Menu

Une de Entrepreneur France

Imaginer l'après Covid-19, Gestion des risques

Imaginer l'après Covid-19, Gestion des risques

Il est difficile, pour ne pas dire impossible,
en cette période de crise unique et inédite
, de ne pas se poser la question de l’« après ». Choc massif sur l’offre et choc massif sur la demande, qui ont plongé nos économies dans une léthargie profonde et un coma inquiétant, la crise du Covid-19, crise de l’économie réelle – pour une fois, les financiers ne sont pas responsables ! – a provoqué
un plongeon sans précédent
, par son ampleur autant que par sa brutalité et sa rapidité, des finances publiques, fait jaillir des chiffres ahurissants, où les centaines de milliards de dollars ou d’euros sont devenues la norme, et généré, pour l’avenir, beaucoup plus de questions angoissantes que de réponses apaisantes.

Les grandes inconnues demeurent bien évidemment, et avant tout, la durée de la crise, avec l’apparition potentielle
d’une deuxième vague
, voire d’une troisième, avant que traitement et vaccin n’apportent soulagement et fin du cauchemar. La réaction des consommateurs – frénésie de consommation pour compenser les frustrations accumulées pendant les longues semaines de confinement, ou épargne de précaution et changements profonds et durables des comportements et des modes de consommation – reste problématique. Tout comme la réponse des marchés financiers,
qui n’ont visiblement pas encore intégré complètement l’ampleur des dégâts
et la complexité des remèdes. Optimisme inconsidéré des investisseurs et irréalisme des scénarios de reprise ? Ou croyance raisonnée en la pertinence et l’efficacité des politiques monétaires, et affirmation de la capacité de la finance à relever les gigantesques défis lancés par la crise ? Enfin, l’ampleur des réponses sociales à ce séisme générateur de chômage, de misère, voire de famine, en particulier dans les économies en voie de développement, est prévisible, même si elle demeure très difficile à évaluer.

Retour à la maison

Ceux qui croient et prétendent
que la crise ne changera rien se trompent
, tout comme se trompent ceux qui croient et affirment
qu’elle changera tout
. Quelles tendances peut-on déceler, au niveau des entreprises, sans bien évidemment prétendre à une quelconque exhaustivité, pour le moyen et long terme, le court terme étant essentiellement monopolisé par les exigences bilancielles et les urgences de liquidités ? A l’évidence devrait se dessiner une remise en cause d’une certaine division internationale du travail et
l’avènement progressif d’un « retour à la maison »
, en particulier pour les produits stratégiques, ceux dont la crise nous a fait comprendre qu’ils engendraient une dépendance insupportable et une vulnérabilité dangereuse. Cette forme de relocalisation aura un coût conséquent, qu’il nous faudra prévoir et provisionner.

Le développement et l’accélération de la digitalisation, cette évolution vers le capitalisme numérique décrite par Daniel Cohen, sont inévitables. La crise a largement montré combien la connectivité numérique permettait
d’assurer la continuité des opérations et des activités économiques
. Gain de temps, très certainement, face à la contrainte de faire vite, et sans doute gain d’argent du fait d’un recours plus réduit aux consultants et autres spécialistes. Les robots et les drones n’étant pas contagieux, nous devrions assister à une accélération notoire du boom de l’automation, déjà largement entamé avant la crise.

Série de questionnements

Ce développement des processus automatisés et sans contact, tant au niveau des activités de production qu’à celles liées à la distribution, ne se fera pas sans un impact majeur sur l’emploi, à un moment où, précisément, ce paramètre économique et social sera particulièrement sensible, pour ne pas dire explosif. La réallocation sectorielle des effectifs sur le marché du travail générée par les difficultés de certaines activités offrira sans doute des possibilités accrues de recrutement de talents managériaux aux secteurs qui bénéficieront de la crise, tels que la santé, la logistique, l’e-commerce, la cybersécurité, l’éducation, pour n’en citer que quelques-uns, mais laissera sur le carreau des cortèges de travailleurs sans grande qualification. Enfin, il faudra s’accoutumer à vivre dans un monde de plus en plus régulé, de plus en plus contrôlé
et donc de plus en plus liberticide
, ce retour en force des régulations étant à l’évidence facilité par les développements inéluctables de la technologie.

S’ajouteront toute une série de questionnements sur la société dans son ensemble : société d’entraide et de solidarité ou société de défiance et dénonciation ? Résurgence brutale des égoïsmes et des pulsions nationalistes ou resserrement des liens régionaux et avènement d’unions géographiques renforcées ? Lente agonie de la démocratie représentative ou sursaut de nos institutions et de nos valeurs républicaines ? En tout état de cause, l’avenir ne sera certainement pas ce « fantôme aux mains vides qui promet et qui n’a rien ! » que Victor Hugo évoque dans « Les Voix intérieures ».

Marc Bertonèche est professeur des universités et enseignant à Oxford, HEC et au Collège des ingénieurs.

Et si vous aussi figuriez au palmarès 2021 des cabinets de recrutement ?, Recrutement

Et si vous aussi figuriez au palmarès 2021 des cabinets de recrutement ?, Recrutement

Qui sont les meilleurs cabinets de recrutement en France ? Pour la quatrième année  consécutive,
le portail de statistiques Statista
s’apprêtent, pour le compte du journal Les Echos, à recenser les meilleurs intervenants du secteur. Selon une méthodologie éprouvée, quatre catégories d’intervenants seront mis à l’honneur : 
les cabinets d’executive search,
de recrutement de managers et spécialistes, le travail temporaire et les portails (généralistes comme spécialistes , méta-moteurs de recherche  comme portails de cabinets de recrutement). 

Comme à l’accoutumée, ne figureront au palmarès 2021  que ceux qui auront obtenu les meilleures appréciations et recommandations. Autrement dit, ceux  que les pairs, les spécialistes des ressources humaines et les candidats au recrutement auront  le plus plébiscités. 

Sondage en ligne 

Ce rendez-vous RH s’est installé, dès sa deuxième édition, pour atteindre une forte notoriété reconnue par tous les professionnels du recrutement, leurs entreprises clientes et les postulants. Cette année encore, cabinets de recrutement et portails alimenteront donc la liste des lauréats. Pourquoi pas vous ? Peut-être, y figurant déjà, souhaitez-vous maintenir votre score ou bien, nouvel entrant, y côtoyer les structures les plus réputées.  

Pour vous donner toutes leurs chances aux structures désireuses de figurer au palmarès 2021, répondez, dès à présent, au sondage en ligne concocté par Statista et votez pour les cabinets et les portails que vous recommandez. Pour le faire,
cliquez ici
  : vous pourrez ensuite actionner un bouton intitulé «accéder au sondage».  

Vous retrouverez l’intégralité du palmarès le 23 novembre prochain, dans un numéro spécial des Echos Exécutives. Comme l’an dernier, cette édition sera assortie 
d’une déclinaison en ligne interactive
et consultable sur les sites des Echos (lesechos.fr), des Echos Executives (business.lesechos.fr) et de
le portail de statistiques Statista

Pour plus d’information sur la démarche à suivre:

https://fr.statista.com/page/cabinets-recrutement-les-echos .

Coronavirus : épisode n° 7, faire confiance à l'humain, Idées

Coronavirus : épisode n° 7, faire confiance à l'humain, Idées

Tout ça vers quoi ? Après les annonces du Premier ministre du 28 avril, il apparaît encore plus évident à beaucoup de dirigeants qu’il leur faut se mouvoir et prendre des décisions dans un environnement qu’ils décrivaient déjà comme volatil, incertain, complexe et ambigu (vuca, NDLR). En dépit des doutes qui planent encore, la crise sanitaire semble jugulée, mais la prolongation des mesures de précaution continue d’aggraver la crise économique.Les dirigeants et collaborateurs réalisent combien les habitudes de travail et de vie personnelle ont été déjà modifiées en huit semaines. Va-t-on sortir de nos foyers pour reprendre, mesures de distanciation sociale mises à part , plus ou moins la même existence qu’auparavant ? Mêlant les problématiques locales et globales, les questions qui se posent pour le redémarrage ont l’apparence d’un écheveau bien difficile à démêler.

Est-il « raisonnable » d’ailleurs de tenter de le démêler ? Les experts donnent le plus souvent des avis contradictoires, les analyses sont rarement conclusives, toute planification paraît illusoire, le temps court et le temps long semblent se télescoper constamment. Pour apporter des éclairages et identifier des directions, la raison se révèle impuissante. Certains pourraient y voir une sorte d’insuffisance de l’être humain. Ce sont ceux-là mêmes qui vantent les mérites de l’intelligence artificielle et le recours au tout technologique pour résoudre les problèmes. Si la raison humaine est impuissante, c’est parce qu’elle souffrirait d’une capacité cognitive limitée ou de « biais cognitifs » incorrigibles, marqueurs indélébiles de son imperfection. Mais d’autres savent que ce serait mal comprendre la notion même de complexité et les trois défis de la situation actuelle.

Trois défis

Le premier défi est de comprendre que l’enjeu n’est pas de résoudre un problème mais, au contraire, de le poser. Il faut sortir des arbitrages « santé ou économie » en arrêtant de voir la santé des collaborateurs comme étant uniquement une question de sécurité et l’économie de l’entreprise comme le retour au business model précédent. Repenser l’intention et l’éthique des termes du problème s’impose. Le deuxième défi est de permettre des expérimentations « autonomes » en veillant à l’équilibre de l’ensemble, au lieu de croire et rechercher une réponse unique. Enfin, dernier challenge, conséquence du précédent : apprendre à faire confiance à la capacité de solidarité des personnes, à l’image de celle que la crise sanitaire a révélée. C’est cette même solidarité qui permettra de maintenir cet équilibre d’ensemble. Cessons de prétendre connaître a priori les comportements humains. Cessons aussi de modéliser une situation et de chercher ensuite à en optimiser les contraintes.

Reprend vigueur cette idée que quelque chose d’autre doit « présider ». « L’esprit intuitif est un don sacré et l’esprit rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don. » Einstein nous montre la voie : sans intuition, pas de théorie de la relativité.

L’intelligence de l’intuition

Comment a-t-on pu alors opposer l’intuition à la rationalité ? Sans doute parce que la rationalité, ne pouvant précisément « modéliser » l’intuition, l’a réduite à l’instinct compulsif ou à la superstition dévote. L’intuition est pourtant une intelligence . Elle est « l’intelligence du tout », seule voie pour appréhender la complexité sans réduction ou simplification. Emboîtant le pas au père de la relativité autant qu’au sociologue Edgar Morin, des dirigeants savent que cette intelligence se travaille et constitue une source précieuse de leadership. Elle est à la fois produit et producteur de qualités profondément et exclusivement humaines que tant de leaders possèdent déjà : la force morale pour ne pas céder à la peur alors même qu’il y a perception de danger ; l’intégrité pour observer sans rejeter alors même que des croyances sont rationnellement incompatibles ; l’abnégation pour servir l’intérêt général alors même qu’un intérêt personnel est en jeu ; et, par-dessus tout, le sentiment de responsabilité dont la raison raisonnante est exempte.

Ces dirigeants – merci à eux – nous rappellent une chose essentielle : seuls des êtres humains peuvent conduire des êtres humains.

Un rendez-vous hebdomadaire

 

Le cabinet Egon Zehnder témoigne et tire des enseignements, en termes de leadership, de la crise sanitaire provoquée par le coronavirus.

 

Depuis sept semaines, les échanges de l’équipe française de l’acteur mondial de la chasse de têtes avec ses interlocuteurs ont été plus nombreux, plus essentiels, plus intenses que jamais. Elle a donc eu l’idée de rédiger son « journal de bord ».

 

Le rendez-vous est hebdomadaire, depuis le 25 mars, et est relayé en exclusivité par « Les Echos Executives » :

 

Coronavirus : épisode n° 1, être à l’écoute de ce qui nous traverse
Coronavirus : épisode n° 2, se sentir relié
Coronavirus : épisode n° 3, relever la tête
Coronavirus : épisode n° 4, prendre l’initiative
Coronavirus : épisode n° 5, créer un mouvement
Coronavirus : épisode n° 6, partager le leadership

 

L'IA, le Covid-19 et la revanche du singe, Big Data

L'IA, le Covid-19 et la revanche du singe, Big Data

La tragédie que nous vivons aura au moins eu le mérite de nous poser une question essentielle : que signifie être un humain ? L’épidémie de Covid-19 nous condamne à
la redéfinition de nos balises les plus essentielles
. Fini l’alibi de la frénésie du « monde d’avant », nous sommes maintenant enfermés en tête-à-tête avec les questions qui fâchent. La vie en mode Sisyphe inversé – je pousse le rocher du haut de la colline et advienne que pourra – laisse la place à l’attente recluse d’un ennemi invisible en mode « désert des Tartares ». Tous les débats sur l’intelligence artificielle (IA) depuis des années, les questions, les polémiques sont comme réinitialisés. Personne ne peut encore dire si c’est une bonne chose mais, dans tous les cas,
un débat s’enclenche sur l’autel de l’urgence
. Que peut faire la data science – presque au même titre que les soignants ou les personnes chargées du nettoyage – pour sauver l’humanité ?

A la décharge des sceptiques, il faut avouer que tellement de gens – et parfois avec un redoutable patin de légitimité – prétendent réaliser des miracles avec de la data qu’il n’est pas simple d’y retrouver son latin, ou son ouzbek – la référence à Al-Khwarizimi n’échappera pas aux amateurs avertis. Le contexte nous donne malheureusement une extraordinaire opportunité non pas de répondre à cette question, mais que la réponse soit entendue avec beaucoup moins de méfiance et plus d’honnêteté intellectuelle.

Un virus sur une bande-son

Le machine learning consiste notamment, à faire en sorte que des ordinateurs
reproduisent des mécaniques cognitives
. On entraîne des programmes à reconnaître des chiens, des chats, des arbres, etc. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de fois où nous avons été moqués quand nous présentions des outils lourds, complexes et onéreux pour reconnaître une voiture. Et pourtant, il faut comprendre que le même savoir-faire est nécessaire pour reconnaître un singe que pour reconnaître un patient atteint du Covid-19 : une équipe sérieuse est en train de tenter de développer un modèle capable de diagnostiquer un malade en analysant la bande sonore de sa toux. Les modèles s’entraînent sur des bandes-son de cas confirmés qui toussent et pourraient éventuellement être capables, une fois l’apprentissage achevé, de prédire la présence ou l’absence du virus chez un patient. Un singe sur une image ou un virus sur une bande-son : même combat.

Si ce modèle devait s’avérer efficace – nos chercheurs sont à pied d’oeuvre de la même manière que ceux qui luttent
pour trouver un vaccin
-, il pourrait être déployé pourquoi pas gratuitement, et presque instantanément, via une application, sur des milliards de smartphones. Nous pourrions dépister avec une très grande efficacité, beaucoup mieux soigner, enrayer l’épidémie en préservant la confidentialité : l’algorithme serait dans le téléphone. Chacun fait son test dès qu’il tousse et, en cas de suspicion, va à l’hôpital ou organise sa quarantaine tout seul. Ce système n’est pas parfait, mais il pourrait faire la différence tout en étant complémentaire de « l’arsenal » existant.

Victoire collective

Au-delà des initiatives ponctuelles des chercheurs, des ingénieurs, des soignants, des éboueurs et de tous ceux qui se battent pour rendre ce monde meilleur, cette crise est le moment de rappeler que la victoire est toujours collective. Le défi est de proposer des solutions qui permettent au plus grand nombre de personnes possible de contribuer à l’effort.

Imaginez aujourd’hui que n’importe quel humain qui a un talent – et Dieu sait s’il y en a – soit facilement capable de le proposer, ou de l’offrir s’il le décide, au reste de l’humanité. On pourrait rêver de super marchés d’applications d’IA, mais cette fois « facilement » développées par des humains partout sur Terre et dont l’objectif serait de faire profiter à autrui d’une disposition particulière, d’un savoir, d’une compétence. Utopique ? Oui, sûrement un peu. Mais, comme nous sommes en train de
changer de monde
, n’est-ce pas le moment idéal ?

Hadj Khelil, fondateur du datalab
Big Mama
, éditeur de solutions logicielles algorithmiques, et enseignant à Sciences Po Paris. Sur Twitter :
@HadjKhelil
.

Confinement : le témoignage d'Aurélie Perraud-Vallée, DAF de Magnicity, Profils

Confinement : le témoignage d'Aurélie Perraud-Vallée, DAF de Magnicity, Profils

Zéro chiffre d’affaires : depuis le week-end du 15 mars, l’Observatoire de la Tour Montparnasse
n’accueille plus personne
, pas plus que les autres sites du groupe Magnicity, à Berlin, Rotterdam, Chicago ou Philadelphie. Un arrêt d’activité brutal et mondial pour ce groupe familial spécialisé dans le tourisme urbain, qui emploie 250 collaborateurs et affiche normalement un chiffre d’affaires de l’ordre de 60 millions d’euros. « Presque tous les salariés sont au chômage technique. Seuls travaillent encore quelques responsables à la holding, les patrons de site et leurs comptables ou encore les équipes du marketing, qui gardent le contact avec les clients via les réseaux sociaux », précise la directrice financière du groupe, Aurélie Perraud-Vallée, confinée en région parisienne avec son mari, associé chez EY, et leurs trois enfants âgé respectivement de 12, 14 et 18 ans.

Une situation inédite qui l’a conduite à travailler en priorité sur les charges. « Nous avons mis en place des reportings de trésorerie pour chaque site et regardé en détail nos frais fixes et les dépenses que nous pouvions réduire. Nous devons faire autrement pour dépenser moins : c’est un vrai changement de culture, rapide, pour un groupe qui n’avait jusqu’à présent jamais fait face à des tensions de trésorerie », poursuit-elle. Autre sujet majeur : les aides et
les financements de type « PGE »
(prêt garanti par l’Etat) dont pouvait disposer le groupe. « Il y a beaucoup de dispositifs, mais il faut les activer et ne pas rater d’opportunités », souligne la responsable.

Quelques surprises positives

D’un point de vue technique, le groupe avait heureusement
entamé sa modernisation
courant 2019, depuis l’arrivée d’une nouvelle CEO, Alexia Vettier. L’outil Teams, sur lequel le groupe s’appuie quotidiennement aujourd’hui, avait ainsi été déployé en novembre dernier. « Nos sites étant presque toujours ouverts, nous ne nous étions jamais posé la question de l’accès à distance pour la comptabilité, la paie, ou les connexions bancaires. Toutes les équipes se sont mobilisées et se sont finalement révélées très opérationnelles : nous avons pu payer nos fournisseurs comme nos salariés, mais aussi boucler notre reporting mensuel, avec seulement un peu de retard. C’est la force des petits groupes : tout le monde a les mains dans le cambouis, et l’on peut se mobiliser très vite », assure la directrice financière.

Des surprises positives ? « La crise a mis en évidence l’esprit d’équipe et la solidarité des collaborateurs. Sans compter qu’elle a ramené beaucoup d’humain et de bienveillance dans les échanges », constate Aurélie Perraud-Vallée, qui a aussi découvert le télétravail. « Cette période de confinement a levé ma barrière psychologique sur le sujet : les journées sont clairement aussi denses qu’avant. Mes pauses-café sont simplement devenues des pauses maths », explique-t-elle.

Car, trois enfants à la maison, cela implique à la fois
de l’encadrement et de l’intendance
. « A leur âge, ils sont assez autonomes sur le plan scolaire. En revanche, nous avons un rôle de coach : il nous faut générer de l’énergie pour qu’ils se mettent au travail ; ou calmer le stress, notamment chez notre fils aîné qui va bientôt passer ses concours après deux années de classes préparatoires. En tant que managers, mon mari et moi sommes habitués à parler de l’agilité et l’adaptation à l’imprévu. Mais un adolescent semble avoir finalement plus de mal que nos équipes à entendre ces discours », reconnaît-elle.

Redémarrage

Côté corvées, la famille est réglée comme un cabinet d’audit : ménage le samedi matin en équipe complète et planning pour les repas, réalisés à tour de rôle, à raison de trois menus par semaine, y compris pour la cadette. « Même si nous passons l’essentiel de nos journées sur nos écrans, en conférences téléphoniques, cette période de confinement nous laissera aussi des moments de partage et de discussions avec les enfants », remarque Aurélie Perraud-Vallée, qui ne manque pas de s’étonner face à ce temps à la fois « long et que l’on ne voit pas passer ».

Reste, aujourd’hui, la question majeure du redémarrage. « On ne sait pas encore quand il aura lieu ni, surtout, comment. Il nous faut challenger notre business model : un nouveau tourisme urbain pourrait naître de cette crise. A nous de l’inventer. » A titre personnel ? Pas d’hésitation : la directrice financière de Magnicity attend avec impatience de pouvoir retrouver ses amies, au cours d’un apéro en terrasse.

Trois conseils pour un déconfinement  bienveillant, Bien-être au travail

Trois conseils pour un déconfinement  bienveillant, Bien-être au travail

« Rien ne sera plus comme avant » semblent penser de nombreux DRH, qui apportent le plus grand soin à la préparation de la reprise. Leurs objectifs ? Rassurer, ranimer l
e sentiment d’appartenance à un collectif
et surfer sur un mouvement global pour ancrer durablement la transformation dans l’organisation. Quelques conseils pour aller en ce sens…

#1 Communiquer en toute transparence.

Ce contexte inédit génère
des doutes et de l’anxiété
, d’où la nécessité d’être au côté des équipes pour informer et expliquer. « Dans ce climat rempli d’incertitudes, et même d’angoisse, il n’y aura jamais trop de communication. Il vaut mieux faire part de son absence de réponse opérationnelle sur un sujet précis, plutôt que de ne rien dire du tout », estime Sanaé Blanc, directrice de l’innovation de Softn, start-up qui, depuis sa création en 2017, a accompagné plus de 200 organisations (grands groupes et jeunes pousses) sur le champ de la performance collective.

Elle préconise la mise en place d’une foire aux questions exhaustive à l’intention des salariés ou encore des entretiens individuels lorsque cela est nécessaire. C’est ce qu’a fait Cadremploi, dont les 200 collaborateurs sont passés en
télétravail
à 100 % dès le début du confinement. « Récemment, notre CEO a posté un message sur Slack pour prévenir l’ensemble des équipes que le retour au bureau ne serait pas imposé avant le 2 juin », explique Lise Ferret, DRH du site de recrutement. Dans le même temps, via un outil de « feedback », les salariés de Cadremploi ont été sondés sur leurs inquiétudes, humeur, organisation de travail à domicile… « Ce questionnaire volontairement non-anonymisé a permis d’identifier les situations à risque, et une vingtaine de rendez-vous RH individuels a été organisée », indique Lise Ferret.

#2 Recréer un climat de confiance.

Cette crise a chamboulé les habitudes et
ouvert la voie à pléthore d’incertitudes
sur son entreprise, sur son emploi, sur l’avenir… « Il ne fait pas négliger ce traumatisme, ni les efforts qui ont été demandés aux collaborateurs : travail à distance, tout numérique, pose de RTT ou de congés anticipés, surcharge de travail ou, à l’inverse, activité atrophiée… », détaille l’experte de Softn, jugeant nécessaire d’octroyer un peu de temps aux employés pour que ceux-ci « retrouvent leurs marques ». De son avis, les
petites attentions
(« goodie » ou carte postale virtuelle pour remercier de l’investissement durant le confinement ou pour souhaiter la bienvenue le 11 mai), et les rendez-vous dématérialisés (de type petit-déjeuner en vision) peuvent contribuer « à humaniser la reprise et à valoriser chaque salarié ».

Chez Cadremploi, qui envisage un retour par paliers avec des équipes en alternance, un quart des effectifs retrouveront le chemin du bureau le 2 juin. « A ce jour, nous ne savons pas encore comment nous allons favoriser la réappropriation, par les collaborateurs, de leur environnement de travail. Nous allons certainement organiser un accueil par les équipes RH, notamment pour distribuer des masques de protection et reprendre contact physiquement avec chacun d’entre eux », précise Lise Ferret, qui est en train d’interroger un prestataire d’escape game sur la faisabilité d’un jeu en ligne pour fédérer l’ensemble des équipes.

#3 Structurer les transformations amenées à durer.

Une enquête menée par l’Ifop pour Securex pointe que 70 % des cadres souhaitent poursuivre le télétravail après le confinement. « La phase de « déconfinement » va apporter son lot de changements : le recours au travail à distance pourrait s’intensifier, les réunions physiques pourraient être moins fréquentes… Il convient donc de veiller à ce que les collaborateurs s’approprient la nouvelle organisation qui va se mettre en place », observent les experts de Softn, préconisant de « clarifier et même de formaliser les évolutions ». Pour rendre désirables ce nouveau cadre et les nouveaux process, des outils existent : charte, ateliers pratiques au sein de chaque équipe…

Pour Cadremploi, qui avait prévu de déménager ses locaux en septembre 2020, la crise pourrait impacter l’agencement des
nouveaux espaces de travail
. « Le confinement aura au moins eu l’avantage de prouver l’efficience de la collaboration à distance, même auprès de ceux qui y étaient réfractaires », constate Lise Ferret, qui doit également prendre en compte les aspirations de certains collaborateurs désireux de s’éloigner du centre de Paris. « Venir au bureau revêtira peut-être un autre sens demain. Ce ne sera plus un réflexe, mais un rendez-vous ponctuel, pour recevoir un client, participer à une réunion d’équipe, lancer un nouveau projet, etc. D’où ma réflexion, à l’heure actuelle, sur un modèle d’espaces de coworking dans notre propre siège », conclut la DRH.

Une enquête menée par l’ANDRH indique que 85 % des professionnels des ressources humaines ont anticipé les commandes de matériel de protection. Toutefois, une majorité de répondants préfère un retour progressif dans les locaux en maintenant le télétravail pour les salariés éligibles. Il apparaît également que, tout au long de la crise, les DRH ont travaillé « main dans la main » avec les partenaires sociaux, autant pour gérer le confinement que pour préparer la suite. Enfin, ce contexte bouleversé n’a pas détourné les employeurs des contraintes réglementaires et les mesures jugées « intrusives », telle une application de tracking, semblent susciter peu d’enthousiasme : seuls 33 % des sondés s’y disent favorables.

Déconfinement : comment sécuriser sa reprise d'activité, Transformation

Déconfinement : comment sécuriser sa reprise d'activité, Transformation

L’ère du déconfinement est ouverte. Le rebond espéré va-t-il se produire ? « Il est acquis que les entreprises ne pourront compter sur un retour à l’intégralité de leurs capacités opérationnelles et de leur accès aux marchés avant la diffusion massive d’un vaccin ou d’un traitement », analysent Homayoun Hatami, Sébastien Lacroix et Jean-Christophe Mieszala chez McKinsey France. Le cabinet de conseil en stratégie travaille, aujourd’hui, avec pas moins de neuf scénarios différents pour un calendrier de retour à l’activité d’avant crise, s’étalant, selon les secteurs, du dernier trimestre 2020 au premier semestre 2022.

Un scénario de base comme boussole et d’autres alternatifs

D’ici là, il faudra réussir la phase de redémarrage qui, les consultants ne le cachent pas, sera plus difficile que celle du confinement. Entre les faibles intentions d’achat des consommateurs et la priorité à donner à la santé des collaborateurs, revenir à l’activité va pousser les entreprises à prendre des décisions majeures. « Il va s’agir d
‘un vrai test de leadership pour les dirigeants
 », estime Homayoun Hatami, directeur général de McKinsey France qui a élaboré, avec ses équipes, un plan de reprise à leur attention.

A la clef, huit grands axes (voir encadré) à commencer par l’élaboration d’une cartographie détaillée du redémarrage. Pour hiérarchiser les opportunités de relance, les consultants de McKinsey appellent à dresser une topographie de la reprise de la manière suivante : pays par pays, site par site, segment par segment, client par client, produit par produit. L’outil sera construit sur un scénario de base ainsi que sur plusieurs autres alternatifs. La cartographie « fera office de boussole pour orienter efficacement la production, la supply chain, les efforts marketing et commerciaux. Il déterminera aussi l’horizon de reprise de chacun des sites et permettra d’engager une réévaluation des investissements et des perspectives de repositionnement géographique de la chaîne de valeur », expliquent les experts. Ce n’est qu’un point de départ.

Remobilisation des collaborateurs et garanties de sécurité pour les clients

A l’heure du déconfinement, la santé des collaborateurs est au coeur des préoccupations. Du nombre de personnes dans l’ascenseur au sens de la circulation des uns et des autres, de plus en plus d’entreprises s’emparent de la question. Mieux vaut s’aligner sur celles qui « fonctionnent sur un principe d’exigence maximum avec les normes les plus élevées entre les règles du gouvernement, leurs propres standards et le niveau d’attente des consommateurs et de leurs clients », invite Homayoun Hatami. ​

La remobilisation des collaborateurs est un autre volet RH. En Chine, des usines ont vu leur taux d’absentéisme passer de 5 % à 20 % après le déconfinement. Les entreprises qui se seront déjà penchées
sur leur raison d’être
pourront capitaliser sur l’acquis pour redonner du sens. En outre, soulignent les consultants de McKinsey, « il sera déterminant de renforcer la capacité de l’organisation à être attentive aux signaux faibles sur le bien-être au travail, notamment en continuant d’appliquer les deux principes managériaux mis en valeur durant la crise : transparence et empathie ».

Autre point sensible du redémarrage : être en mesure d’apporter des garanties de sécurité aux clients. Rétablir la confiance est l’une questions qui préoccupe le plus les dirigeants face aux nouveaux réflexes sanitaires. Plusieurs entreprises ont déjà annoncé des mesures, à l’instar de la compagnie aérienne Emirates qui prendra la température frontale de ses passagers ou d’Accor et Bureau Veritas, qui ont mis en place un label de certification d’hygiène. En Asie, McKinsey a déjà noté la mise en place de nouvelles habitudes : contrôles de température à l’entrée des magasins, mise à disposition de gel hydroalcoolique sur les points de vente ou dans les transports en commun, généralisation du « sans contact » aussi bien pour le paiement que pour la livraison, développement des services d’assistance ou de maintenance à distance, extension des approches de « click & collect » et adoption du «drive» en dehors de la sphère de la grande distribution alimentaire. « Le niveau d’exigence va être assez élevé et il faudra être au rendez-vous », avertissent les experts.

Pricing tactique

« Les analyses montrent qu’une très large part de la perte de PIB hebdomadaire est imputable aux contraintes pesant sur la demande ; il est essentiel, dans ce contexte, de la stimuler. Il faut le faire de la façon la plus ciblée possible, pour ne pas ajouter une érosion des prix et des marges à une demande et des volumes plus faibles », explique Homayoun Hatami. Aux entreprises de réfléchir à un nouveau mix marketing et de pratiquer une politique de prix tactique.

Certaines entreprises ont d’ores et déjà décidé de ne pas remettre sur le marché l’ensemble de leurs produits et de ne plus vendre les produits de spécialité qui se vendent moins bien. Lorsqu’il s’agit d’être en contact direct avec le consommateur final (B2C), tout l’enjeu est de mettre en avant des services destinés à réengager le client plutôt que de baisser les prix. Dans le circuit entre professionnels ou B2B, la gageure est de ne pas se laisser prendre entre un nombre croissant d’entreprises clientes négociant des termes de paiement et des tarifs différents, et des fournisseurs qui veulent sécuriser leurs ventes et leur cash. « Il faut que les entreprises soient claires sur les poches de redémarrage structurellement rentables, explique Homayoun Hatami. Il ne s’agit pas de pratiquer une nouvelle segmentation mais de se situer dans un schéma au sein duquel il est plus naturel de redémarrer avec les clients les plus importants et structurellement plus profitables ».

Les marques ont pris des dispositions pour être au plus proche de leurs clients
, pendant la phase de confinement, et
les consommateurs se souviendront de leur comportement en période de déconfinement.
 Charge aux marques de respecter les règles habituelles et de ne pas augmenter leurs marges. Il s’agira d’avoir les bons gestes commerciaux, là où le retour sur investissement sera le plus élevé.

Elever le niveau d’ambition digitale

Autres arbitrages en perspective : le digital. Des entreprises ont vu leurs ventes d’e-commerce décupler sur certains week-ends de la période confinement. Avec l’omnicanal, il va falloir continuer à engager les clients, et ne pas juste se concentrer sur la transaction. La démarche nécessitera des investissements pour être en phase avec les écosystèmes numérisés. A cette demande d’investissements externes s’ajouteront des besoins internes, de type cybersécurité. « Il faudra repenser le portefeuille de projets et les dépenses, pour bien répondre à cet objectif qui est double : continuer à gérer les coûts, voire à les baisser
dans certains domaines, tout en investissant davantage pour mieux capter la demande arrivant sur les canaux digitaux ».
Le monde de demain ne sera-t-il pas tout digital
?

8 axes pour sécuriser le retour à l’activité

1. Dresser une cartographie précise du redémarrage //2. Apporter les garanties de sécurité aux clients pour rétablir la confiance //3. Préserver la santé des collaborateurs, tout en ravivant leur engagement //4. Revitaliser la demande de manière ciblée //5. Orchestrer la réinitialisation des opérations et de la supply chain //
7. Piloter étroitement le redémarrage //6. Mettre en place les sous-jacents technologiques du retour à l’activité //8. Identifier les sources de création de valeur nées de la gestion de crise à pérenniser et réinvestir dans la relance //Source: McKinsey

Thierry Le Hénaff : « Montrer qu'il y a de la lumière au bout du tunnel », Organisation des entreprises

Thierry Le Hénaff : « Montrer qu'il y a de la lumière au bout du tunnel », Organisation des entreprises

Quelles décisions importantes avez-vous été amené à prendre au cours des dernières semaines ?

La première a été de ne pas avoir recours au chômage partiel. C’est un choix qui ne coulait pas de source car même si la chimie est diversifiée en termes de marchés finaux, la demande est impactée. Nous avons cependant décidé de ne pas y recourir : nous étions, autant que possible, sur une ligne de « continuité du travail » et avons considéré que d’autres entreprises en avaient davantage besoin. Il n’aurait pas été logique d’appeler les équipes à la continuité du travail et, en même temps, de faire appel au chômage partiel sur certains sites. C’est une question de cohérence d’ensemble, et c’est en cela qu’il s’agissait d’une décision importante, qui s’est imposée au regard de nos principes et de notre culture. Une autre mesure, plus opérationnelle, consistant à réunir, à distance, le comité exécutif, chaque matin de 10 à 11 heures, pour coller au terrain, s’est avérée particulièrement utile compte tenu du caractère très évolutif de la situation.

Pourquoi avoir maintenu vos journées Investisseurs en plein confinement ?

Maintenir cet événement sous une forme digitale, en  webcast, est un autre de ces choix majeurs de la période.  Cette rencontre avec les investisseurs était prévue de longue date. L’ordre du jour, l’horizon 2024, pouvait sembler décalé étant donnés la conjoncture et le contexte. Nous avons hésité, mais notre attitude était la bonne : nous avons pu constater qu’en dépit de la gravité de la crise, nombreux sont ceux qui s’intéressaient au long terme et à des sujets plus positifs. En interne, ensuite, le fait de donner un cadre, quand le monde est plein d’incertitudes, a apporté une forme de sérénité.

Et comment avez-vous mobilisé les équipes ?

La distance physique distend le lien social et la communication devient fondamentale. Je note d’ailleurs que la réceptivité des collaborateurs est forte, avec une grande écoute et une envie de se raccrocher à des choses tangibles, des valeurs. Celles du groupe – la responsabilisation et la solidarité – ont fait leurs preuves. Penser à long terme et montrer qu’à un moment donné il y a de la lumière au bout du tunnel font aussi partie de mon rôle. Je dois, avec les dirigeants du groupe, apporter des réponses à chacun, être plus présent pour ceux qui se sentent démunis dans cette conjoncture et face au mode de travail qu’elle impose.

La crise sanitaire mettrait-elle en lumière de nouvelles qualités pour diriger ?

Ces dernières années, le management a beaucoup évolué avec la transformation digitale. La responsabilisation et la décentralisation ont primé. La modernité issue de cette digitalisation va se perpétuer mais le dirigeant de demain sera plus équilibré et fera vivre des valeurs peut-être plus traditionnelles, que l’on croyait en tout cas appartenir au vieux monde. J’ai ainsi aujourd’hui le sentiment que l’on est en train de revenir aux vertus de l’échange et de l’humain. On attend par ailleurs plus que jamais d’un dirigeant qu’il soit en mesure de donner un cap et de répondre aux questions qui se posent.  Les dirigeants d’entreprise tireront aussi les enseignements de cette crise qui révèle la vraie contribution des tâches au fonctionnement de l’organisation.

L’épisode du confinement peut-il fragiliser le collectif dans les entreprises ?

Chez Arkema, tout le monde a joué le jeu sans arrière-pensée. Nous avons veillé à ne pas opposer les uns aux autres. Chacun a un rôle différent, celui des opérateurs est primordial et il y a eu un élan pour continuer à fabriquer. Il a fallu rassurer sur les conditions sanitaires – c’est le rôle de la direction de mettre une telle organisation à disposition. II y aura des temps différents dans cette crise : confinement, déconfinement, reprise. Les volumes ne seront pas nécessairement ceux d’avant la crise, et chacun, encore, aura son rôle. Arkema, qui a été introduit en Bourse il y a une quinzaine d’années, est passé par des périodes diverses, et, à chacune d’entre elles, différents types de métiers se sont retrouvés en première ligne. L’entreprise a besoin de tout le monde. La vraie question est de savoir comment chacun peut au mieux contribuer.

Fabrication de gel hydroalcoolique, dons d’une partie de la rémunération des dirigeants, le groupe a voulu contribuer à « l’effort de guerre ». Comment avez-vous pris ces décisions ?

Assez vite et sans pression, étant donné que nous n’avions pas pris l’option chômage partiel. La fabrication de gel hydroalcoolique est venue presque anecdotiquement : un docteur en chimie membre de nos équipes en avait réalisé lors de son service militaire ; il m’a envoyé un e-mail en attirant mon attention sur le fait que l’eau oxygénée entrait dans la formule – c’est l’un des produits d’Arkema – et que ce ne serait pas idiot d’en préparer. Vous voyez que tout le monde se parle dans l’entreprise… J’ai transféré cet e-mail à trois personnes, et une trentaine de collaborateurs se sont mobilisés. Deux semaines après, le centre de recherche de Pierre-Bénite lançait la production. C’était au tout début de la crise. Cette première initiative nous a donné de l’appétit pour nous tourner vers d’autres projets, sachant que plusieurs de nos matériaux entrent dans la composition de produits utiles dans la gestion de la crise – parois en Plexiglas, masques, écouvillons nasaux. Cela a donné du sens. Le don fait à la Fondation de France (il a reversé 15 % de sa rémunération nette fixe du deuxième trimestre, NDLR) pour « Tous unis contre le virus » est un geste citoyen. Il me paraissait naturel d’être en adéquation avec la situation et les membres du comité exécutif s’y sont associés spontanément. Nous sommes loin d’être le seul groupe à nous être engagés dans ce type d’initiatives. Chaque organisation l’a fait selon sa culture. Je considère, pour ma part, qu’elles sont une partie intégrante de la composante sociétale d’Arkema.

Chasse de têtes : paroles de pros, Profils

Chasse de têtes et crise sanitaire : paroles de pros, Profils

Brigitte Lemercier, fondatrice de NB Lemercier & Associés

« La crise bouleverse les qualités attendues des dirigeants d’entreprise. Ils doivent repenser leurs missions. Les sujets un peu sociétaux, ne serait-ce que la raison d’être , étaient en pousse avant la pandémie, mais il est désormais impensable de diriger une entreprise sans les avoir en tête. Etre capable de placer l’entreprise au service de toutes les parties prenantes devient encore plus impérieux. Les dernières semaines ont renforcé ces exigences.

De même, il devient évident que les dirigeants doivent être agiles ; la rigidité n’est pas compatible avec une période de crise. Ils doivent être capables de réagir à l’inattendu et de faire face à l’adversité. Les événements de la vie sont plus forts que toutes les prévisions et toutes les stratégies, et un dirigeant doit être capable de revoir sa copie en fonction des situations. Les circonstances que nous traversons en sont une démonstration absolue.

Certaines personnalités sont plus à l’aise, plus créatives, plus résilientes devant les difficultés. Ces réactions relèvent de certaines qualités personnelles. Quoi qu’il en soit, un dirigeant ne dirige pas seul, il emmène son comex, les N-1 et, par ricochet, tout le collectif.

Un CEO, c’est aujourd’hui beaucoup de talent… Il faudrait tout avoir. Cela dit, depuis une quinzaine d’années, ils sont assez vite à l’épreuve du feu, et il faut espérer que cela les transforme un peu en termes de leadership et d’ouverture. On va désormais leur demander d’être davantage dans le collectif, l’émotionnel et même le doute . Un terrain formidable pour les femmes réputées dotées de telles qualités. Il y en a en réserve. Si elles le veulent vraiment, les entreprises en trouveront. »

Diane Segalen, fondatrice du cabinet Segalen + Associés

« La crise actuelle impose aux dirigeants de communiquer souvent et différemment. Pour rassurer les collaborateurs, ils doivent adopter un discours de transparence et apporter des réponses à des sujets sur lesquels ils n’ont pas nécessairement été formés. Cela leur impose une certaine humilité, à laquelle ils ne sont pas toujours habitués, pour dire ce qu’ils savent, mais aussi ce qu’ils ignorent.

Dans leur management, avec le déconfinement progressif qui s’annonce, les patrons vont devoir composer avec des façons de travailler différentes, comme le travail à distance, et repenser certains modes de fonctionnement de leur entreprise. Ils devront aussi ne pas oublier que la fracture sociale s’est encore plus fait sentir durant la période, et en tirer des conclusions sur les façons de reprendre le travail de chacun.

Je crois qu’ à l’avenir, le leadership sera, par conséquent, davantage axé sur les valeurs . Cette crise a prouvé que ceux qui sont restés fidèles à leurs valeurs ont pu mieux expliquer les changements et les incertitudes, qui vont devenir la norme de demain. Nous nous orientons donc vers des profils de dirigeants moins techniciens, mais capables de réflexion autonome, plus humanistes, avec, peut-être, une formation en sciences sociales ou en histoire, et surtout avec des savoir-être qui supplanteront les savoir-faire. »

« Dans dix ans, la façon de diriger n'aura plus rien à voir avec celle d'aujourd'hui », Gérer et Motiver son équipe

« Dans dix ans, la façon de diriger n'aura plus rien à voir avec celle d'aujourd'hui », Gérer et Motiver son équipe

L’actuelle crise sanitaire aura-t-elle un impact durable en matière de management ?

L’épisode du confinement, quoique contraint et douloureux, a permis 
la plus grande expérience mondiale de travail à distance de tous les temps
. Les entreprises qui qualifiaient les réseaux sociaux d’entreprise et autres t’chats, vidéoconférences et outils SaaS au pire de gadgets et au mieux de plateformes du futur, ont finalement trouvé le temps, dans l’urgence, de s’y mettre. Celles qui qualifiaient le télétravail de néfaste ou le pensaient impossible ont compris ses potentialités – productivité, gain de temps -, mais aussi ses limites dans la durée, comme l’éloignement social. Dans un cas comme dans l’autre, ces nouvelles aptitudes sont les signaux du futur du management, plus collaboratif, transparent, responsabilisant et engageant.

La direction d’entreprise et le management de demain vont-ils fondamentalement changer ?

En 2030, les personnes qui regarderont la façon dont nous manageons aujourd’hui nous prendront pour des hommes de Cro-Magnon du management. La manière de manager n’aura alors plus rien à voir avec celle que nous pratiquons. Nous le voyons déjà dans toutes les organisations qui préfigurent 
l’entreprise nouvelle génération
comme la banque russe Tochka, l’assurance brésilienne Youse, la fédération de psychiatres et de psychologues néerlandaise Mentaal Beter, la plateforme Holaspirit, le cabinet français Octo Technology ou encore, à l’échelle de projets, dans 
les groupes Michelin
et Decathlon. L’écart entre ces entreprises et les entreprises traditionnelles se creuse en ce moment même à vitesse grand V, et cette dynamique va connaître une accélération impressionnante dans les années à venir.

Qu’est-ce qui va radicalement changer ?

Le lien de subordination entre personnes nous semblera archaïque. Aujourd’hui, le management se fonde sur une relation de pouvoir, liée à la possession de l’information. Or Internet sape ce pouvoir à la base en rendant l’information accessible à tous. La relation de subordination va donc céder sa place à une hiérarchie plus plate, avec des équipes qui travailleront ensemble car elles auront des redevabilités entre elles. Le manager trouvera sa plus-value dans sa capacité à donner à chaque membre de son équipe la possibilité de s’exprimer non pas à 30 ou 40 % de ses capacités, comme c’est le cas actuellement, mais à 70 ou 80 %, 
afin de doper l’initiative et l’innovation
.

Pour rendre un maximum de personnes responsables de leur périmètre d’action et leur permettre de réaliser la plupart de leurs tâches en autonomie, la gouvernance devra être adaptée et une agilité systémique mise en place à l’échelle de toute l’entreprise. Plutôt que de se lancer dans des réorganisations obsolètes dès leur adoption, les sociétés s’adapteront en permanence avec des équipes plus humaines et plus petites, 
dans la lignée de la méthodologie Scrum
. L’entreprise en 2030 fonctionnera alors selon trois principes : la décentralisation de l’autorité, la transparence et la confiance ainsi que la responsabilisation des équipes. Ce n’est plus la relation de pouvoir, mais 
la raison d’être qui guidera et motivera le collectif
, cette volonté d’avoir un impact positif au-delà du résultat net.

Ce modèle est-il vraiment adaptable à toutes les entreprises ? Les managers ne vont-ils pas freiner des quatre fers ?

Ils n’auront pas le choix ! Les organisations qui ne s’adapteront pas disparaîtront violemment à cause d’un manque d’agilité et d’attractivité aux yeux des salariés, des clients et des parties prenantes. D’ailleurs, l’entreprise de 2030 ne sera plus circonscrite à ses seuls salariés, réduits dans certains cas à la portion congrue. Elle fera appel à des talents extérieurs pour répondre à ses besoins. Dans ce contexte, l’organisation sera, avant tout, identifiable à sa raison d’être, 
qui deviendra l’un des seuls éléments pérennes dans le temps
. En fonction de celle-ci, elle définira un cadre contractuel avec ses parties prenantes pour la réalisation de telle ou telle mission, encouragée par les actes d’achat des consommateurs.

Pour aller plus loin, on peut même imaginer une évolution assez forte en matière capitalistique. Afin de doper l’engagement de toutes leurs forces vives, certaines entreprises pourraient commencer à adopter une forme intermédiaire, à mi-chemin entre la coopérative et la société anonyme classique. Cela favoriserait la construction d’un projet dans la durée, profitable à toutes les parties prenantes, des actionnaires aux salariés, en passant par les clients promoteurs, les représentants ou encore les fournisseurs. Sans une conversion vers ces formes moins spéculatives, avec un impact positif sur l’environnement et un partage du capital qui motivera beaucoup de personnes et redonnera du sens à leur travail, les grands groupes s’exposent à une mise au ban progressive.