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Covid-19 : une précarité nouvelle pour les divas du digital ?, Profils

Covid-19 : une précarité nouvelle pour les divas du digital ?, Profils

Le marché de l’emploi digital, et particulièrement celui de ses professions les plus demandées, se distinguait jusqu’alors par son dynamisme exacerbé,
voire excessif
. Ses professionnels compétents et expérimentés, recrutés à grands frais, ont toujours été choyés par les organisations. Lorsqu’on sait qu’un candidat embauché reste rarement plus de deux ans dans la même entreprise, tant la demande est forte, il est facile de comprendre ce qui se passe aujourd’hui : pour les candidats, c’est la fin de l’euphorie.

Avant la crise sanitaire mondiale que nous traversons, quantité de professionnels venaient juste en effet de changer de job. Une grande majorité d’entre eux, encore en période d’essai,
se voit aujourd’hui remerciés
– ou bien est en passe de l’être. L’arrêt quasi total de l’activité rebat les cartes avec brutalité : ruptures de contrats pour les deniers entrants ou gel des recrutements amorcés. Parallèlement, les indépendants et free-lances du digital – notamment des prestataires hautement spécialisés ayant renoncé au salariat, jugé moins avantageux et plus contraignant – assistent à l’annulation ou bien au report sine die des projets auxquels ils sont associés. Comme tant d’autres, ils sont privés de ressources et se retrouvent face à une incertitude totale. Dans ce milieu, l’épreuve est inédite.

Frilosité nouvelle

Certains recrutements indispensables se poursuivent néanmoins, avec une conséquence positive au confinement imposé : jamais les contacts avec les talents n’auront été d’aussi grande qualité ! Le home office 
a radicalement transformé des échanges
auparavant brefs et tendus – difficulté à s’isoler au téléphone dans un open space, crainte d’être entendu par des collègues. On peut aujourd’hui s’entretenir plus d’une heure au téléphone avec un candidat, ou même pratiquer la visio – du jamais vécu jusqu’à présent. Autre changement tout aussi notable : les comportements assurés des profils les plus courtisés – les « divas » – ont été remplacés par des frilosités réflexes : « Ce n’est pas le moment de changer de job ». Enfin, des professionnels indépendants confrontés à la perspective d’un manque de financements privés s’intéressent à nouveau aux postes salariés qu’ils auraient négligés, il y a encore un mois. Le CDI ringardisé retrouverait-il grâce aux yeux des plus critiques d’entre eux ? Le marché des talents en sera-t-il affecté durablement ?

Les professionnels du digital vivent aujourd’hui un bouleversement qui reflète, mais avec une ampleur inouïe,
ce dont on leur parle depuis des années
et ce à quoi on les souhaite préparés. Ils sont en effet recrutés pour leur capacité à évoluer dans l’incertitude : on les incite à privilégier la rupture des modèles dominants au maintien de l’existant ; ils doivent considérer les mutations comme porteuses d’opportunités plutôt que de risques. D’une certaine façon, on peut les penser « mieux » formés pour garder la tête froide face aux changements brutaux.

Néanmoins pourra-t-on encore leur demander de prendre tous les risques quand le cycle de vie de leurs professions ne cesse de se raccourcir ? À n’en pas douter, la reprise de l’activité s’accompagnera de questionnements nouveaux chez les candidats, car ce sont soudainement toutes les professions digitales qui découvrent à leur tour qu’elles peuvent connaître la fragilité.

Emmanuel Stanislas est le fondateur de Clémentine, cabinet de recrutement du digital et de l’IT.

Cybersécurité : l'IA pour authentifier en continu l'utilisateur, Cybersécurité

Cybersécurité : l'IA pour authentifier en continu l'utilisateur, Cybersécurité

Tendance
Grâce à l’intelligence artificielle, les entreprises peuvent scruter en continu l’usage qui est fait de tous les matériels informatiques… et ainsi détecter les comportements suspects. L’identification d’un utilisateur en début de connexion ne suffit plus.

En temps normal, cet individu ouvre la porte avec la main droite et met deux sucres dans son café. Aujourd’hui, il se révèle gaucher et se sert un thé. Dans la vie réelle, tout changement de comportement se remarque. A l’heure d’une cybermenace exacerbée, la méfiance doit être similaire dans la sphère virtuelle.

Une vigilance constante

Un supposé collaborateur qui affiche une vitesse de frappe plus rapide qu’à l’accoutumée sur son clavier, qui manipule sa souris de façon différente ou qui lance les applications d’une manière inédite : tout cela peut mettre la puce à l’oreille. « Il faut une vigilance constante, l’entreprise ne peut plus se contenter d’authentifier de temps en temps les utilisateurs de ses systèmes : elle doit analyser l’activité numérique en continu, pour pouvoir détecter à tout moment le moindre signal faible », insiste Christophe Corne, fondateur et président du directoire de Systancia, éditeur français de solutions logicielles de cybersécurité créé en 1998, qui a trouvé dans l’intelligence artificielle l’opportunité de développer une nouvelle ligne de défense. « Le problème est que le regard et les bras humains ne sont pas suffisants pour identifier une aiguille dans une botte de foin. L’intelligence artificielle, elle, peut se souvenir des habitudes des collaborateurs et de l’empreinte numérique qu’ils laissent au quotidien. Et ainsi lever une alerte ou bloquer le système en cas de comportements suspects », pointe Christophe Corne.

Utiliser l’IA pour se défendre

Alors que la cybercriminalité ne montre aucun signe de faiblesse et, à l’inverse, se professionnalise,
nombreux sont les produits de cybersécurité qui n’évoluent pas assez vite
. « L’une des tendances constatées dans les organisations est d’empiler les modes d’authentification, de type mot de passe, empreinte digitale, contrôle simultané via un autre équipement… Mais cette succession d’authentifications s’effectue systématiquement au démarrage et pas tout au long de la journée », alerte Christophe Corne. Grâce à l’intelligence artificielle (IA), la classification de l’utilisateur est désormais possible en permanence, tout en permettant une prise en compte de dizaines de paramètres. Les hackers ont eux aussi pris conscience du potentiel de l’IA pour massifier leurs attaques. Les 
entreprises doivent donc se doter de la même arme pour riposter et se protéger
.

Intelligence artificielle et direction financière : une adoption à pas comptés, Parcours

Intelligence artificielle et direction financière : une adoption à pas comptés, Parcours

Avant même la crise liée à l’épidémie de Covid-19, les dirigeants de sociétés commençaient à réaliser, un peu partout dans le monde, qu’ils ne pourraient pas développer l’intelligence artificielle (IA) 
au rythme qu’ils prédisaient il y a encore quelques mois
. Selon une enquête conduite par PwC, seuls 4 % des 1.062 dirigeants interrogés prévoyaient pour 2020 un déploiement global de l’IA au sein de leurs entreprises, le reste envisageant une approche plus limitée ou plus ralentie. La proportion était cinq fois plus élevée (20 %) en 2019.

Comment expliquer cette tendance contraire à toutes les hypothèses, intuitions et scenarii, alors même que PwC, dans la même étude, estime que l’IA devrait générer quelque 16.000 milliards de dollars de valeur additionnelle d’ici 2030 ? La première raison, et sans aucun doute la plus vraisemblable, d’après l’article publié, le 6 décembre dernier, par CFO Weekly Briefings (« 5 Priorities for Moving Ahead with Artificial Intelligence in 2020 »), est que bon nombre d’entreprises réalisent aujourd’hui 
qu’elles n’ont pas suffisamment travaillé
à traiter, classer et préparer les données dont l’IA se nourrit pour pouvoir fonctionner efficacement et améliorer significativement le processus de prise de décisions.

Projet d’entreprise

L’insuffisante formation des personnels explique également la relative baisse d’enthousiasme et le net ralentissement du passage à l’IA. Pouvoir déceler quels types de problèmes l’IA peut résoudre est absolument crucial et « aider les personnels sans technicité à adopter des solutions techniques et les employés à haute technicité à aboutir à des solutions business » devrait, selon les auteurs du rapport de PwC, s’imposer comme un impératif majeur. La sous-évaluation des défis réels posés par l’IA – biais au niveau des algorithmes ou des outils de reconnaissance faciale, développement potentiel de l’hypertrucage, « deepfake » des Anglo-Saxons, etc. – et la nécessité d’une mise en place d’une gestion des risques rigoureuse et spécifique à l’IA constituent, à n’en pas douter, des freins supplémentaires à sa généralisation rapide.

Enfin, et ce n’est pas là la moindre inquiétude, l’impact sur l’emploi demeure la grande inconnue. L’argument selon lequel 
l’IA ne va pas supprimer de postes
et que, bien au contraire, elle va les enrichir en permettant aux cadres et employés de libérer du temps pour se consacrer à des tâches plus stratégiques et plus créatrices de valeur, est sérieusement remis en question. Lee Coulter, le PDG de Transform AI et expert des problèmes de robotisation et d’intelligence artificielle, a été très net lors d’une conférence sponsorisée par la revue « CFO » à New York en novembre dernier en affirmant que « 70 % de ce que fait le département financier aujourd’hui peut-être automatisé et nombreux sont les emplois appelés à disparaître ».

Le recyclage (« retraining ») va devenir le thème central et l’urgence absolue. Nombre de sociétés ont déjà annoncé 
des plans de formation
de plusieurs milliards de dollars pour les trois ou quatre prochaines années, comme le souligne David McCann, dans un article de « CFO Weekly Briefings » de novembre dernier « Will Automation Cause Finance Job Losses After All ? ». Est-il besoin de le rappeler : l’intelligence artificielle n’est pas un simple projet informatique et technique, c’est un projet d’entreprise et, surtout et avant tout, un projet de société.

Marc Bertonèche est professeur des Universités et enseignant à Oxford, à HEC et au Collège des Ingénieurs.

L'IA pour lever les freins de la mobilité interne ?, Recrutement

L'IA pour lever les freins de la mobilité interne ?, Recrutement

Contrairement au marché « externe» du travail, sur lequel actifs et employeurs se rencontrent librement, le marché interne aux entreprises est paradoxalement plus régulé. S’appuyant sur leur direction des ressources humaines, ces dernières définissent des règles (durée minimum avant de changer de poste, etc.) et un cadre qui régulent l’offre et la demande. Si une telle régulation offre des avantages –  à commencer par la stabilité-, elle peut aussi, au sein d’organisations complexes, larges et parfois silotées, créer de vrais freins à la mobilité interne. Le risque ?
Enfermer les talents dans des cases, sans leur laisser la possibilité de mettre leurs compétences à profit
et privant ainsi les organisations de cette vitalité qui est nécessaire. 

Redonner le pouvoir aux managers et aux salariés 

Face à cet enjeu, la régulation voire la dérégulation du marché interne devient un débat central et peuvent amener les directions des ressources humaines à davantage ouvrir la circulation des compétences et des talents. Il s’agit donc de redonner du pouvoir à ceux qui justement font le marché du travail : d’un côté ceux qui recrutent – principalement les managers ou les entités – et ceux qui mettent à disposition leur force de travail et leurs compétences – les collaborateurs. Objectif : redonner des marges de manoeuvre à ces deux parties prenantes afin de rendre l’entreprise plus agile par une fluidification de la mobilité interne. C’est dans cette perspective que certaines entreprises recourent aux formidables capacités offertes par l’irruption de l’
intelligence artificielle dans la gestion des ressources humaines
.  

L’IA pour plus de mobilité et de créativité 

Depuis cinq ans, le digital a pris une place essentielle dans la gestion des ressources humaines à travers la mise en place de plateformes internes  où le collaborateur peut notamment consulter directement les postes à pourvoir. En y ajoutant une couche d’intelligence artificielle (IA), offreurs et demandeurs d’emploi n’ont plus besoin d’intervenir dans ce processus. Un 
algorithme se charge de les mettre en relation
, en fonction de critères concordants (mots clés, expérience, compétences, etc.). Le recruteur reçoit ainsi le profil sélectionné par l’IA et peut choisir, ou non, de «matcher» et de lui proposer une rencontre. Un processus gagnant-gagnant : après avoir rendu leur profil accessible, les salariés reçoivent des notifications de postes auxquels ils n’auraient pas naturellement candidaté, tandis que les managers accèdent à des profils auxquels ils n’auraient pas davantage pensé. 

Autre avantage : faciliter le recrutement de talents sur de courtes périodes afin de travailler sur des projets et ainsi enrichir son portefeuille de compétences. De quoi gagner en transversalité, décloisonnement et favoriser les idées innovantes et créatives.  

Abattre les barrières et sortir des sentiers battus 

Là où l’IA constitue une révolution, c’est qu’elle permet ainsi aux offreurs et aux demandeurs d’emploi d’accéder à une partie du marché qui ne leur était jusque-là pas visible (le fameux « marché caché »). Un moyen de s’affranchir du cadre parfois restrictif interne aux entreprises et d’
abattre des barrières humaines et psychologiques
qui peuvent nuire à la mobilité et à l’évolution professionnelle. 

C’est une chance offerte au collaborateur pour diversifier ses compétences, et lui permettre d’envisager une réorientation professionnelle. Le manager, quant à lui, étoffe ainsi ses équipes avec des profils nouveaux, parfois atypiques, mais toujours adaptés à ses besoins. De plus, l’algorithme apprend et se perfectionne en fonction de ses choix, devenant ainsi un outil pointu et plus intelligent selon le principe du machine learning.

Dominique Laurent est DRH de Schneider Electric France.

Recrutement : l'IA, botte secrète de Beaumanoir, Recrutement

Recrutement : l'IA, botte secrète de Beaumanoir, Recrutement

Beaumanoir n’échappe pas à la règle. Comme la plupart des groupes de vente de prêt-à-porter, le propriétaire des enseignes Cache Cache, Bréal, Bonobo, Morgan et Vib’s fait face dans ses quelque 1.500 points de vente français, dont 40 % sont gérés en propre, 
à un turnover important
et au défi du recrutement permanent. « Tout l’enjeu pour nous était d’apporter des solutions aux magasins pour recruter plus facilement des conseillers de vente, précise son directeur du développement RH, Florent Guillaume. L’objectif était triple : attirer davantage, disposer de candidats avec une meilleure préqualification et permettre aux responsables de se concentrer sur le relationnel plutôt que sur le tri des CV lors des processus de recrutement. » L’intelligence artificielle (IA) 
semblait alors tout indiquer
.

Depuis le début de l’année dernière, le groupe a mis à disposition de sa cinquantaine de points de vente basés en région parisienne un assistant recruteur développé par Unique.ai. Disponible sept jours sur sept et 24 heures sur 24, ce chatbot, accessible via les sites de recherche d’emploi ou les Flashcodes installés en magasin, permet aux candidats de postuler en trois à cinq minutes grâce à une quinzaine de questions-réponses posées sur un mode conversationnel. Il leur est demandé, par exemple, de renseigner leurs disponibilités, de préciser leur historique de travail chez Beaumanoir ou dans le retail, mais aussi de hiérarchiser une dizaine d’affirmations – liées à la relation client, au travail en équipe, au goût pour les produits, à l’évolution professionnelle espérée – en fonction de leurs aspirations. « On sait que, dans nos métiers, les hard skills peuvent s’acquérir assez rapidement et facilement, assure Florent Guillaume. Le savoir-être du candidat, son appétence pour le travail collectif ou le contact client nous intéressent donc davantage. »

Vers une uniformisation des profils ?

Une fois les différents champs renseignés, l’assistant recruteur se charge de classer les candidatures selon un score fondé sur les réponses apportées, mais aussi en fonction des créneaux horaires indiqués. Résultat : dans le tableau de bord qui leur est réservé, les managers ne disposent que des candidatures correspondant à leur recherche – pour pourvoir un poste le week-end ou en soirée, par exemple – et, en haut de la pile numérique, de celles qui, selon l’IA, répondent le mieux à leurs besoins. « Toutefois, aucune candidature n’est rejetée sans intervention des responsables de magasin et ils peuvent très bien choisir de poursuivre le processus de recrutement avec un candidat qui n’a pas obtenu le plus haut score », nuance le directeur du développement RH de Beaumanoir.

Moderne, vectrice de simplification, une telle solution ne risque-t-elle pas 
d’uniformiser les candidatures
, voire 
d’être un facteur de discrimination
 ? « Nous nous sommes évidemment posé la question, mais il faut ramener l’assistant recruteur à ce qu’il est : un outil avec une simple couche de scoring, sans supplément analytique, répond tout de go Florent Guillaume. Aucun algorithme complexe qui croiserait et analyserait les réponses pour prédire le futur parcours des candidats au sein de notre groupe n’est à l’oeuvre. Finalement, le risque de reproduction tient davantage aux responsables de magasin qui cherchent, et c’est humain, à recruter des personnes qui leur ressemblent. »

81 % de satisfaction

A en croire le directeur du développement RH de Beaumanoir, ces derniers – « qui en toutes circonstances gardent leur libre choix et peuvent, s’ils le souhaitent, continuer à recruter grâce au bon vieux processus papier car ils reçoivent déjà un nombre de candidatures suffisant », souligne-t-il – se montrent satisfaits de cette méthode de recrutement assisté. Selon une enquête menée durant l’été 2019 auprès des succursales parisiennes concernées, 81 % des managers recommandaient un déploiement de ce nouvel outil à l’ensemble des points de vente, ce que le groupe est en train de réaliser pour 600 d’entre eux.

Côté candidats, le taux de satisfaction, évalué grâce à une question posée lors de la conversation préliminaire avec le chatbot, est de 87 %. « Depuis quinze mois, nous avons enregistré quelque 6.000 candidatures par ce biais, et connaissons une hausse du nombre de candidatures de plus de 20 % », se félicite Florent Guillaume.

Alors, Beaumanoir voit déjà plus loin. « Nous pourrions pousser les feux du prédictif en analysant l’historique des magasins pour prédire leurs besoins en recrutement à venir ou encore en profitant des fonctionnalités du chatbot pour créer un module conversationnel qui suivrait le salarié pendant toute sa carrière chez nous », se prend à rêver Florent Guillaume, avant d’ajouter : « Mais tout cela n’est, pour l’instant, qu’à l’état de projet. »

L'intelligence artificielle, remède anti-crise ?, Transformation digitale

L'intelligence artificielle, remède anti-crise ?, Transformation digitale

Des analyses prédictives auraient-elles pu éviter, sinon l’épidémie, du moins 
la terrible crise sanitaire que nous traversons
 ? Grâce à l’intelligence artificielle (IA), BlueDot, une start-up basée à Toronto, au Canada, avait identifié dès le 30 décembre dernier la propagation du Covid-19, en détectant plusieurs cas autour de Wuhan. Soit neuf jours avant que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne publie sa première déclaration.

Et certains voient le recours à l’IA 
comme un moyen d’endiguer l’épidémie dans la période post-confinement
. Inspirés par les expérimentations chinoises, taïwanaises, sud-coréennes et singapouriennes, les créateurs français de l’application CoronApp oeuvrent pour la mise en place, sur la base du volontariat, d’un suivi par géolocalisation pendant 14 jours. Grâce à un algorithme, les personnes inscrites qui auraient croisé le chemin d’une personne infectée par le coronavirus seraient directement prévenues et pourraient alors se mettre à l’isolement. Un système, encore en développement, qui n’est pas sans poser question 
en matière de données personnelles
.

Car, si l’IA s’immisce peu à peu dans les usages, notamment via les objets connectés (IoT), les analyses prédictives sont encore rares à l’échelle d’un pays. La « start-up nation » n’est pas vraiment convertie ; les entreprises tricolores avancent avec prudence. « Un déficit d’adoption », résumait il y a an Nicolas de Bellefonds, partner et managing director de BCG Gamma, en évoquant les différentes facettes du sujet : compréhension des dirigeants, conversion des employés, gestion des talents et louables freins éthiques.

Les entreprises sont-elles trop lentes ? Les spécialistes ne manquent pas de garantir les bénéfices qu’en tirent celles qui se sont déjà approprié cette nouvelle intelligence nourrie de données, à commencer par l’optimisation des process, industriels ou financiers, et des stratégies, du marketing aux ressources humaines.

Trouver les talents et infuser une culture IA

Le service RH est en effet en première ligne pour diffuser une culture de l’intelligence artificielle à tous les échelons de l’entreprise. « Toutes les étapes de développement d’un projet IA demandent de trouver les bons éléments rapidement et d’investir, notamment en ressources humaines », développe Guillaume Leboucher, CEO d’OpenValue, cabinet de conseil et d’intégration dédié en Data & Intelligence.

Sensibilisation, formation des managers, mais aussi recrutement et mobilité interne sont autant de sujets sur lesquels l’intelligence artificielle apporte une valeur ajoutée. « Depuis cinq ans, le digital a pris une place essentielle dans la gestion des ressources humaines à travers la mise en place de plateformes internes où le collaborateur peut notamment consulter directement les postes à pourvoir », explique Dominique Laurent, directeur des ressources humaines de Schneider Electric France. 
L’IA ne remplace pas le savoir-faire humain du recrutement
, mais elle permet de gagner en efficacité dans l’identification des talents, comme c’est le cas, depuis plus d’un an, au sein du groupe Beaumanoir. « Le manager étoffe ainsi ses équipes avec des profils nouveaux, parfois atypiques, mais toujours adaptés à ses besoins », approuve Dominique Laurent.

La fonction même du département des ressources humaines se trouve aussi transformée par l’intelligence artificielle. Les chatbots et autres outils fondés sur le machine learning peuvent prendre en charge les besoins de plus en plus nombreux tels que les réponses RH des collaborateurs, l’analyse des zones ou des facteurs d’absentéisme.

Optimiser la chaîne logistique, ajuster son offre

Plusieurs cas d’usage ont également fait leurs preuves en matière d’optimisation de la chaîne logistique. Prévoir la demande et les approvisionnements, 
faciliter le contrôle de la conformité des process et des produits
, voire accélérer la préparation des commandes, 
comme chez Cdiscount
. En partenariat avec la start-up Exotec Solutions, l’e-commerçant a déployé dans ses entrepôts de Cestas (Gironde), puis de Réau (Seine-et-Marne), une flotte de robots autonomes, les Skypod, dont les déplacements en 3D reposent sur des algorithmes en mesure d’optimiser leurs mouvements. Résultats : une augmentation du nombre de références disponibles et une réduction des délais de livraison.

L’enseigne d’habillement pour hommes Jules, est, elle, passée depuis l’automne dernier à une analyse poussée des tickets de caisse et autres données pour affiner les commandes de ses magasins. Objectif : augmenter le chiffre d’affaires en produisant des quantités ciblées et en évitant les invendus, grâce à une évaluation fine du succès d’un modèle. L’approvisionnement est géolocalisé et l’offre différente selon le point de vente pour répondre à la demande locale.

Cibler les clients, améliorer l’expérience, collecter les données

Chez L’Oréal aussi, un algorithme d’intelligence artificielle permet d’affiner les prévisions de vente et d’optimiser les stocks et la disponibilité en rayon – avec croissance du chiffre d’affaires à la clé – tandis que plusieurs des marques du groupe actives sur Internet se sont lancées dans la beauté connectée.

Partant de la même démarche de récupération et d’exploitation des données, Bic a présenté, 
lors du dernier CES de Las Vegas
, un rasoir embarquant une intelligence artificielle. Une connexion Bluetooth 4.0 relie l’outil au smartphone de l’utilisateur qui renseigne une appli sur, par exemple, la densité de son système pileux ou la fréquence du rasage. De quoi alimenter la base de données. Car, ne cachait pas Xavier Guérin, VP Datastax, il y a an, lors d’une réunion du think tank AI for Business des « Echos », « plus la donnée est massive, plus l’intelligence artificielle va être efficace ».

Perfectionner les process industriels, éviter les pannes

Côté industriels, c’est en matière de maintenance prédictive 
que s’illustre Air Liquide
. Le spécialiste des gaz industriels pilote à distance sa production, et grâce aux données, ajuste son activité en fonction de la demande. Basés sur l’analyse de quinze ans de données, les algorithmes repèrent la configuration optimale de chaque unité pour économiser de l’énergie et permettent d’identifier les signaux faibles avant une panne. Une garantie pour les clients, et un beau relais de croissance pour le groupe. Difficile à négliger par les temps rudes qui s’annoncent.

Recouvrement : comment PageGroup se laisse guider par l'IA, Contrôle de gestion

Recouvrement : comment PageGroup se laisse guider par l'IA, Contrôle de gestion

Pour PageGroup, l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA)  en matière de recouvrement n’a jamais été une fin en soi. Lors de la création, il y a cinq ans, de son centre de services partagés basé à Barcelone, l’entreprise de recrutement et d’intérim spécialisés cherchait simplement un système informatique capable de l’aider à manager ses équipes et à collecter ses créances clients. « Notre seul impératif était d’avoir un outil en mode SaaS », précise son directeur des opérations financières, Geoffroy de Beaucorps.

Ce n’est que bien plus tard, au mitan de l’année 2018, que PageGroup se laisse convaincre par l’éditeur du logiciel, Sidetrade, de se lancer dans l’adoption – prudente – d’un module  dopé à l’IA . « Nous avons commencé par développer un pilote sur notre marché suédois qui est, pour nous, un petit pays avec peu de risques de crédit client, détaille Geoffroy de Beaucorps. Au vu des retombées encourageantes, nous avons ensuite étendu cette solution à la Belgique, au Luxembourg, à la Suisse, à l’Autriche et à la Pologne. Des pays où les volumes d’affaires ne sont pas comparables à ceux que nous rencontrons aux Pays-Bas, en France et en Allemagne. » Pour autant, cela n’a pas empêché l’entreprise d’observer des résultats « assez spectaculaires ».

Sur-mesure

Dans le quotidien des collecteurs de créances, cette technologie, baptisée «Aimie», agit comme un guide. Grâce aux 313 millions de transactions interentreprises contenues dans le cloud de Sidetrade, elle leur propose  la meilleure stratégie de relance à adopter en fonction des particularités de tel ou tel client. « Chaque matin, Aimie suggère aux opérationnels un ensemble d’actions à prendre, explique le directeur des opérations financières de PageGroup. Mises à jour en temps réel, elles se fondent sur l’encours de chaque client, sur l’arrivée des paiements, mais aussi sur les habitudes de chacun. »

Pour augmenter les chances de succès, l’intelligence artificielle est capable de prédire s’il vaut mieux faire une relance par téléphone ou par mail, quel jour, quelle heure et quelle fréquence sont les plus adaptés. « Ce système nous permet de concentrer nos efforts sur les clients que nous devons vraiment contacter, souligne Geoffroy de Beaucorps. Nous paraissons moins agressifs aux yeux des bons payeurs et déterminés aux yeux des autres. »

Résultat : PageGroup observe déjà un gain d’efficacité « très important » pour les marchés concernés. Clé en matière de recouvrement, le ratio qui évalue la quantité mensuelle de paiements récoltés par chaque collecteur s’est déjà amélioré de 10 à 20 %, avec la réduction du délai moyen de paiement (DSO) que cela suppose. « Et nous nous attendons à ce qu’il soit encore plus efficient lors du déploiement sur nos grands pays car le nombre de clients dans le cloud de Sidetrade y sera bien supérieur, et les stratégies à adopter encore plus fines, anticipe le directeur des opérations financières. Nous serons aussi, à l’avenir, capables de savoir comment nous nous positionnons par rapport au DSO global d’un client, et d’anticiper, dès la signature d’un contrat, de potentielles difficultés. »

Outil précieux, « avec un retour sur investissement très intéressant », ne risque-t-il pas de froisser les opérationnels dans sa façon de négliger, a priori, leur savoir-faire ? « Je pense qu’une telle solution est difficile à mettre en oeuvre dans un service expérimenté, mais, chez nous, les collecteurs sont souvent des personnes jeunes avec peu d’expérience, reconnaît Geoffroy de Beaucorps. Peut-être, d’ailleurs, que nos collaborateurs les plus expérimentés n’en font qu’à leur tête et complètent les indications qui leur sont données avec des actions de leur cru. Ce n’est pas forcément négatif car le machine learning, par essence, a plus de difficultés à gérer les imprévus. » Dans la crise liée à l’épidémie de Covid-19  qui touche actuellement le monde entier , une telle marge de manoeuvre pourrait devenir capitale.

IA et conformité bancaire : mésalliance ou couple de l'année 2020 ?, Transformation digitale

IA et conformité bancaire : mésalliance ou couple de l'année 2020 ?, Transformation digitale

Plus gros investisseurs en intelligence artificielle (IA) depuis des années, les banques ont beaucoup tâtonné et cherché leurs voies, sans toutefois réussir à générer une valeur ajoutée palpable, ni pour leur santé financière ni pour les services et l’expérience client… C’est qu’il a bien souvent manqué une direction claire vers laquelle orienter les efforts internes, les compétences et les investissements : l’IA pour maximiser le portefeuille client ? L’IA pour « augmenter » le conseiller ? L’IA pour améliorer l’expérience client et s’aligner sur les néo-banques ? L’IA pour détecter les fraudes en tous genres ?…. Jusqu’à présent, c’était le « tout-venant » et donc un peu tout à la fois, à tous les niveaux de l’entreprise et bien souvent dans une approche expérimentale et « paillettes », rarement suivi de réels passages à l’échelle et donc d’effets visibles sur les performances…

L’heure des choix a sonné !

Il est évident que les choix ne sont pas aisés et qu’il faudra à terme avoir embrassé l’ensemble des dimensions. Mais, s’il est facile de réaliser une démonstration brillante sur n’importe quel sujet, 
la complexité des organisations et des systèmes d’information bancaires imposent de choisir ses combats si l’on veut réellement transformer !
C’est ce qui est doucement en train de se passer dans la banque, où l’on sort de l’ère « proof of concept » (POC) et où l’IA devient enfin l’une des composantes d’un projet métier bien cadré et non plus une baguette magique qui résoudrait instantanément des difficultés séculaires…

Si peu de banques historiques ne se sont pas encore engagées, il est un domaine, certes complexe et pas vraiment « sexy » mais commun à tous, où l’IA doit rapidement pouvoir générer des gains d’efficacité opérationnels : la conformité bancaire.

La conformité augmentée : le nouvel atout des banques ?

Cette activité dont les coûts ne cessent de croître (15 % par an) était restée relativement en retrait de cette période d’expérimentations IA tous azimuts. Ceci sans doute en raison d’une frilosité inhérente à un métier coutumier de règles statiques, déclinées des réglementations et de solutions progicielles rassurantes, car adoubées par les régulateurs. C’est pourtant là que se trouvent nombre de gisements de gains opérationnels à court et moyen terme. Les grandes banques l’ont enfin compris et se lancent dans cette nouvelle ère de la conformité dopée à l’IA, sous le regard mi-sceptique mi-encourageant des régulateurs.

Concrètement, parmi les toujours plus nombreuses missions de conformité (fraude, protection des clients, abus de marché, contrôle permanent, risques opérationnels, GDPR…), beaucoup reposent sur une capacité à détecter des anomalies dans un trinôme (émetteur, transaction, bénéficiaire) et à traiter toujours plus d’alertes (dont la majeure partie est des faux positifs). Des IA bien choisies permettraient à la banque de gagner en précision (détecter toujours plus de non-conformités), en performance (réduction drastique de la charge liée aux analyses humaines des alertes et notamment des faux positifs) et en expérience client (réduction des temps de validation d’une transaction).

Des nouveaux modèles à inventer

La transformation consiste à sortir de modèles de règles statiques (trop bien connus des fraudeurs) et à construire des modèles auto-adaptatifs qui raisonnent sur des indices data révélateurs de comportements atypiques, dont la nature et la forme évoluent, tout en gardant l’humain pour décider, récompenser et se concentrer sur les analyses complexes. Cela peut se faire en 3 paliers.

Le premier revient à utiliser toutes les données disponibles sans a priori (émetteurs, destinataires, transactions) pour détecter – en apprentissage non-supervisé – de nouveaux « modèles » de comportement atypiques, puis choisir d’en faire de nouvelles règles améliorant la pertinence des alertes de l’outil existant.

Le deuxième repose sur 
l’utilisation du machine learning
de façon à scorer et prioriser les alertes pour en faciliter le traitement, en fonction de la ressemblance avec des faux ou vrais positifs du passé avérés (apprentissage supervisé) et/ou en fonction de l’éloignement d’un cas par rapport aux comportements normatifs (apprentissage non-supervisé).

Last but not least, le troisième palier vient enrichir le modèle précédent d’une boucle de retour humaine permettant de récompenser ou de pénaliser les modèles sur la base des vrais résultats d’analyse et, ainsi, les améliorer continuellement.

Il faudra bien sûr rester pragmatique car d’une part, certains sujets (notamment ceux revêtant une « obligation de résultat ») se prêtent moins à l’approche « statistique » du machine learning. D’autre part, tous les sujets nécessiteront des intelligences artificielles robustes, surveillées et interprétables pour être validées par le régulateur et adoptées par les utilisateurs métiers, ce qui restera le plus grand enjeu.

Enfin et comme toute démarche IA, il sera clé d’identifier en amont les vrais points de douleur que l’on souhaite traiter en priorité pour l’entité et le processus concernés, ces points de douleurs étant finalement très dépendants des produits proposés, des types de clients adressés et de l’histoire de l’entreprise (sans oublier ses cicatrices des précédentes sanctions ou incidents).

Alors, oui, optons pour le moins « sexy » de façon à avoir des résultats visibles et relativement rapides… sans toutefois trop délaisser le « tout-venant » et les IA appliquées aux autres processus métiers de la banque, qui produiront une valeur plus incrémentale au fil de leurs passages à l’échelle.

Ghislain de Pierrefeu est associé au cabinet Wavestone

Télétravail : la victoire des logiciels de communication dans le cloud, Cloud computing

Télétravail : la victoire des logiciels de communication dans le cloud, Cloud computing

Les week-ends à Paris dans les clubs de jazz de Saint-Germain-des-Près sont loin pour Stewart Butterfield. Depuis un repas au snack à la veille de la publication des résultats financiers de sa société Slack, le patron n’est pas, lui non plus, sorti de chez lui. Mais il a plus de raisons que d’autres de s’en réjouir.

Comme prévu au début de la crise sanitaire en Occident,
les injonctions à ceux qui le peuvent de travailler depuis chez eux, dans le monde entier, portent de façon exceptionnelle l’activité de la messagerie professionnelle instantanée. Le nombre d’échanges quotidiens par utilisateur a augmenté de 20 %. « Pour nous, la semaine dernière a été la plus productive de l’histoire de Slack ! » s’exclame le serial entrepreneur
lors d’un entretien en visioconférence avec « Les Echos ».
Depuis le 1er février, sa technologie a convaincu 9.000 entreprises supplémentaires de s’y abonner, soit deux fois plus que d’habitude en un trimestre.

44 millions d’utilisateurs de Microsoft Teams

Mais
Slack
n’est pas le seul à profiter des circonstances créées par la lutte contre l’épidémie de Covid-19. D’après le cabinet d’études de marché App Annie, le nombre de téléchargements de l’application mobile
de son rival Microsoft Teams
(le descendant de Skype) a augmenté de 305 % en France la semaine du 8 mars dernier, alors que l’éventualité d’un confinement prenait forme dans l’esprit de la population et des dirigeants. Les téléchargements de l’application de visioconférence Zoom, la nouvelle star de Wall Street, et Google Hangouts Meet ont respectivement progressé de 155 % et 160 %.

« Tout le monde est gagnant, sauf les solutions collaboratives qui ne sont pas conçues sur des serveurs informatiques en ligne en mode ‘cloud computing’ », observe Arnaud Rayrole, le directeur général de la société de conseil en transformation numérique Lecko. Hébergés dans de nombreux et gigantesques centres de données, Slack, Teams et les autres sont par nature conçus pour être utilisés à distance, voire sur un réseau domestique totalement inconnu des services informatiques de l’entreprise cliente.

A l’échelle mondiale, Microsoft Teams est, lui, passé de 20 millions d’utilisateurs en novembre à 32 millions le 11 mars, puis 44 millions au dernier pointage, le 18 mars. En France, où certaines options payantes sont devenues gratuites le temps de la crise, le nombre d’utilisateurs a été multiplié par 7 entre le 10 et le 17 mars. « Microsoft Teams gagne particulièrement en notoriété car il était jusqu’ici peu utilisé mais déjà installé sur 85 % des postes de travail dans les grandes entreprises qui payent cet outil en même temps qu’ils souscrivent à Word, Excel et Outlook », relève Arnaud Rayrole. Naturellement, les managers ont
tendance à se porter sur ce logiciel plutôt qu’un autre.

Une alliance française dans le cloud

En dépit des craintes,
cet afflux de nouveaux utilisateurs a été plutôt bien digéré par les équipes techniques des différentes messageries. Des bugs ont bien été constatés mais ils résultaient très souvent d’une erreur de paramétrage des réseaux virtuels privés (VPN) des entreprises clientes. La flexibilité du « cloud computing » a permis de corriger les autres. « Nous avons connu un problème d’allocation de nos ressources, il était difficile au début de savoir où seraient les besoins additionnels les plus importants, mais c’est résolu », expliquait Katy Dundas, responsable marketing de Microsoft Teams, mi-mars – quelques jours après un bug en Europe.

Dans ce contexte où l’interface du logiciel compte presque autant que les serveurs qui lui donnent vie, les concurrents français de Teams et Slack sont allés passer une alliance avec l’un des champions nationaux de l’informatique, le nordiste OVH. Hébergés gratuitement dans le cadre du programme Open Solidarity de l’entreprise d’Octave Klaba, Jamespot ou encore LumApps multiplient également les nouveaux clients.

L’un de leurs arguments ? La souveraineté technologique. « Microsoft commence à avoir des problèmes de capacités et restreint l’activation de ses serveurs pour les Européens », s’inquiète Alain Garnier, le patron de Jamespot. Un point qui pourrait prendre du poids si jamais l’obligation de confinement s’étendait à l’ensemble des Etats-Unis.

La data science, les nouveaux pharaons et les nouveaux hiéroglyphes, Big Data

La data science, les nouveaux pharaons et les nouveaux hiéroglyphes, Big Data

Il est particulièrement ironique de se rendre compte à quel point l’intelligence artificielle (IA) – qui incarne un des aspects les plus pointus de la très haute technologie – en est encore à son Néolithique. Poursuivons le parallèle historique : Amazon, Google et Facebook seraient des bâtisseurs de pyramides. Les réalisations sont certes colossales, mais en réalité 
il manque quelque chose
… Il y a une vraie technologie – puissante, profonde, réelle -, mais ponctuée par de telles discontinuités et défaillances de savoir que la moindre réalisation significative nécessite des efforts considérables.

Ce qui se faisait à l’époque avec des dizaines de milliers d’esclaves se fait aujourd’hui avec des millions de dollars. Dès lors, on se rend moins compte du caractère – conceptuellement – primitif de notre situation. C’est certes un progrès, mais cela ne doit pas faire oublier que nous n’avons pas encore inventé la roue. Il n’est pas impossible que, dans quelques milliers d’années, des musées holographiques érigés à la gloire des pharaons du début du troisième millénaire proposent des visites virtuelles sur les technologies actuelles. La ressemblance entre Toutankhamon et Jeff Bezos 
n’est-elle pas saisissante
 ?

Gros volumes de données

Ne nous méprenons pas. Nous ne parlons pas de despotisme, mais de technologie. Quelle est cette roue – au sens conceptuel – que nous n’aurions pas encore inventée ? Les managers, les experts métiers et les opérationnels en général ont le sentiment – conscient ou inconscient – que tout fonctionne 
comme dans Excel
.

D’ailleurs, on ne se rend pas compte du travail qui y est contenu et qui est un chef-d’oeuvre d’autonomie, d’automatisation et d’ergonomie : tout ce dont vous avez besoin est réuni au même endroit et présenté avec une relative simplicité. Vous pouvez faire la somme de deux chiffres ou programmer des algorithmes – simples – en fonction de votre niveau. Vous pouvez l’utiliser comme un vélo d’enfant – sans passer pour un imbécile – ou comme un avion de chasse – si vous en avez les capacités.

Malheureusement pour Excel, l’autre nom de notre discipline est Big data, ce qui veut dire que nous travaillons avec de gros volumes de données qui ne conviennent, rapidement, plus à cet outil. Nous sommes donc obligés de faire autrement. C’est là que s’ouvre un trou de ver, vers un Néolithique technologique. On repart pour ainsi dire de zéro.

Monopole d’une élite

Les données, les algorithmes, la puissance de calcul, les mécaniques d’évaluation et les outils de déploiement vivent tous sur des planètes différentes avec des environnements différents et des « lois » différentes. Il faut régulièrement installer, réinstaller un environnement de travail. A chaque projet, il faut les réarticuler, réassembler toutes ces « planètes ». C’est fastidieux et parfois compliqué. Les bugs sont nombreux. Le « bricolage » devient la norme et quand, de surcroît, un membre de l’équipe quitte le bateau, il part avec des choses que seul lui maîtrise, et provoque comme une fissure dans la coque. Et nous n’avons pas parlé – entre autres – du temps absolument nécessaire pour expliquer ce qui est fait et pour donner de la visibilité au management.

Dès lors, 
la data science ne représente qu’une partie très minoritaire
d’un projet industriel d’IA. L’invention d’un outil qui permettrait de résoudre tous ces problèmes « d‘intendance » qui viendrait mettre un peu d’ordre dans tout ce chaos et automatiser ce qui peut l’être, serait une avancée gigantesque.

Des choses existent, mais est-ce suffisant ? Peut-on parler d’une invention du niveau de la roue ? Cela se discute. En revanche, il ne fait aucun doute que cela permettrait une facilitation considérable du développement de l’IA ; et la démocratisation d’un savoir qui ne doit pas rester le monopole d’une élite, mais la propriété de tous ceux qui en exprimeraient le légitime désir.

Hadj Khelil, fondateur du datalab 
Big Mama
, éditeur de solutions logicielles algorithmiques, et enseignant à Sciences Po Paris. Sur Twitter : 
@HadjKhelil
.