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l’industrie française confrontée aux craintes des banquiers, Gestion-trésorerie

l'industrie française confrontée aux craintes des banquiers, Gestion-trésorerie

« Tous les retards pris dans l’application de la loi de programmation militaire, tant en commandes qu’en livraisons, seront rattrapés en 2021 », a promis vendredi le délégué général pour l’armement, Joël Barre, lors d’une conférence de presse. Et de rappeler que la Direction générale pour l’armement (DGA), premier investisseur de l’Etat, est au premier rang de l’effort de relance du gouvernement.

La loi de programmation militaire a en effet permis d’inscrire dans le budget 2021 un montant record de 13,6 milliards d’euros de dépenses d’équipements pour les Armées. En outre, la DGA assure une surveillance attentive de la « base industrielle et technologique de défense », un ensemble de 9 grands groupes industriels et de 4.000 PME et ETI qui fournissent directement ou indirectement l’armée française et représente quelque 200.000 emplois.

Depuis cet été, quelque 1.000 entreprises ont ainsi été visitées afin d’évaluer les dégâts de la crise liée à la pandémie de Covid-19. La DGA en a aidé 10 %, soit en accélérant des paiements ou des commandes, soit en essayant de leur faciliter l’accès à des prêts. Conformément au plan de soutien aéronautique, elle a aussi finalisé 600 millions d’euros de commandes supplémentaires, et multiplie les fonds de financement pour aider les entreprises de défense.

Les banques freinent le plan de relance

Paradoxalement pour l’industrie française de défense (200.000 emplois), quand les pouvoirs publics appellent à la mobilisation, les banques se mettent aux abonnés absents. La semaine dernière, le Groupement des industries de défense terrestres (Gicat) a lancé un pavé dans la mare, avec un rapport listant un à un les exemples de réticence croissante des banques à financer le secteur de la défense. Un secteur considéré à risque sous la pression des ONG qui le juge comme non éthique, et sous l’inflation des règles de « compliance » plus ou moins bien comprises.

« Les entreprises de l’armement se heurtent à une frilosité bancaire », a reconnu Joël Barre, qui s’interroge sur la confusion entre compliance et éthique. « La ‘compliance’ s’applique à tous, l’éthique est un concept discutable », a-t-il rappelé, en soulignant les caractéristiques du marché de la défense, dominé par des clients publics pour des contrats de long terme, qui en font un secteur différent des autres.

Dans sa note le Gicat souligne que le refus des banques françaises à financer le développement et l’exportation des entreprises de défense et de sécurité devient « préoccupant ». Et de citer des exemples de refus de financement d’entreprises soutenues par la BPI ou par l’Armée française… L’association du Gicat elle-même s’est vue refuser une simple ouverture de compte « par une grande banque nationale au titre que nous sommes un groupement dans la Défense ».

L’Assemblée et le Sénat s’emparent du sujet

La contradiction entre la frilosité bancaire française et le soutien gouvernemental est devenue telle, que la Commission de la défense de l’Assemblée nationale vient de décider de monter une mission sur le sujet, tandis que Christian Cambon, président de la Commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, déclare que « l’attitude des banques, nouvelle et inquiétante, au nom d’une conception toujours plus extensive de l’analyse des risques, est profondément choquante ».

La Fédération bancaire française (FBF) a déclaré « ne pas avoir connaissance du sujet », en renvoyant le sujet aux banques. « La position des banques françaises n’est en rien plus stricte que celle de leurs homologues européennes », réagit Stéphane Audrand, conseiller de certains des plus grands établissements bancaires sur leur politique de maîtrise des risques dans l’armement et le nucléaire. Voire elle serait plus ouverte au secteur en France qu’ailleurs, à l’instar du Royaume-Uni où de nombreux établissements britanniques se sont retirés du financement de l’industrie de la défense.

Dans les banques, on rappelle la contrainte de plus en plus prégnante de réglementations en cascades : des accords internationaux sur le commerce des armes aux exigences de conformité de la loi Sapin II, aux règles de RSE et à la loi française sur le devoir de vigilance. Avec toujours latente, la menace des sanctions américaines dès qu’une transaction est effectuée en dollars.

Clarifications nécessaires

« Certaines PME du secteur de la Défense qui veulent exporter manquent parfois de maturité par rapport aux sujets de conformité. Or les banques n’ont pas le choix, cela ne sert à rien de les attaquer frontalement », indique Stéphane Audrand, en réaction au rapport du Gicat. Selon lui, c’est au secteur de la défense de s’organiser et de se réformer car « les exigences de ‘compliance’ ne baisseront pas ». Et d’expliquer que pour les banques internationales, un avis favorable de la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) placée sous l’autorité du premier ministre est un passeport nécessaire mais pas suffisant.

« Quand bien même le gouvernement français donne son aval à une vente dans un pays, les établissements de crédit doivent prendre en compte les positions des gouvernements de l’ensemble des pays où ils exercent », précise Stéphane Audrand. Si, par exemple, l’Allemagne boycotte l’Arabie saoudite et pas la France, la banque ne financera pas les yeux fermés une exportation française. Banques et industries de défense ont donc besoin de clarifications.

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