Menu

LDH contre Uber : stratégie contentieuse et réglementaire en matière de collecte de données, Jurisprudence

LDH contre Uber : stratégie contentieuse et réglementaire en matière de collecte de données, Jurisprudence

Le 4 mars 2020, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Uber, confirmant de ce fait l’arrêt d’appel qui avait requalifié en contrat de travail le contrat conclu entre un chauffeur, sous le statut d’indépendant, et la plateforme de VTC. C’est dans ce contexte particulier que semble s’inscrire la réclamation introduite par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) auprès de la CNIL, le 12 juin dernier. Plusieurs chauffeurs entendent suivre cette voie afin de voir leurs relations de travail requalifiées en contrats de travail, et s’attachent pour ce faire, à démontrer l’existence d’un lien de subordination entre eux et Uber afin de remettre en question leur statut d’indépendant.

Géolocalisation et lien de subordination

Dans l’
arrêt très commenté de la Cour de Cassation dit « Take Eat Easy »
, ce sont les données personnelles collectées par l’application sur ses livreurs qui ont permis de caractériser l’existence d’un lien de subordination, et plus précisément, la collecte de leurs données de géolocalisation, permettant le calcul des kilomètres parcourus par ces derniers et l’application d’un système de bonus/malus selon les retards de livraison constatés.

C’est ce qui a poussé de nombreux chauffeurs de la plateforme de VTC à exercer leur droit d’accès afin d’obtenir communication de leurs données personnelles. Ce droit d’accès découle de l’article 15 du
règlement général de protection des données personnelles
(RGPD) et a pour objet de permettre à toute personne de demander à un responsable du traitement de lui fournir un accès à ses données ainsi qu’un certain nombre d’informations au titre desquelles les finalités du traitement, les catégories de données traitées et leur durée de conservation.

Insatisfaits des réponses obtenues à la suite de l’exercice de leur droit, les chauffeurs se sont tournés vers la LDH qui a alors introduit une réclamation auprès de la CNIL. Ce ne sont donc a priori pas seulement des préoccupations relatives à la protection de leurs données qui ont justifié les démarches entreprises par les chauffeurs et la LDH, mais le besoin de se constituer des preuves dans le cadre de contentieux de nature sociale, notamment en sollicitant l’intervention de la CNIL.

Le RGPD, outil du droit social

Devant les attaques répétées dont le business model des plateformes numériques fait l’objet, il apparaît indispensable pour ces dernières d’établir une stratégie en matière de collecte et de
conservation de données personnelles
qui ne s’attache plus seulement à des considérations de conformité réglementaire, mais soit pensée plus largement afin de tenir compte de l’utilisation du droit d’accès et des recours possibles devant la CNIL en tant que nouvelles armes du contentieux social.

Enfin, il convient de souligner que les démarches entreprises par les chauffeurs de VTC et la LDH s’inscrivent en dehors de la finalité première du RGPD, à savoir la protection des personnes physiques à l’égard du traitement de leurs données personnelles. Or, un tel détournement ne nous semble pas souhaitable, le RGPD n’ayant nullement vocation à servir d’arme au service de contentieux purement privés.

Par Mathilde Gérot, avocate du cabinet Signature Litigation.

Related Posts

LEAVE A COMMENT

Make sure you enter the(*) required information where indicated. HTML code is not allowed

CAPTCHA ImageChange Image