Conforama passera-t-il la crise du coronavirus ? Pour ce faire, le numéro trois français de l’ameublement, derrière Ikea et But, a besoin d’un pont financier, d’un « bridge » dans le langage bancaire, en clair d’un prêt pour passer ce cap difficile. Car sa trajectoire de redressement s’est heurtée au mur du confinement. Et aujourd’hui, le distributeur, fait face au silence des banques qui pourraient l’aider, dénonce son directeur général, Marc Ténart. Ce dernier fulmine. Il a été nommé en septembre dernier pour confirmer le redressement de « Confo » , sauvé en avril 2019 par les créanciers de Steinhoff, sa maison mère en grandes difficultés suite à un scandale comptable.
Une bonne trajectoire retournée
« Les difficultés financières de l’entreprise se sont éteintes avec l’accord conclu il y a un an avec l’ensemble de nos partenaires, affirme-t-il. Nous avons défini un plan de restructuration en cours, et sur l’exercice fiscal commencé au 1er octobre nous avions un cash-flow cumulé largement positif, nous étions sur la bonne trajectoire de retour à la profitabilité et respections tous nos covenants. » Jusqu’à ce que l’épidémie de Covid-19 frappe la France à son tour et que, depuis le confinement, les 197 magasins de l’enseigne dans l’Hexagone soient fermés (ils seront 165 après le plan de restructuration en cours).
Pour y faire face, et après avoir mené une étude technique très précise, partagée avec ses banques et le Ciri, Comité interministériel de restructuration industrielle représentant de l’Etat, qui ne l’ont pas contesté, assure Marc Ténart, Conforama a donc déposé une demande d’un de ces prêts garantis par l’Etat , dans le cadre du plan d’urgence décidé par le gouvernement afin d’éviter qu’à la catastrophe sanitaire ne s’ajoute une catastrophe économique.
Quatre banques mutiques
Cette demande « est strictement calibrée par rapport à l’impact de la crise du Covid-19 », affirme le dirigeant. Est-ce le montant du prêt, que Conforama ne dévoile pas, ou la défiance des banques vis-à-vis du secteur de la distribution non alimentaire malmené ? Le dispositif prévoit un montant maximum emprunté de trois mois de chiffre d’affaires, le groupe revendiquant en vitesse de croisière « 45 millions d’euros de chiffre d’affaires par semaine ». Il pourrait ainsi prétendre à plusieurs centaines de millions d’euros de PGE. Toujours est-il que sans s’être vu opposer un refus, Marc Ténart s’alarme de la suspension des discussions. Tant du côté des quatre banques partenaires, HSBC, Crédit du Nord, LCL et BNP Paribas, que du Ciri c’est silence radio. Sans qu’aucune raison ne lui ait été donnée de ce blocage soudain.
Techniquement, un PGE accordé à Conforama relèverait de la procédure réservée aux entreprises les plus importantes, le dispositif prévoyant un traitement particulier pour les entités présentant un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros, une jauge que dépasse allègrement le spécialiste de l’ameublement.
Chaque jour compte
Dans ce cas de figure, la garantie ne peut pas être uniquement examinée par les banques et Bpifrance mais aussi validée par le Trésor. Autre différence, pour les PME, la garantie d’Etat porte sur 90 % du prêt, mais elle est moins forte pour les « gros » dossiers. Dans le cas de Conforama, le prêt sollicité ne serait couvert qu’à 80 %, les banques prenant mécaniquement un risque plus important.
Mais, insiste le dirigeant, « chaque jour qui passe rendra plus difficile le scénario de reprise. » Car ce prêt doit non seulement faire face aux frais incompressibles qui courent, tandis que très peu de chiffres rentrent, mais aussi mettre à jour le paiement des factures aux fournisseurs et passer commandes des produits qui devront être en magasins quand viendra le temps de le rouvrir. « On ne pourra pas arriver après tout le monde », s’inquiète Marc Ténart, qui voit pourtant des signes d’espoir depuis qu’il a ouvert un service de livraison à domicile (commandes sur Internet, livraison sans contact) dans 30 points de vente du réseau. « Le test est concluant, ses résultats plus qu’encourageants, et nous allons étendre ce service », annonce le patron de Conforama. Dans le même temps, le site Internet, qui pèse 11 % du chiffre d’affaires total de l’enseigne (2,2 milliards d’euros en 2019), « a retrouvé son trafic de l’année dernière », se félicite le dirigeant.
Pour lui, pas de doute, sur un marché français de l’ameublement, de l’équipement de la maison et de la décoration de 31 milliards d’euros, Conforama, et ses quelque 8.600 salariés, a toute sa place. Et avec lui les entreprises françaises du secteur, qui emploient plus de 10.000 personnes, et auprès desquelles le distributeur achète les deux-tiers de sa marchandise.