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Vous êtes peut-être plus original que vous ne le pensez, Innovation produit

Vous êtes peut-être plus original que vous ne le pensez, Innovation produit

Si, comme tout startupper ou auto-entrepreneur, vous avez déjà cherché « la » bonne idée tout seul, vous savez qu’il s’agit d’un processus répété de production, puis de sélection, des idées. Vous finissez par réduire l’éventail des possibilités à une seule idée ou un tout petit peu plus, puis vous les présentez à votre équipe, à votre client ou à un investisseur potentiel. Et si vous vous étiez compliqué la vie ?

Dans un nouvel article, mes coauteurs et moi-même avons cherché à déterminer dans quelle mesure nous sommes capables d’évaluer avec précision l’originalité de nos idées. Nous savions déjà que les individus ont tendance à se surestimer et à faire preuve d’un excès de confiance lorsqu’ils évaluent la qualité de leurs solutions à des problèmes bien définis. Mais évaluer l’originalité est différent.

Les résultats des trois différents travaux de recherche que nous avons menés sur cette facette peu étudiée de la créativité ont été surprenants. Nous avons constaté que les individus sous-estiment systématiquement leur originalité – une caractéristique déterminante de la créativité – tout au long du processus de recherche d’idées.

Cette tendance résulte de la croyance que les autres pensent comme nous. Nos observations, dont le détail est présenté dans l’article « You may be more original than you think : Predictable biases in self-assessment of originality » apportent des éléments de réflexion précieux pour les personnes travaillant dans des secteurs créatifs et innovants. Les résultats peuvent également être utiles aux managers d’équipes, ou à ceux qui constatent soudainement aujourd’hui
qu’ils doivent faire preuve de créativité
pour survivre à la crise due au coronavirus.

Effets d’ordre

Nous avons mené trois expériences fondées sur un exercice de production d’idées qui imite ce processus dans des situations de créativité de la vie réelle. Au cours de la première expérience, nous avons montré à 61 étudiants de premier cycle dix objets courants, dont un seau, un lacet de chaussure, un bouchon en liège et une taie d’oreiller. Nous leur avons ensuite demandé d’énumérer autant d’utilisations que possible pour chacun de ces objets. Cet exercice classique nous a permis d’évaluer le nombre d’idées produites et leur originalité.

Pour chaque utilisation proposée, nous avons demandé aux participants d’estimer le pourcentage de leurs pairs qui avaient eu la même idée. Cela nous a permis de mesurer le jugement de l’originalité – c’est-à-dire le degré d’originalité estimé par les participants concernant leurs propres idées. Nous avons ensuite calculé l’originalité réelle de chaque idée en fonction de sa fréquence d’apparition dans notre échantillon, les idées les moins fréquentes étant considérées comme les plus originales. Nous avons constaté que les participants sous-estimaient systématiquement l’originalité de leurs propres idées.

Nous avons également constaté que les participants étaient sensibles à l’effet d’ordre dans une série. Ils ont jugé que les idées qu’ils avaient produites plus tard dans le processus de réflexion étaient plus originales que celles qui les avaient précédées.

Par une deuxième expérience, nous avons cherché à savoir si le fait d’accroître notre originalité améliore la justesse de nos jugements. Pour effectuer le même exercice que dans l’expérience précédente, nous avons recruté 101 participants en ligne et nous les avons répartis au hasard dans deux groupes. Nous avons dit au premier groupe que le nombre moyen de réponses données était de deux, et au second qu’il était de six. Nous avons constaté que ce second groupe a produit plus d’idées et donc obtenu un score plus élevé en ce qui concerne l’originalité. Cependant, les deux groupes ont fortement sous-estimé l’originalité de leurs propres idées, et ce dans une plus large mesure dans le groupe le plus performant.

Par une dernière expérience, nous avons voulu savoir s’il était possible de réduire ce biais. Les participants ont reçu de faux commentaires. Pendant une phase d’entraînement, nous leur avons dit que leurs réponses étaient soit très originales, soit très peu originales. Ces faux commentaires ont fortement influencé l’opinion des participants sur l’originalité de leurs idées, sans pour autant affecter l’originalité ou la quantité de leurs idées. Plus précisément, ceux à qui l’on avait dit que leurs réponses initiales étaient très originales ont supposé que leurs réponses dans le cadre de cet exercice étaient également plus originales que celles de l’autre groupe. Cela dit, même les participants à forte originalité ont sous-estimé leur originalité.

Nos recherches suggèrent donc que nous nous trompons peut-être lorsque nous estimons que nos idées ne sont pas assez originales. Il se peut que nous renoncions à des idées prometteuses et que
nous déployions des efforts inutiles pour en trouver de meilleures
.

La créativité dépend du contexte

On pourrait penser que le fait que les gens sous-estiment l’originalité de leurs idées va à l’encontre de leur tendance largement étudiée à surestimer la qualité d’une idée qu’ils ont mise au point lorsqu’ils la présentent aux autres, dans le cadre du programme d’innovation de leur entreprise par exemple. Cette confiance excessive est le résultat inévitable de l’investissement de moyens et de l’engagement personnel des individus lorsqu’ils ont choisi une idée.

En revanche, au début du processus de recherche d’idées, l’incertitude règne. La créativité dépend du contexte. Une idée peut être originale dans un domaine ou dans un marché donné, et ordinaire dans un autre. Lorsque la concurrence est peu ou pas connue, les gens ont tendance à supposer que les autres pensent comme eux, c’est ce que l’on appelle l’effet de faux consensus. Les personnes en recherche d’idées ont donc tendance à rejeter leurs premières idées, probablement à leur propre détriment.

La conscience de l’effet de faux consensus dans la créativité pourrait vous aider à reconnaître certaines pépites potentielles. Si vous êtes manager, n’oubliez pas d’inviter les membres de votre équipe à partager les idées qu’autrement, ils n’auraient peut-être jamais dévoilées. En reconnaissant leur créativité, vous pouvez réduire leur subjectivité, au moins jusqu’à un certain point.

Pour les millions de personnes actuellement en difficulté économique, le fait de savoir qu’elles sont probablement plus originales qu’elles ne le pensent pourrait être un précieux atout. Il a rarement été aussi urgent de faire preuve de créativité et, surtout, d’être conscient de son originalité.

Ella Miron-Spektor est professeure associée de psychosociologie des organisations à l’Insead.

Ce texte a été traduit de l’anglais par Gwénaële Reboux, traductrice à l’Insead – La version originale de ce texte a été publiée sur le blog Knowledge de l’Insead.

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