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Intelligence artificielle et direction financière : une adoption à pas comptés, Parcours

Intelligence artificielle et direction financière : une adoption à pas comptés, Parcours

Avant même la crise liée à l’épidémie de Covid-19, les dirigeants de sociétés commençaient à réaliser, un peu partout dans le monde, qu’ils ne pourraient pas développer l’intelligence artificielle (IA) 
au rythme qu’ils prédisaient il y a encore quelques mois
. Selon une enquête conduite par PwC, seuls 4 % des 1.062 dirigeants interrogés prévoyaient pour 2020 un déploiement global de l’IA au sein de leurs entreprises, le reste envisageant une approche plus limitée ou plus ralentie. La proportion était cinq fois plus élevée (20 %) en 2019.

Comment expliquer cette tendance contraire à toutes les hypothèses, intuitions et scenarii, alors même que PwC, dans la même étude, estime que l’IA devrait générer quelque 16.000 milliards de dollars de valeur additionnelle d’ici 2030 ? La première raison, et sans aucun doute la plus vraisemblable, d’après l’article publié, le 6 décembre dernier, par CFO Weekly Briefings (« 5 Priorities for Moving Ahead with Artificial Intelligence in 2020 »), est que bon nombre d’entreprises réalisent aujourd’hui 
qu’elles n’ont pas suffisamment travaillé
à traiter, classer et préparer les données dont l’IA se nourrit pour pouvoir fonctionner efficacement et améliorer significativement le processus de prise de décisions.

Projet d’entreprise

L’insuffisante formation des personnels explique également la relative baisse d’enthousiasme et le net ralentissement du passage à l’IA. Pouvoir déceler quels types de problèmes l’IA peut résoudre est absolument crucial et « aider les personnels sans technicité à adopter des solutions techniques et les employés à haute technicité à aboutir à des solutions business » devrait, selon les auteurs du rapport de PwC, s’imposer comme un impératif majeur. La sous-évaluation des défis réels posés par l’IA – biais au niveau des algorithmes ou des outils de reconnaissance faciale, développement potentiel de l’hypertrucage, « deepfake » des Anglo-Saxons, etc. – et la nécessité d’une mise en place d’une gestion des risques rigoureuse et spécifique à l’IA constituent, à n’en pas douter, des freins supplémentaires à sa généralisation rapide.

Enfin, et ce n’est pas là la moindre inquiétude, l’impact sur l’emploi demeure la grande inconnue. L’argument selon lequel 
l’IA ne va pas supprimer de postes
et que, bien au contraire, elle va les enrichir en permettant aux cadres et employés de libérer du temps pour se consacrer à des tâches plus stratégiques et plus créatrices de valeur, est sérieusement remis en question. Lee Coulter, le PDG de Transform AI et expert des problèmes de robotisation et d’intelligence artificielle, a été très net lors d’une conférence sponsorisée par la revue « CFO » à New York en novembre dernier en affirmant que « 70 % de ce que fait le département financier aujourd’hui peut-être automatisé et nombreux sont les emplois appelés à disparaître ».

Le recyclage (« retraining ») va devenir le thème central et l’urgence absolue. Nombre de sociétés ont déjà annoncé 
des plans de formation
de plusieurs milliards de dollars pour les trois ou quatre prochaines années, comme le souligne David McCann, dans un article de « CFO Weekly Briefings » de novembre dernier « Will Automation Cause Finance Job Losses After All ? ». Est-il besoin de le rappeler : l’intelligence artificielle n’est pas un simple projet informatique et technique, c’est un projet d’entreprise et, surtout et avant tout, un projet de société.

Marc Bertonèche est professeur des Universités et enseignant à Oxford, à HEC et au Collège des Ingénieurs.

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