

Crowdfunding : vers des prêts garantis par l'Etat, Crédits

Un seau d’eau en plus pour tenter d’éteindre l’incendie. Selon nos informations, les banques pourraient bientôt ne plus être les seuls prêteurs autorisés à
distribuer des prêts garantis par l’Etat (PGE)
.

Les plateformes de prêts en ligne, ces acteurs apparus en France ces dix dernières années dans la mouvance du « crowdfunding », espèrent bien pouvoir s’intégrer au dispositif : en clair, continuer à servir d’intermédiaires entre des prêteurs (particuliers, et de plus en plus, investisseurs institutionnels), et des PME qui empruntent, mais en faisant bénéficier les premiers de la garantie de l’Etat en cas de non-remboursement.

« Nous avons des discussions actuellement avec le secteur du ‘crowdfunding’ en vue de soutenir l’activité des plateformes, confirme-t-on à Bercy. Une piste étudiée est la participation des plateformes de prêt à la distribution du PGE, dans les conditions prévues par le cahier des charges défini par l’Etat. » Comme pour les banques, ces prêts ne pourraient donc pas être accordés à des entreprises déjà en difficulté avant l’épidémie de Covid-19.

En perte de vitesse ces dernières années
, les plateformes de financement participatif sont notamment utilisées pour les petites entreprises et PME rentables mais aux profils de risque divers, prêtes à payer plus cher pour se financer rapidement ou éviter les cautions et garanties exigées par une banque

Dans la mouvance des Etats-Unis

« La grande question est de voir dans quelles conditions les plateformes devront prêter, même si nous avons déjà accepté de notre côté le principe de le faire sans facturer de frais, pour participer à l’effort collectif », explique Olivier Goy, fondateur d’October, plateforme française qui s’est étendue aux Pays-Bas, à l’Italie et à l’Espagne.

La France se placerait ainsi dans la mouvance des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, où l’une des principales plateformes, Funding Circle, a obtenu le droit de prêter en s’inscrivant dans le dispositif de sauvetage des PME mis en place par les deux Etats.

Plus près de nous, « c’est un mécanisme qu’on a déjà mis en place en Italie et aux Pays-Bas. Et cela fonctionne très bien. Moralité, si tout va bien, on pourrait voir arriver la même mesure en France », espère Olivier Goy.

La mesure serait modeste à l’échelle du PGE, dont l’enveloppe globale est de 300 milliards d’euros garantis par l’Etat. Seuls 508 millions d’euros ont été collectés en 2019 en France via ces plateformes pour financer des prêts sous formes diverses (obligations, bons, prêts rémunérés ou non), selon le baromètre du financement participatif réalisé par Mazars.
Ouvrir le PGE aux plateformes en ligne
sera donc – quoi qu’il en soit – un simple appoint pour les entreprises.

Une forte menace pour le secteur

Une telle décision pourrait en revanche sauver le secteur, mis en danger par la crise provoquée par le coronavirus : si les défauts d’entreprise se multiplient, les investisseurs-prêteurs iront sans doute voir ailleurs, et les plateformes n’auraient donc plus d’argent à prêter.

Outre l’éventuelle participation au PGE, les plateformes tentent de conjurer ce risque. A l’image des banques, nombre d’entre elles ont d’ores et déjà accordé un moratoire de 3 à 6 mois sur les remboursements des prêts en cours.

« La situation ne nous rend pas optimiste pour autant. Il y aura forcément une vague de défauts. A nous maintenant de montrer que nous sommes proactifs face aux difficultés et que nous faisons tout notre possible pour protéger nos clients », souligne Olivier Goy.

Covid-19 : cinq services gratuits pour vous aider à traverser la crise, Contrôle de gestion

Covid-19 : cinq services gratuits pour vous aider à traverser la crise, Contrôle de gestion

Tendance
De nombreux spécialistes de la gestion de crise, de la gestion de trésorerie, de la robotique ou de l’intelligence artificielle ont ouvert des accès gratuits à leurs plateformes ou à des outils dédiés.

1. Se faire conseiller et accompagner

Cokpit, spécialiste de la mise en relation des PME avec des seniors experts, propose de mettre en place des créneaux d’accompagnement téléphonique gratuits avec ses professionnels. Ils pourront répondre à des questions relatives à des sujets RH, financiers, gestion de crise mais également accompagner les entreprises dans 
leur reprise d’activité

gestion de relation clients
, communication interne. Plus de 100 experts ont accepté de répondre sous 24 heures aux dirigeants de TPE, PME et start-up qui s’inscrivent sur la plateforme.

2. Se former en ligne

Le leader de l’analytique SAS met gratuitement à disposition 
son programme de formations en ligne
, comme le cursus « SAS Academy for Data Science ». De courtes séquences vidéo et des cours interactifs en ligne permettent de s’initier à la programmation ou à la statistique, voire d’obtenir des certifications.

3. Mieux maîtriser ses délais de paiement

Sidetrade, spécialiste de l’intelligence artificielle (IA), propose aux PME d’accéder librement à sa plateforme. Reposant sur la technologie développée par le groupe, l’offre « Cashcontrol » a pour objectif de permettre aux petites et moyennes entreprises 
de mieux maîtriser leurs délais de paiements
. La solution, accessible en ligne gratuitement jusqu’au 30 juin à toutes les sociétés dont le chiffre d’affaires est compris entre 8 et 500 millions d’euros, inclut l’envoi dématérialisé de lettres de relance interactives ainsi que la mise à disposition d’échéanciers de paiement automatiques et collaboratifs pour gérer les cas difficiles.

4. Résoudre ses litiges

L’association d’huissiers de justice Medycis propose un service gratuit dédié 
à la résolution des litiges nés pendant la durée du confinement
 : urgence-mediation.fr. Particuliers, TPE et PME peuvent ainsi remédier à leurs conflits – loyer impayé, facture à régler, mensualité de prêt à reporter, différends clients ou de voisinage. Il suffit de se connecter et de déposer un dossier sur le site, avec les pièces justificatives nécessaires. Un huissier de justice médiateur assure ensuite gratuitement le traitement du dossier, la prise de contact avec les parties, la tentative de médiation et l’établissement du procès-verbal de médiation. Seule la délivrance éventuelle d’un titre exécutoire ayant force de jugement sera payante.

5. Sécuriser ses paiements

Le réseau de lutte 
contre la fraude aux faux virements
 My SIS-id propose aux (seuls) établissements de santé un accès gratuit à sa plateforme de sécurisation des paiements. Les acteurs de la santé humaine, de l’action sociale ou des produits pharmaceutiques pourront ainsi vérifier que les coordonnées bancaires utilisées pour un paiement sont exactes, s’il y a une incohérence entre la société et ses coordonnées bancaires, ou encore si le compte a déjà été utilisé pour une fraude.

Covid-19 : les fonds d'investissement à l'affût des opportunités, Fusion-acquisition

Covid-19 : les fonds d'investissement à l'affût des opportunités, Fusion-acquisition

Les fonds d’investissement, à l’écoute de toute opportunité, attendent les règles de sortie du confinement pour se projeter sur le timing de potentielles acquisitions. « Dans le contexte actuel, toutes les entreprises sont fragilisées », prévient Saam Golshani, avocat associé du cabinet White & Case. Aucune n’est à l’abri.

Vers des opérations complexes et un marché d’acheteurs

Dans les six prochains mois, le  marché des fusions-acquisitions va se transformer en marché d’acheteurs : certaines entreprises se tourneront vers les procédures collectives pour se remettre de cette crise, ce qui entraînera des opérations complexes avec un fort élément de «distressed», car le vendeur ou la cible aura de gros problèmes de trésorerie. Les  marché des fusions-acquisitions , mais non «closés», sont majoritairement revus à la baisse ou gelés.

Les fonds d’investissement – dont la plupart se concentrent, pour le moment, sur la préservation de leur portefeuille – vont donc pouvoir acheter des entreprises considérées jusque-là comme intouchables. « Il existera d’importantes opportunités, mais pas avant septembre. Les acteurs économiques ne peuvent pas prendre le risque d’une deuxième vague, d’une rechute, et il est difficile d’appréhender la fin du confinement », temporise l’avocat. Les fonds devront aussi prendre en compte l’intervention des Etats et des potentielles nationalisations des entreprises les plus importantes. Le gouvernement chinois, par exemple, a très vite recapitalisé les plus grands conglomérats. « Ces entreprises réduisent la voilure à l’étranger, il va donc y avoir de la vente d’actifs pour des acheteurs européens et américains », continue Saam Golshani. Le gouvernement chinois s’est concentré sur la stabilisation de son économie domestique plutôt que maintenir les actifs étrangers de ces entreprises.

Le risque de forum shopping des aides d’états

La stratégie politico-économique de chaque pays va jouer un rôle primordial dans les scénarios des mois à venir. Cherchant à stabiliser leurs liquidités dans un contexte où le chiffre d’affaires est quasi inexistant ou en tout cas en forte baisse, les entreprises analysent de près les différentes aides d’états proposées. Ce travail d’identification des aides les plus intéressantes, en fonction du lieu du siège social pour les organisations cotées, risque d’entraîner un important effet de «forum shopping» (ou saisine de la juridiction la plus susceptible de donner raisons à ses propres intérêts ).

Ce risque existe au sein même de l’Union européenne. Chaque état membre a pris des dispositions différentes, rendant les mécanismes plus ou moins efficaces. « Jusqu’à aujourd’hui, il n’existait pas vraiment de solidarité européenne au sens d’anticipation européenne. Pendant de longues semaines, l’Italie a été laissé en première ligne sans aides d’état », considère le  spécialiste du M&A et du restructuring .

Rappelons que, sauf exception, les aides publiques aux entreprises sont par principe interdites par le droit communautaire. Les aides doivent, en règle générale, faire l’objet d’une approbation préalable par la Commission européenne. L’objectif est d’éviter que le soutien public ne fausse la concurrence sur les marchés. Le 20 mars dernier, la  Commission a adopté un « encadrement temporaire » de ces aides d’états pour soutenir les activités affectées par le Covid-19. En France, plus de 22 milliards de prêts garantis par l’Etat ont été accordés à plus de 150.000 entreprises sur plus de 50 milliards d’euros. Un arrêté signé le 17 avril devrait donner plus de sécurité aux banques sur la garantie accordée par l’Etat, ce qui devrait améliorer les cafouillages remarqués par les entreprises. 

Reports de charges : les cinq enseignements d'une mesure hors norme, Taxes et Impots

Reports de charges : les cinq enseignements d'une mesure hors norme, Taxes et Impots

A circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. Face au choc économique provoqué par le confinement , l’Etat a ouvert la possibilité aux entreprises de reporter de trois mois leurs échéances fiscales et sociales . Un mois plus tard, des données issues de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) et de la Direction générale des finances publiques (DGFIP), auxquelles « Les Echos » ont eu accès, permettent de dresser un premier bilan de cette politique inédite depuis l’après-guerre. Elles témoignent de l’ampleur du choc qui a dévasté l’économie et de ses effets contrastés sur les différentes branches d’activité.

Quatre entreprises sur dix concernées

Premier enseignement : comme attendu, les demandes ont été massives. Les reports ont atteint 7,6 milliards d’euros pour les charges sociales des entreprises et 1,7 milliard pour les échéances fiscales (impôt sur les sociétés et taxes sur les salaires). Le montant total reporté atteint 12 milliards si l’on ajoute les indépendants (qui ne sont pas comptabilisés dans ces données).

Parmi le 1,7 million d’entreprises concernées, près de 4 sur 10 ont demandé à décaler le paiement de leurs charges sociales. En conséquence, les Urssaf, habitués à des taux de recouvrement de 99 %, ont dû se passer de 36 % des montants dus sur cette période. Le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, reconnaît que ce sont là « des montants extrêmement importants », qui témoignent d’une situation « préoccupante » du tissu économique. « Nous avons préféré faire de la dette plutôt que de la faillite », justifie-t-il dans un entretien aux « Echos ».

Une tendance à la hausse

Ces données traduisent une hausse du taux de recours aux aides entre l’échéance du 15 mars, qui concerne les PME, et celle du 5 avril, due par les entreprises de plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires. La proportion des entreprises ayant demandé un report est passée de 40 % à 47 % entre ces deux dates. L’augmentation est spectaculaire dans les secteurs frappés par une fermeture administrative : le taux passe de 56 % à 92 % dans la restauration, de 44 % à 76 % dans le commerce non alimentaire. Cette progression laisse supposer que les reports seront encore plus massifs pour les prochaines échéances (15 avril et 5 mai), à ceci près que beaucoup de secteurs auront basculé en chômage partiel et auront donc moins de charges à régler.

Les PME premières bénéficiaires

La comparaison entre l’échéance du 15 mars et celle du 5 avril montre que cette politique bénéficie à toutes les entreprises quelle que soit leur taille. Ces chiffres sont à manier avec précaution, car l’activité économique était déjà confinée depuis presque trois semaines le 5 avril. Parmi les entreprises ayant demandé à décaler leurs charges, on compte 86 % de PME et 14 % d’ETI (entreprises de taille intermédiaire) et de grands groupes. Le montant de 7,6 milliards se répartit à 50-50 entre les deux catégories d’entreprises, en raison d’une masse salariale plus élevée pour les plus grandes entreprises.

Du côté de l’impôt sur les sociétés, le tableau est différent, dans la mesure où les grandes entreprises sont de gros contributeurs. Sur les 45.000 sociétés qui n’ont pas réglé leur acompte de mars, 52 % sont des microentreprises, 33 % des PME, 2 % des entreprises de taille intermédiaire et 0,1 % des grands groupes. En montant, la répartition est différente : 9 % de la somme de 1,7 milliard reportée a été fléchée vers les microentreprises, contre 10 % pour les grands groupes.

Au total, 20 grands groupes ont demandé à décaler leur acompte d’impôt, dont deux dans le transport, cinq dans l’automobile et quatre dans l’industrie manufacturière. Ils devront renoncer à verser un dividende, sans quoi ils devront rembourser cette échéance à l’Etat en plus de pénalités.

Reports de charges : les cinq enseignements d’une mesure hors norme

De fortes disparités selon les branches

La répartition par branche d’activité donne une photographie du choc qui a secoué l’économie lors du confinement. Parmi les premiers bénéficiaires, on compte – sans surprise – le transport aérien , la restauration, l’hébergement, l’habillement ou le commerce non alimentaire. « On retrouve dans cette liste les secteurs les plus durement touchés par la crise. C’est la preuve qu’il n’y a pas eu de passager clandestin », en déduit Gérald Darmanin.

A l’inverse, les services postaux, l’assurance, l’énergie sont les moins demandeurs. On note également une divergence entre les magasins d’alimentation et les commerces non alimentaires . Pour les premiers, les reports de charges ont atteint 24 % le 5 avril, contre 76 % pour les seconds.

Toutes les régions concernées

Les demandes d’aides varient selon les départements, mais dans des proportions moins marquées que pour les secteurs. Le taux de recours va de 30 % dans le Lot à 57 % en Haute-Corse. A noter que ce taux est relativement élevé pour l’échéance du 15 mars là où se sont déclenchés les premiers foyers du coronavirus. C’est le cas de la Corse, mais aussi de l’Alsace. En Ile-de-France, où l’épidémie est arrivée dans un second temps, la part des établissements ayant demandé un report est passée de 38 % le 15 mars à 51 % le 5 avril.

Hôtellerie, restauration, spectacle : les annulations de charges se précisent

Les discussions démarrent avec les professionnels les plus touchés par la crise pour définir selon quelles modalités leurs charges seront annulées. Seront concernés tout particulièrement les secteurs encore fermés en juillet. « J’ai commencé les réunions avec les restaurateurs et les hôteliers », explique Gérald Darmanin, tout en soulignant que « l’Etat n’avait jamais annulé des charges par secteurs ». « Est-ce qu’on va mettre un critère en fonction de la taille des entreprises ? C’est une discussion que l’on doit avoir », dit-il.A l’Assemblée, le ministre a expliqué que cette exonération devait être évaluée sur le plan constitutionnel. Dans tous les cas, elle ne concernerait que les charges patronales, et non les charges salariales qui ouvrent des droits pour les salariés.

 

Les assureurs-crédit dans le viseur des autorités françaises, Gestion des risques

Les assureurs-crédit dans le viseur des autorités françaises, Gestion des risques

Après
les banquiers et les assureurs
, c’est au tour des assureurs-crédit de se retrouver sous pression des autorités et des entreprises. « Nous attendons clairement que les assureurs-crédit qui garantissent le paiement des factures des PME se mobilisent davantage », a déclaré en fin de semaine dernière François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France dans un entretien au Journal du Dimanche.

Une réunion devait se tenir dans la soirée de lundi «pour obtenir des explications sur la raison pour laquelle ils ne maintiennent pas les couvertures», indiquait-on hier à Bercy.

Incarnés en France par Euler Hermes, Coface ou encore Atradius, les assureurs-crédit garantissent les entreprises contre les impayés des clients auxquels elles ont accordé des délais de paiements. En temps de crise, ils peuvent décider de prendre moins de risques. Pour préserver les échanges commerciaux entre entreprises, l’Etat a donc
décidé d’accorder au secteur une garantie publique,
en passe d’être portée à 15 milliards d’euros. Ce filet de sécurité n’a pourtant pas résolu tous les problèmes.

Des résiliations « arbitraires »

« Je commence à voir des dossiers d’assurance-crédit arriver en médiation de la part d’entreprises qui ont eu des réductions de lignes [de couverture] qu’elles n’estiment pas justifiées », explique Frédéric Visnovsky, le médiateur du crédit logé au sein de la Banque de France. « Les assureurs-crédit n’ont pas la surface financière pour supporter tous les risques au même moment, mais il serait logique de les voir tout de même supporter des pertes. Or ils cherchent aujourd’hui à se protéger de toute perte face à l’inconnue de la sinistralité à venir », estime-t-il.

Les entreprises ne cachent d’ailleurs par leur inquiétude. « Ce à quoi on a affaire aujourd’hui, c’est à des assureurs-crédit qui résilient des lignes arbitrairement », explique Chérifa Hemadou, déléguée à l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE).

Certes, des assureurs se montrent ouverts à la négociation et le système de garantie publique permet d’obtenir de nouvelles garanties. Toutefois, contrairement au dispositif qui a été mis en place outre-Rhin, il ne fonctionne que pour les échanges commerciaux futurs des entreprises et doit être activé au cas par cas, après négociation. « C’est un travail colossal de renégocier les lignes [de couverture] », déplore Chérifa Hemadou.

« Silence radio »

Du côté des assureurs-crédit, les critiques des pouvoirs publics sont reçues froidement. « Faire porter le chapeau à l’assurance-crédit c’est un peu facile et ça ne supporte pas l’épreuve des faits », lance Eric Lenoir, président du comité exécutif d’Euler Hermes France, le poids lourd du secteur dans l’Hexagone. « Certes, nous prenons des mesures d’ajustement de nos couvertures qui tiennent compte de l’évolution de la santé financière des entreprises, mais nous continuons de prendre de nouvelles garanties aussi et le solde de nos expositions n’est qu’en retrait relatif en comparaison avec la fin de l’année dernière ».

Le groupe, qui s’attend à une augmentation des défaillances d’entreprises en 2020 de l’ordre de 15 % souhaiterait que l’Etat engage entre
10 et 20 milliards d’euros de garantie
publique complémentaire. De quoi couvrir les échanges actuels des entreprises à l’heure où elles risquent de faire face à une explosion des retards de paiements et des impayés. Or, « c’est silence radio du côté du gouvernement », assure Eric Lenoir.

« Notre sentiment est qu’à ce stade, les couvertures sont beaucoup moins réduites qu’elles ne l’ont été en 2009 », temporise aussi Patrice Luscan, le président de l’Icisa, une organisation internationale représentant notamment les assureurs-crédit.

pourquoi certaines entreprises ont-elles du mal à convaincre les banques ?, Gestion-trésorerie

pourquoi certaines entreprises ont-elles du mal à convaincre les banques ?, Gestion-trésorerie

[MAJ du 22/04 Bercy clarifie les exclusions au PGE – document officiel en fin d’article] Le prêt garanti par l’Etat rencontre un véritable succès. Plus de 230.000 entreprises l’ont déjà obtenu. Mais certaines se heurtent à un examen tatillon, voire au refus des banques. Alors qu’elles sont rentables. 

Pour Nicolas Gasc, directeur exécutif de l’entreprise Pro Confort, cela ne faisait aucun doute. Sa banque allait lui accorder le prêt garanti par l’Etat (PGE), destiné à soutenir la trésorerie de son entreprise pendant cette crise sanitaire. Car sa PME de 50 personnes affiche une belle rentabilité : document comptable à l’appui, un résultat d’exploitation positif en 2019 de 800.000 euros pour un peu plus de 9 millions d’euros de chiffre d’affaires. La réponse de sa banque lui a donc fait l’effet d’une douche écossaise. « Elle m’a expliqué qu’elle croyait tout à fait à notre projet, mais que, selon les critères d’éligibilité définis par l’Etat, nous ne pouvions bénéficier du PGE. Et que nous devions contacter bpifrance pour s’assurer de la garantie. »

Depuis trois semaines, et la mise en place de cette garantie d’Etat à 90 % sur les prêts distribués par les banques aux TPE, PME et ETI – les grandes entreprises s’adressent directement à l’Etat – les demandes ont afflué. Au pointage du 15 avril, 230.000 entreprises l’avaient obtenu pour un montant d’environ 45 milliards d’euros. Mais les couacs, inévitables dans une telle précipitation, se sont aussi multipliés. Les atermoiements, voire les refus des banques, se sont cristallisés sur deux points : la définition au sens européen de l’entreprise en difficulté et la notation de la Banque de France.

Pas d’exclusion pour un plan de continuité

Suite aux premières déclarations de Bruno Le Maire, les chargés d’affaires des banques ont parfois considéré qu’il fallait exclure du PGE toutes les entreprises en difficulté et celles ayant une notation de crédit inférieure à 5 +. Un peu trop vite et par excès de prudence, semble-t-il. Bercy a donc pris jeudi un nouvel arrêté accordant une garantie « irrévocable et inconditionnelle » pour rassurer les banquiers. Le ministère doit aussi publier, ce lundi 20 avril, de nouvelles directives pour clarifier et débloquer certaines situations. « Les banques n’auront plus à vérifier si les entreprises entrent dans cette définition de l’entreprise en difficulté au sens européen. En revanche, elles devront toujours vérifier leur capacité, à terme, à rembourser ce prêt », affirme Philippine Lucille, responsable de marchés chez bpifrance. Cette évolution de doctrine devrait profiter à Pro Confort.

[Mise à jour du 22 avril / en fin d’article le document qui officialise ces changements]

Car si la PME de Niort a été recalée par sa banque, c’est bien au titre de la définition d’une entreprise en difficulté. Fondée en 1993, l’entreprise distribue des produits d’électroménager auprès des associations et clubs de personnes âgées. Ces dernières années, Pro Confort a connu quelques exercices déficitaires, au point d’accumuler 3 millions d’euros de pertes. Après un redressement judiciaire dont elle est sortie en novembre 2017, la PME a négocié un étalement de sa dette sur dix ans. Et a retrouvé une belle rentabilité. Mais pour sa banque, étant toujours dans un plan de remboursement, Pro Confort devait être exclue du PGE. « Il y a confusion, précise Philippine Lucille, de chez bpifrance. Seules les entreprises en procédure collective sont exclues. Dès lors qu’elles exécutent un plan, elles sortent de la procédure et sont éligibles. »

A la recherche d’investisseurs en urgence

Mais cela coince aussi parfois même sans procédure collective. La situation de cet éditeur de logiciels de 20 personnes est vraiment étonnante. Le dirigeant préfère d’ailleurs témoigner à couvert. Au fil des années, le fondateur avait adopté un comportement prudent et vertueux. En quinze ans, il n’a distribué aucun dividende. Les bénéfices ont été intégrés au capital social qui atteint, début 2020, près de 500.000 euros. Mais après deux années de lourds investissements, les fonds propres ont fondu à 200.000 euros, soit moins de la moitié du capital social, ce qui est un des critères pour définir une entreprise en difficulté. Aussi, l’entreprise s’est heurtée à la frilosité de sa banque. La société envisage maintenant de procéder à une réduction de capital pour rentrer dans les clous… Ce qui lui coûtera, en frais d’avocat, près de 4.000 euros. Une opération que les nouvelles dispositions publiées par Bercy pourraient finalement lui éviter.

Cela profitera-t-il également à Toad ? Ce distributeur d’équipements innovants dans le sport et les loisirs extérieurs a été fondé en 2012 à Quimper par Denis Carron de la Carrière. L’entreprise compte 8 salariés et a engrangé l’an dernier 1,7 million d’euros de chiffre d’affaires. Pour se développer, elle a levé 700.000 euros auprès de business angels, il y a deux ans, et beaucoup investi. Résultat ? « Nos fonds propres sont négatifs et notre notation Banque de France inférieure à 5, admet l’entrepreneur. Mais nous avons une bonne rentabilité et un carnet de commandes plein pour 2020, des perspectives de croissance maintenues, malgré la crise… »

Fort de ses données comptables et de ses bons de commande, il souhaitait emprunter un peu plus de 350.0000 euros. Les premiers contacts avec ses quatre banques semblaient positifs. A leur demande, il s’apprêtait à constituer un pool. Mais l’une des banques s’est retirée, en se retranchant derrière la définition européenne d’une entreprise en difficulté, et a fait capoter l’opération. « Plutôt que de repartir en négociations avec mes banques, j’ai décidé de résoudre mon problème de fonds propres », avoue Denis Carron de la Carrière, qui a sollicité des investisseurs. « Je rouvre mon capital, en urgence et au plus offrant », ajoute-t-il, dépité. L’entrepreneur fulmine : « Le PGE est une vraie solution, mais mal appliquée, mise dans de mauvaises mains. N’importe quel entrepreneur verrait que mon entreprise est rentable. Les financiers purs sont dans l’incapacité d’avoir une vision micro. »

Améliorer ses fonds propres au plus vite

Pour ces entreprises rentables mais qui doivent parfois renforcer leurs fonds propres, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a annoncé un dispositif d’avances remboursables, dont on attend encore les conditions de mise en oeuvre. Bpifrance propose également des prêts alternatifs (Atout ou Rebond), et des mesures spécifiques pour les start-up et entreprises innovantes (prêts, voire opérations de financement sous forme d’obligations convertibles).

Des nouveautés dont pourrait bénéficier la start-up bordelaise Yescapa. Fondée en 2012, cette plateforme de location de camping-cars entre particuliers a enfin atteint la rentabilité l’an dernier, avec « un peu moins de 50.000 euros de bénéfices », assure son cofondateur, Benoit Panel. L’entreprise compte aujourd’hui 40 salariés, opère dans plusieurs pays européens et a intermédié plus de 40.000 locations en 2019. Mais après une levée de fonds de 3 millions d’euros en 2016 auprès de l’assureur Maif , et avoir beaucoup investi, ses fonds propres sont aujourd’hui négatifs. Pour sortir de l’impasse et avoir accès au PGE, la start-up envisage une émission d’obligations convertibles. Reste que, même après ce renflouement, les banques pourraient bien continuer à tordre le nez… Dans le tourisme, la reprise sera lente, même si Yescapa s’organise pour une reprise d’activité dès cet été.

Les deux magasins Sports Aventure à Bordeaux sont fermés. Leur dirigeant espère obtenir un prêt garanti par l’Etat pour traverser cette crise.
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Vérifier la capacité à rembourser ce prêt

Pour toutes ces entreprises « fragiles », et elles sont nombreuses, selon la CPME, puisque 36 % des PME n’ont même pas un mois de trésorerie devant elles, une fois levées les restrictions d’éligibilité, le parcours du combattant se poursuit. Même éligibles, elles devront passer sous les fourches Caudines de l’analyse financière. « Si l’entreprise est déjà endettée, que la rentabilité est faible, explique Philippine Lucille de bpifrance, la banque peut refuser le prêt ou estimer que la demande est surévaluée. » En clair, il appartient aux banques de vérifier la cohérence entre les besoins financiers exprimés par les entreprises et leur capacité à rembourser ce PGE.

Mais comment se projeter dans l’après-Covid ? Et bâtir des prévisions réalistes ? Vianney du Grandlaunay est inquiet pour la survie de son commerce. En 2014, avec plusieurs associés, il a repris deux boutiques à Bordeaux, employant 35 salariés, les magasins Sports Aventure. La tâche pour moderniser l’entreprise fut immense et a nécessité plus d’investissements qu’il ne le pensait. « Nous avons demandé, il y a deux ans, une conciliation, une procédure volontaire et confidentielle pour étaler notre dette. Nos banquiers ont accepté le protocole acté par le tribunal de commerce », relate l’entrepreneur. 2019 devait être l’année du retour à la rentabilité, mais c’était sans compter avec les manifestations des « gilets jaunes ». « On devrait quand même être proche de zéro de résultat avec un chiffre d’affaires 2019 en progression de plus de 10 %, à 5,4 millions d’euros. » Avant de solliciter un PGE, l’entreprise a pris les devants : un des associés a abandonné son compte courant de plusieurs centaines de milliers d’euros, et le capital social a été réduit par incorporation des dettes. Résultat, la société affiche une centaine de milliers d’euros de fonds propres. « On est dans les clous, nous allons faire une demande de PGE, mais je ne suis certain de rien », avoue Vianney du Grandlaunay.

Refus d’une banque, accord de l’autre

Lui aussi a dû montrer patte blanche… Philippe Bouquet dirige, près de Lisieux, Atos Racks, une PME de plus 320 personnes, spécialisée dans la tôlerie pour matériel informatique, avec un chiffre d’affaires de 36 millions d’euros l’an dernier. L’entreprise sort de deux années difficiles pendant lesquelles elle a assaini sa situation. Pas de procédure collective ni même ad hoc, mais la fermeture d’un de ses sites et un plan social, qui se traduit, en 2019, par un résultat négatif d’un million d’euros. « Nous sommes de nouveau à l’équilibre, et même bénéficiaires depuis fin 2019, assure le dirigeant. Notre endettement est très faible. Et la crise du Covid impacte peu notre activité. Nous tournons actuellement à 70 % de notre capacité de production. »

Aussi, au moment de solliciter ses deux banques pour un PGE d’un montant d’environ 2 millions d’euros, l’entrepreneur a été surpris. Sa banque historique lui oppose un refus catégorique. La seconde dit « oui », mais demande quantité d’informations. « Elle voulait être rassurée sur nos perspectives et notre business plan. Finalement, elle nous a donné son feu vert. »

Pour Philippe Bouquet, tout cela relève d’une incompréhension, d’une mauvaise interprétation des textes. Celui qui est aussi secrétaire général du Comité Richelieu, association d’entreprises innovantes, s’inquiète pour les entrepreneurs isolés qui auront du mal à argumenter face à certaines banques. Leur seul recours, en cas de refus, est de saisir la Médiation du crédit, aujourd’hui débordée avec autant de saisines en une journée qu’en un mois habituel. Aussi, au nom du Comité Richelieu, le dirigeant d’Atos Racks souhaite que Bercy lève au plus vite les imprécisions, car « le dispositif est bon », reconnaît-il. « Pour peu que chacun joue le jeu », s’empresse-t-il d’ajouter.

Dossier de presse et FAQ pour le Prêt garanti par l’Etat au 22 avril 2020

Confinement : le témoignage de Thomas Baumgartner, CFO de Mersen, Profils

Confinement : le témoignage de Thomas Baumgartner, CFO de Mersen, Profils

Les vacances de Pâques de Thomas Baumgartner ?  Elles se déroulent à New York, en compagnie de sa femme et de ses deux plus jeunes enfants âgés de 9 et 12 ans. Le CFO du groupe Mersen et sa famille y sont arrivés dimanche soir, après un vol sans souci, avec films et plateaux-repas. Au programme de la semaine, Manhattan bien sûr, puis Brooklyn et peut-être, ensuite, une autre ville, Boston ou Washington. Ave, quoiqu’il en soit, aux différents menus, bagels, hot-dogs, burgers, frites et salades César. Les enfants vont de découverte en découverte et c’est aussi pour eux l’occasion de pratiquer un peu leur anglais… Bien évidemment, confinement oblige, ces vacances sont… virtuelles !

Toute la famille est actuellement recluse dans un appartement du centre de Paris. « Nous rentrons le week-end prochain  et heureusement : j’en ai déjà un peu assez des burgers à tous les repas ! Au programme, d’ici là, documentaires, westerns et gym en anglais. Nous avons envisagé, un temps, de nous caler sur les horaires américains, mais c’était un peu compliqué pour le télétravail », ironise le responsable financier  du groupe industriel expert en spécialités électriques et matériaux avancés qui affiche un chiffre d’affaires de près de 950 millions d’euros.

Car, les vacances ne sont pas de tout repos pour Thomas Baumgartner, qui attaque ses journées de travail dès cinq heures du matin. La grande majorité des 55 sites de production du groupe, situés dans 35 pays, fonctionne encore (certains au ralenti et avec des « situations très diverses et très mouvantes »). En revanche, les fonctions support, et notamment les 200 financiers, ont elles basculé en télétravail, dès l’annonce du confinement. « Comme Mersen réalise 12 % de son activité en Chine, nous avons été sensibilisés très tôt à la crise : dès la mi-février, nous avons lancé une grande campagne de vérification de nos processus digitaux. Cela nous a permis d’être tout de suite efficaces même si les relations sont très différentes », explique le responsable.

Révision des priorités

Dès les premiers jours à la maison, Thomas Baumgartner a suivi une formation de « management à distance », proposée par les ressources humaines (RH) sur la plateforme du groupe : cinq heures d’apprentissage, avec vidéos et jeux de rôle, qui lui ont permis  de se sentir plus à l’aise dans ce contexte inhabituel . « Il est important de rester conviviaux et de faire attention aux gens qui peuvent avoir des difficultés dans ce confinement. Je communique beaucoup avec mes équipes, sur différentes plateformes et en formats courts, pour savoir comment tout le monde se sent. Certains ont tendance à trop travailler, or il est très important de faire des breaks », souligne-t-il.

Sur le fond aussi la donne a changé. Les priorités ont été revues avec un focus particulier  sur la trésorerie , les stocks ou la gestion du risque clients. « Nous sommes très attentifs au cash et avons limité certains investissements, mais nous conservons les plus pertinents pour pouvoir rebondir rapidement : des marchés comme les véhicules électriques ou les semi-conducteurs de puissance pourraient repartir très vite dès la fin de la crise », détaille le responsable. Le reporting a aussi été adapté au contexte . « Les financiers sont très pris actuellement sur la modélisation de scénarios de crise et de sortie de crise. Nous avons donc choisi de suspendre, un temps, certains reportings qui ne paraissaient pas majeurs actuellement, comme le suivi des délais de livraison ou des coûts de non-qualité. »

Un avenir plus digital et plus vert

Après maintenant quatre semaines de confinement, Thomas Baumgartner ne cache pas sa fierté. « Les équipes finance ont passé l’épreuve du feu : elles se sont révélées très efficaces, très agiles et très mobilisées ». De nouveaux process et de nouveaux rituels se sont installés : le comité exécutif se réunit désormais toutes les semaines, virtuellement bien sûr. L’assemblée générale ? Elle se tiendra comme prévu le 14 mai,  mais à distance . « Le groupe a décidé, par solidarité, de ne pas octroyer d’actions gratuites aux dirigeants et aux principaux cadres cette année et de ne pas verser les dividendes prévus pour garder un maximum de flexibilité financière pour le futur », souligne Thomas Baumgartner.

L’après-Covid-19 ? Le CFO de Mersen juge qu’il sera certainement plus digital, mais aussi peut-être plus vert . « Cette crise nous a permis de prendre conscience que la planète était fragile, que nous étions fragiles. Cela pourrait dynamiser certains marchés de développement durable, sur lesquels Mersen est positionné », estime-t-il. A plus court terme, Thomas Baumgartner voit surtout arriver le retour de l’école à la maison. Avec peu d’enthousiasme. « Ce n’est pas simple à gérer. Il faut reconnaître qu’avant les vacances, nous avions un peu lâché… Heureusement, certains membres de la famille nous ont proposé d’aider, à distance, au suivi de la classe. » Un autre genre de voyage à vivre en famille.