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cinq stratégies de patrons de PME face au remboursement, Gestion-trésorerie

cinq stratégies de patrons de PME face au remboursement, Gestion-trésorerie

L’heure a sonné de décider du remboursement (ou non) de cette « bulle d’air » qu’a constituée, pour beaucoup de dirigeants, le prêt garanti par l’Etat (PGE) face à la crise. Les premières entreprises à avoir signé au début du confinement de mars ce type de contrat reçoivent depuis quelques jours une lettre de leur banquier leur rappelant que l’échéance de la première année approche.

Parfois pris par sécurité sans y toucher ou utilisé pour faire face aux charges fixes écrasantes et à l’absence de revenus, le choix de le rembourser un an après sa souscription ou de profiter de l’année de report annoncé par Bercy doit se prendre maintenant. Un choix parfois difficile face à une situation sanitaire qui ne s’améliore pas.

· Sofama (maroquinerie) va rembourser en mars « pour éviter le surendettement »

A l’annonce du premier confinement, Vincent Rabérin, Pdg ​de Sofama, a arrêté ses trois ateliers de maroquinerie et renvoyé chez eux 850 salariés dans l’Allier, la Loire et la Haute-Loire. Sans savoir pour combien de temps, avec toutes les craintes suscitées par ce virus inconnu. « J’ai écrit trois scénarios, raconte-t-il, pour un mois de non-activité, trois mois, et jusqu’à fin septembre, et les besoins de trésorerie correspondants. Combien je perdais et de combien j’avais besoin ». S’arrêtant sur la solution médiane, le fournisseur des plus grandes marques de luxe a sollicité trois PGE auprès de ses différentes banques (pour un total de 5 millions d’euros), pour réunir environ 8 % de son chiffre d’affaires et couvrir ainsi la non-activité. « Chacune m’aurait volontiers prêté la totalité, mais j’ai coupé la poire en trois pour ne contrarier personne », confie-t-il, non sans quelques arrière-pensées sur ses investissements futurs. « La confiance financière passe par de bonnes relations. »

Mais la reprise est intervenue plus vite que prévu : « Mon plan à trois mois était trop pessimiste, aujourd’hui, je suis même à 120 % ». Vincent Rabérin, qui n’a pratiquement pas touché à son matelas de secours, va donc rembourser intégralement ses PGE dès le mois de mars. « Je ne veux pas surendetter l’entreprise et mettre en péril des projets futurs à cause d’annualités de 350.000 euros. Je ne veux pas que, demain, mon banquier soit frileux à cause d’emprunts dont je n’ai plus besoin. Dans l’histoire de Sofama, cet épisode ne pèsera pas longtemps sur les comptes ». ​Avec les taux d’intérêt, cela lui aura coûté « peut-être une dizaine de milliers d’euros, car, dans la banque, le taux zéro n’existe jamais, glisse-t-il, mais quel confort. Quel que soit le coût marginal, ça m’a permis de dormir dans cette période. »

· Pour le camping La Roubine, « un matelas de sécurité à conserver vu le manque de visibilité »

Le camping 5 étoiles La Roubine, à Vallon-Pont-d’Arc, en Ardèche.

Comme si de rien n’était, Stéphane Martin sillonne les allées de son camping La Roubine pour « tout mettre en ordre » en attendant les touristes, au plus tôt en avril, date à laquelle il ouvre chaque année. « Il faut continuer l’entretien pour être prêt, même si nous n’avons aucune visibilité sur la date à laquelle nous pourrons rouvrir », explique-t-il. C’est justement pour assurer tous les travaux d’hiver que le gérant de ce camping 5 étoiles de 135 emplacements, situé à Vallon Pont d’Arc, en Ardèche, a mobilisé, dès le printemps dernier, deux PGE. « Un dans chacune de nos banques », précise-t-il. Soit, au total, 300.000 euros, auxquels il n’a pas touché pour l’instant.

« Cet argent m’a permis d’être un peu tranquille quand nous n’avions aucune certitude sur notre avenir. C’est un matelas de sécurité que je vais garder. Je rembourserai à partir de mars 2022 », affirme-t-il. En marge du PGE, il a également fait appel, dès le printemps dernier, au dispositif de chômage partiel pour ses 5 salariés permanents qui poursuivent leurs tâches seulement à mi-temps. « Nous avons travaillé normalement entre le 10 juillet et la fin août, mais sur l’ensemble de l’année 2020, nous perdons 30 % de nuitées », calcule Stéphane Moulin. Rompu à jongler avec une trésorerie qui « fait du yoyo », puisque le camping La Roubine n’est ouvert que 6 mois par an, Stéphane Moulin s’attend à une année 2021 pas plus favorable que la précédente au regard des réservations. D’ordinaire, elles commencent à arriver dès novembre, mais là, elles sont inexistantes « à part quelques habitués ». De quoi finir de le convaincre qu’il fait le bon choix en conservant ses PGE.

· XTreeE (impression 3D) : « En pleine reprise, rembourser maintenant nous aurait coupé les ailes. »

XTreeE réalise des ouvrages en impression 3D.

XtreeE, jeune entreprise francilienne fondée en 2015, et spécialisée dans l’impression 3D à grande échelle, est catégorique : « Nous ne rembourserons qu’à partir de mars 2022, comme Bercy l’a autorisé, c’est une bulle d’air dont nous allons profiter sans hésiter », confie Alban Mallet, son président.

Quand elle a sollicité le prêt auprès de deux banques en mars 2020, pour un montant de 600.000 euros, il n’y avait pas le choix, « c’était une question de survie ». Car, entre mars et septembre 2020, l’activité s’est arrêtée, dépendante des contrats de BTP. Et XtreeE a été confrontée à un report des opérations sur trois à six mois, même lorsque les chantiers ont repris. Mais comme beaucoup d’autres, l’entreprise voit son activité repartir depuis quelques mois. Un remboursement des mensualités viendrait douloureusement plomber ce rebond. « Nous avons repris des commandes, nous avons des frais pour acheter des matières, du matériel, faire travailler des salariés, et nous ne serons payés par nos clients que dans trois à quatre mois » détaille Alban Mallet. « Rembourser maintenant nous aurait coupé les ailes. »

Le PGE a été utilisé à ce jour aux deux tiers pour payer les charges fixes et certains salaires, l’entreprise ayant très peu eu recours au chômage partiel pour ses 13 salariés (uniquement pour deux personnes en avril et mai). Les loyers ont été reportés, ainsi que les crédits baux. « Grâce au PGE, nous avons pu continuer de financer nos projets de R & D », souligne aussi le dirigeant. La société, qui construit à l’aide de la 3D des pylônes télécoms pour la 5G, des maisons individuelles, ou du mobilier urbain, a pu aussi rassurer des investisseurs. Elle vient de finaliser une levée de fonds de 2 millions d’euros auprès de Lafarge Holcim, et d’anciens actionnaires (Vinci Construction et des investisseurs privés), qui l’appuiera notamment pour continuer à développer l’international. Elle a réalisé 700.000 euros de chiffre d’affaires en 2020, contre 1 million d’euros l’année précédente.

· Birdies (évènementiel) le remboursera en juin « sans y avoir touché »

Birdies propose un service d’hôtes et hôtesses d’accueil.

Le premier confinement a été un coup de massue pour Birdies, prestataire de services d’accueil. « Beaucoup de mes contrats ont été suspendus et j’ai perdu une grosse partie de mon chiffre d’affaires entre le 16 mars et la mi-mai », se souvient Karine Le Bossé, à la tête de l’entreprise depuis 2010.

Installée à Caen, mais présente aussi à Rennes (Ille-et-Vilaine) et à Boulogne-Billancourt (Ile-de-France), la société propose des hôtesses et des hôtes d’accueil pour 70 % de son chiffre d’affaires, 30 % se situant dans l’événementiel lors de congrès ou de Salons. Lorsque la crise sanitaire survient, Birdies (110 salariés et un chiffre d’affaires de 2,3 millions d’euros en 2019) enregistre même une croissance à deux chiffres. La société utilise d’abord le chômage partiel, mais ne sollicite pas le prêt garanti par l’Etat tout de suite. « La situation était saine. Je ne l’ai pas souscrit qu’en juin 2020, incitée par mes conseils dans un contexte de manque de visibilité », relate la dirigeante.

Obtenu auprès de sa banque « sans difficulté » pour un montant de 200.000 euros, le PGE reste intact huit mois plus tard. « C’est un confort d’en disposer dans un contexte morose et incertain, mais c’est aussi un mirage, car ça reste une dette. Je n’envisage pas de l’utiliser », confie Karine Le Bossé. Cette dernière préfère redimensionner ses charges fixes, accélérer sa digitalisation et ses démarches commerciales. « J’ai même gagné de nouvelles parts de marché », glisse-t-elle. L’heure de la décision de le rembourser approche. « Certainement en juin, mais je n’ai pas encore tranché. Sa présence libère l’esprit pour développer sa stratégie et manager ses équipes. Il rend mon quotidien plus léger, malgré le brouillard qui persiste », souligne la chef d’entreprise.

· Enjoy Events (Salons professionnels) utilise le PGE « pour survivre » et compte le garder le plus longtemps possible

Enjoy Events réalise des stands pour les Salons professionnels.

Alexandre Bunzli, gérant de Groupe Enjoy Events, est bien décidé, il demandera le report d’un an pour rembourser son PGE. Son entreprise basée à Ingersheim (Haut-Rhin) réalise d’ordinaire les deux tiers de son activité dans la création de stands haut de gamme pour les Salons internationaux. Le reste relève du domaine des sons, lumières et vidéo. Il a « souscrit le PGE à 100 % de ce qui était possible », soit 468.000 euros, frappé de plein fouet par la réduction de son activité. Mais l’obtenir n’a pas été une mince affaire. Le code APE dont l’entreprise disposait au printemps 2020, relatif à l’agencement de lieux de vente, n’y était pas éligible. Il a fallu renouer avec le code activités de soutien au spectacle pour débloquer les fonds. « Nous avons commencé à piocher dedans pour survivre, alors que son but est normalement de nous aider à relancer l’activité… Nous sommes en train de nous surendetter », déplore le gérant. Ses autres prêts bancaires ont été gelés.

Il pense pouvoir tenir encore un an grâce au dispositif. Son activité, très dépendante des événements de plus de 5.000 personnes, a enregistré une perte de 90 % de son chiffre d’affaires (1,2 million d’euros en 2019) au début du Covid. Depuis, la situation ne s’est guère améliorée. La digitalisation de l’activité sons et lumières limite aujourd’hui les pertes à 80 %. De quoi remobiliser des salariés et développer de nouvelles compétences, mais pas combler le déficit. La société sort 36.000 euros chaque mois pour payer loyer, leasing ou encore amortissement de matériel. Le fonds de solidarité s’élevant à 10.000 euros mensuels. Le dirigeant souligne aussi le cas des salariés qui partent faute de visibilité sur l’avenir de l’entreprise. Trois, sur un effectif de treize personnes, ont fait ce choix. Soit, pour Alexandre Bunzli, « dix ans de recrutement et de formation qui partent à la poubelle ».

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