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Le marché des introductions en Bourse sort de sa torpeur, Introduction en bourse

Le marché des introductions en Bourse sort de sa torpeur, Introduction en bourse

C’est la plus grosse introduction en Bourse en Europe depuis 18 mois. En fin de semaine dernière, le géant du café et du thé, JD Peet’s, connu en Europe pour ses marques Pickwick et Senseo, a levé 2,25 milliards d’euros sur Euronext Amsterdam. Une opération express menée par les trois coordinateurs globaux, JP Morgan, BNP Paribas et Goldman Sachs. En trois jours seulement, contre 15 habituellement, tous les titres du numéro deux mondial du café conditionné ont été vendus dans la partie haute de la fourchette de prix, à des investisseurs en quête d’opportunités en Bourse, depuis le coup d’arrêt provoqué par le coronavirus.

Fidelity et George Soros, en cornerstone

Avant la crise, déjà, deux investisseurs piliers, le géant d’actifs Fidelity et le family office de George Soros, s’étaient engagés publiquement à prendre un ticket important dès que l’opération serait lancée. Le premier a investi 361 millions d’euros; le second 100 millions.

Avant JD Peet’s, le marché des introductions était, en Europe, en plein marasme. Seules 20 sociétés avaient fait leurs premiers pas sur les marchés, et elles avaient récolté moins de 1,5 milliard d’euros au total. Jusqu’alors, l’opération la plus importante était celle de Calisen, ce spécialiste de la télémétrie britannique (400 millions d’euros). En France, la dernière introduction en Bourse a été celle de Nacon, la filiale jeux de Bigben, le 28 février. Mais déjà, les marchés commençaient à tanguer, et la société avait dû avancer la clôture de l’opération, de peur que les investisseurs ne retirent leurs offres.

Pendant le confinement, des augmentations de capital

Pour autant, pendant le confinement, le marché des actions en Europe n’a pas été totalement fermé aux opérations.
Mais il a été rythmé par des augmentations de capital
. Selon Citi, plus de 20 milliards d’euros ont été levés sous forme d’augmentations de capital en Europe. Fin avril, l’entreprise suisse Dufry spécialisée dans les boutiques hors taxes a augmenté son capital de 140 millions d’euros pour faire face à l’effondrement du trafic aérien. Fin mai, c’est Infineon qui a émis de nouvelles actions pour 1 milliard d’euros, afin de rembourser une partie des prêts contractés pour le financement de Cypress Semiconductor. ArcelorMittal a également levé un même montant.

Un signe encourageant

La cotation de JD Peet’s est-elle de nature à relancer le marché des introductions en Bourse? « C’est un signe encourageant », explique Paul Mihailovitch, managing director chez JP Morgan. « Mais le marché n’est pas totalement ouvert. Une introduction en Bourse est une proposition risquée. L’environnement est très incertain. Le principal souci n’est plus tant la volatilité qui a beaucoup baissé, que l’absence de prévisibilité, en raison d’une crise économique majeure. Les investisseurs recherchent de grandes sociétés qui montrent une résistance à la crise, ou des entreprises qui disposent d’un fort contenu technologique et sont en forte croissance », ajoute-t-il.

En Europe, des sociétés de taille moyenne devraient faire leurs premiers sur les marchés d’ici à l’été. Les grosses opérations interviendront sans doute en fin d’année. Ce lundi, Fiat Chrysler (FCA) a annoncé son intention de scinder et d’introduire en Bourse Comau, sa filiale de robotique basée à Turin, une fois que sera bouclée sa fusion avec PSA, prévue pour le premier trimestre de l’année prochaine.

Warner Music, en ordre de bataille

Aux Etats-Unis, le géant de la musique Warner Music, qui avait, début mars, reporté son entrée à Wall Street, s’est remis en ordre de bataille pour lever rapidement plus de deux milliards de dollars. Le marché américain est plus dynamique que le marché européen. Avant Warner, d’autres opérations se sont déjà tenues ces dernières semaines. Le comparateur d’assurances SelectQuote a levé 360 millions de dollars ; le groupe chinois de cloud computing Kingsoft, 510 millions de dollars

Covid-19 : en deux mois, l'endettement des entreprises a bondi de 90 milliards d'euros, Crédits

La tendance ne surprend pas, mais les chiffres sont spectaculaires. En mars et avril, selon des données compilées par la Banque de France, les entreprises françaises – mises à l’arrêt sur cette période par les mesures de confinement – ont emprunté, et épargné des volumes impressionnants.

35,4 milliards en mars, 25 milliards en avril, quand les flux sont en moyenne de 4,5 milliards par mois ! Et la tendance ne faiblit pas. Sur la première quinzaine de mai, les entreprises ont encore obtenu 32 milliards d’euros de nouveaux crédits.

Montants astronomiques

Ces montants astronomiques correspondent essentiellement à des crédits de trésorerie : les prêts viennent en partie se substituer au chiffre d’affaires non réalisé pendant le confinement, afin de payer les salaires, ou les fournisseurs.

Outre les lignes de crédit classiques (déjà mises en place avant la crise),
les chiffres sont naturellement dopés par les prêts garantis par l’Etat (PGE)
, cette enveloppe de 300 milliards d’euros couverts par une garantie publique, que les banques distribuent à tour de bras depuis sa mise en place le 26 mars dernier.

« A ce jour près de 559.000 PGE ont été demandés pour 105 milliards, dont 85 milliards déjà accordés », pointait jeudi le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. Bien sûr, tous ne sont pas accordés, ni décaissés.

Covid-19 : en deux mois, l’endettement des entreprises a bondi de 90 milliards d’euros

Emprunter sur les marchés

Les entreprises sont également parvenues à emprunter sur les marchés pendant la période de confinement. Après un mois de mars en partie fermé, les emprunts obligataires ont repris de plus belle en avril, avec 33 milliards d’euros levés, en majorité sur des échéances supérieures à un an.

Là aussi, le flux est très anormalement élevé, le moyenne historique se situant à 2,9 milliards d’euros par mois. Au total « l’endettement total des sociétés non-financières a progressé de 58,6 milliards d’euros en avril après une hausse de 32,7 milliards en mars », souligne la Banque de France. Soit un total de 91,3 milliards…

Signe de précaution extrême, les montants épargnés par les entreprises ont progressé peu ou prou dans les mêmes proportions que les emprunts. Au total, sur les deux mois mars-avril, les dépôts ont augmenté de 81,6 milliards d’euros (contre des flux mensuels moyens de 3,4 milliards d’euros ces trois dernières années).

Le mouvement n’a pas ralenti en mai, les entreprises privilégiant en grande majorité les dépôts à vue sur leurs comptes bancaires. Ces dépôts devraient progressivement se dégonfler, à mesure que les acteurs devront honorer leurs charges fixes, leurs loyers ou leurs remboursements de prêts, si des moratoires avaient été obtenus.

Ransomware : payer la rançon revient deux fois plus cher, Gestion des risques

Ransomware : payer la rançon revient deux fois plus cher, Gestion des risques

La règle officielle en matière de « ransomware » est claire
et aujourd’hui bien connue
 : refuser de payer pour ne pas encourager les fraudeurs et ainsi enrayer le développement des rançongiciels, ces codes malveillants empêchant la victime d’accéder au contenu de ses fichiers afin de lui extorquer de l’argent. On sait aussi que
payer est loin de garantir la récupération des données
.

Une étude récente – « The State of Ransomware 2020 » -, menée par le spécialiste en cybersécurité Sophos auprès de 5.000 décideurs informatiques de 26 pays différents, montre, en outre, que les coûts liés à la reprise d’activité après une telle attaque sont multipliés par deux en cas de paiement de la rançon. La restauration coûterait, en moyenne, 1,4 million de dollars aux entreprises qui ont accepté de payer, contre 730.000 dollars pour les autres. « Verser aux cybercriminels les rançons demandées afin de restaurer des données chiffrées à la suite d’une attaque par ransomware n’est pas l’option la plus facile ni la moins coûteuse pour un retour à la normale », affirme Sophos.

Utiliser des sauvegardes

En France, 52 % des entreprises interrogées
ont subi une attaque en 2019
, contre 48 % en 2017. Lorsque l’assaut a réussi, les coûts de restauration se sont élevés, en moyenne, à 420.000 euros, en raison notamment des temps d’arrêt, de la perte de chiffre d’affaires, mais aussi des coûts opérationnels. Quelque 19 % des sociétés françaises touchées ont reconnu avoir payé la rançon, pour aboutir à des coûts finalement deux fois plus élevés. « Les entreprises se sentent parfois sous pression pour payer la rançon afin d’éviter les temps d’arrêt préjudiciables. À première vue, effectuer le paiement semble être une manière efficace de restaurer les données, mais ce n’est qu’illusoire, assure Chester Wisniewski, principal research scientist chez Sophos. Les résultats de l’étude montrent que le paiement de la rançon n’a que peu d’incidence sur le temps et les coûts liés aux efforts de restauration. En effet, une simple clé de chiffrement n’est pas un remède miracle et il faut souvent bien plus pour restaurer les données. Il arrive que les pirates partagent plusieurs clés. Avoir recours à ces clés pour restaurer les données peut alors se révéler complexe et chronophage. »

En pratique, plus de la moitié (61 %) des responsables français interrogés ont pu restaurer leurs données
sans payer la rançon
, en utilisant, tout simplement, des sauvegardes. Toutefois, ces dernières peuvent aussi être compromises. « Certains cyberattaquants cherchent également à supprimer ou à compromettre les sauvegardes de leurs victimes pour rendre la restauration des données plus difficile et les pousser à payer. Le meilleur moyen pour pallier ces manoeuvres malveillantes est de conserver ses sauvegardes hors ligne et d’utiliser des solutions de sécurité multi-niveaux efficaces permettant de détecter et de bloquer les attaques à différents stades », rappelle Chester Wisniewski.

Le casse-tête de la future assurance pandémie, Gestion des risques

Le casse-tête de la future assurance pandémie, Gestion des risques

La création d’un nouveau système d’assurance pour les entreprises en cas de future pandémie fait l’objet d’intenses discussions.
Mardi, le groupe de travail mis en place par Bercy en avril tenait sa quatrième réunion
. Les parlementaires, représentants d’entreprises, assureurs et courtiers doivent rendre leur copie début juin. L’exécutif espère mettre le projet sur les rails d’ici à la fin d’année.

Le sujet est sensible. Les assureurs, qui se voient reprocher par nombre d’entreprises de
ne pas avoir couvert leur baisse d’activité lors de l’épidémie
, disent ne pas pouvoir prendre en charge toutes les pertes. Ils arguent aussi que le risque de pandémie n’est pas assurable car « systémique ».

L’équation est complexe. Il s’agit de « définir un cadre assurantiel adapté » permettant « aux acteurs économiques de faire face à une baisse du chiffre d’affaires». Le tout, « à un coût abordable pour les entreprises et maîtrisé pour la collectivité publique ». « Ce n’est pas quelque chose qui servirait à couvrir une réplique de l’épidémie. Nous sommes forcément sur du long terme », précise-t-on à Bercy.

Quels seraient les périls couverts ?La pandémie est bien sûr en tête des risques à couvrir. Mais l’exécutif a tenu à parler de « risques exceptionnels ». Politiques et entreprises verraient d’un bon oeil un système couvrant plusieurs types de menaces : catastrophe naturelle, action terroriste ou dégâts liés à des mouvements sociaux, tels que celui des gilets jaunes.

« Il faut que le dispositif couvre les risques au maximum sans multiplier les régimes, insiste Brigitte Bouquot, présidente de Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise (AMRAE). Si une autre crise arrive et que les entreprises ne sont pas couvertes, cela sera difficilement compréhensible ».

«Il est très important qu’on construise quelque chose qui couvre d’autres cas que celui de la pandémie », estime le patron d’AXA France, Jacques de Peretti. Des assureurs veulent toutefois que les risques couverts soit bien précisés et « modélisables ».

Une piste consisterait à déclencher la couverture en cas de fermeture administrative d’entreprises décrétée par l’Etat. Une option qui apporterait une certaine clarté sachant que l’on réfléchit à couvrir les risques indirects : ce n’est pas le Covid-19 qui a mis les entreprises à terre mais le confinement.

Qui couvrir et comment ?

Très touchées par la crise, les TPE et PME focalisent toute l’attention, mais les grandes entreprises sont aussi autour de la table. Elles ont les poches plus profondes et pourraient avoir un rôle important à jouer dans la mutualisation des risques. Les entreprises poussent pour un système couvrant au maximum leurs pertes.

Mais les assureurs martèlent qu’ils ne peuvent pas tout couvrir, sous peine de se retrouver financièrement à genoux. « Le régime devra être une couverture additionnelle, il ne pourra pas à lui seul être 100 % réparateur », prévient Jacques de Peretti. A titre d’exemple, la Fédération française de l’assurance a estimé les pertes d’exploitation liées au confinement à 60 milliards d’euros – soit 110 années de primes.

Par ailleurs, l’indemnisation actuelle des pertes d’exploitation peut être longue. Pour plus de rapidité, une solution serait d’opter pour un système forfaitaire, permettant par exemple de couvrir les entreprises pénalisées à hauteur d’un certain pourcentage de leur marge. Difficile pourtant de trouver la bonne formule quand certains coûts disparaissent, par exemple quand l’Etat prend en charge les salaires. Qui plus est, les modèles économiques des entreprises varient selon les secteurs. D’où la volonté de certains intervenants d’ajuster l’indemnisation en fonction du type d’activité.

Combien les entreprises paieront-elles ?

Plus les indemnisations sont généreuses et plus les risques couverts sont nombreux et fréquents, plus l’équation financière sera difficile à résoudre. « La crainte, c’est de se dire qu’il peut y avoir une catastrophe deux années de suite, souligne le sénateur Jean-François Husson, auteur d’une proposition de loi sur ce sujet. Il faut pouvoir répondre à la promesse qui est faite ». Par ailleurs, « pour que le dispositif soit acceptable, il faut qu’il soit d’un coût supportable pour les entreprises ».

Les plus grandes, favorables à des systèmes d’auto-assurance et à une offre d’assurance privée plus étendue, insistent pour que le système encourage au maximum la prévention des risques. D’où des questions autour de la contribution des assurés au financement du système et son caractère obligatoire ou pas. Concrètement, il s’agit de déterminer quelles primes d’assurance pourraient servir d’assiette de cotisation. Plusieurs pistes ont été évoquées, notamment la prime incendie contenue dans les contrats multi-risques.

Quelle répartition des rôles entre l’Etat et les assureurs ?

Certains souhaiteraient s’inspirer du système de couverture des catastrophes naturelles, qui permet d’indemniser les événements climatiques d’ampleur, grâce à des cotisations spécifiques prélevées sur les contrats d’assurance dommages et l’action du réassureur public, CCR. Mais Bercy a prévenu que la mobilisation de ce régime était « inopérante ». Les risques en jeu n’ont pas les caractéristiques des catastrophes naturelles et le régime est déjà fragilisé par l’augmentation de la fréquence des catastrophes sur fond de réchauffement climatique.

Du côté des entreprises comme des courtiers, certains verraient bien un recours au système du Gareat, un groupement d’assureurs conçu pour les réassurer contre les risques d’attentats. « Cela permettrait d’aller plus vite et de profiter d’un système déjà bénéficiaire. On pourrait le renforcer en faisant notamment appel à la réassurance et à des acteurs du secteur financier », défend Jean Rondard, directeur «Risk Management» chez le courtier en assurances Gras Savoye Willis Towers Watson. L’intervention de l’Etat est en tout cas très attendue. « Si vous n’avez pas l’Etat pour dire ‘je limite la perte des assureurs et empêche la faillite’, les assureurs n’iront pas », prévient l’un d’entre eux.

Covid-19 et prix de transfert : à la recherche du fil d'Ariane, Optimisations fiscales

Covid-19 et prix de transfert : à la recherche du fil d'Ariane, Optimisations fiscales

Les prix de transfert sont les prix appliqués par une entreprise multinationale
à ses transactions intragroupe transfrontalières
. Ils sont cruciaux dès lors qu’ils permettent de répartir la matière fiscale entre les Etats concernés – cela n’aura pas échappé aux autorités fiscales qui surveillent de près, et contrôlent régulièrement, leur détermination.

La pandémie de Covid-19
a un impact sur les résultats des entreprises multinationales
et soulève de nombreuses interrogations en matière de prix de transfert. Le sujet n’est plus tant l’allocation des profits taxables que celle des pertes. Or, il existe généralement une summa divisio entre, d’une part, l’entité à faible risque dite « routinière » – par exemple une filiale de distribution – qui perçoit une rémunération limitée, mais garantie, et, d’autre part, « l’entrepreneur » qui prend les décisions stratégiques, en supporte les risques et capte à ce titre le profit résiduel. La question se pose alors de savoir s’il est possible de faire supporter des pertes à une entité routinière.

Consensus international

Si l’on revient au principe de pleine concurrence, il peut être défendu que, compte tenu de la nature exogène de la crise, des tiers dans la même situation négocient afin d’en répartir les impacts – un distributeur pourrait, par exemple, accepter de supporter une partie des pertes afin de maintenir ses approvisionnements futurs. En pratique, toutefois, il est possible que ce raisonnement
ne convainque pas l’administration fiscale
du pays de l’entité routinière. En effet, il sera difficile de lui faire accepter, après des années potentiellement fastes où la rémunération de cette entité était limitée alors que celle de l’entrepreneur était supérieure, qu’elle doit participer à l’effort de guerre et supporter des pertes.

Il peut être utile de regarder du côté de ceux qui, à l’inverse, peuvent être positivement impactés par la crise actuelle, comme l’industrie agroalimentaire : est-ce que la rémunération de leurs entités routinières va être augmentée afin de leur permettre de capter une partie du surprofit ? Probablement pas. Quoi qu’il en soit, les administrations fiscales seront d’autant plus attentives à la répartition des pertes qu’elles auront à coeur d’éviter que le bénéfice des aides étatiques ne soit in fine transféré à d’autres Etats.

Seules des directives claires faisant l’objet d’un consensus international large permettraient d’apporter la sécurité juridique attendue par les entreprises.
L’OCDE y travaille
, mais rien ne sera publié avant la fin de l’année. Faute de pouvoir attendre, les entreprises vont donc devoir se préparer à faire des choix et, surtout, à les défendre.

Benoit Bec est avocat associé et Pierre Bonamy manager chez Arsene.

La résilience des pays à l'épreuve du Covid-19, Gestion des risques

La résilience des pays à l'épreuve du Covid-19, Gestion des risques

Réservé il y a encore dix ans à la psychologie ou à la métallurgie, le terme « résilience » a fait, ces dernières semaines, une entrée fracassante dans le quotidien du grand public. Dans tous les discours d’Emmanuel Macron et jusqu’au nom de l’opération militaire
lancée le 25 mars dernier
.

Définie comme la « capacité à surmonter une épreuve », la résilience est au coeur des politiques de relance menées pour répondre
à la crise du Covid-19
. « Le coronavirus a perturbé notre quotidien comme notre système économique : il nous a surpris individuellement, tout comme les entreprises et les Etats. Personne ne s’attendait à un bouleversement d’une telle envergure. La question de la résilience apparaît donc particulièrement pertinente dans le contexte », souligne Loïc Le Dréau, directeur général des opérations à Paris de l’assureur FM Global, qui publie, mardi 26 mai, son septième « Indice de résilience » – fondé sur douze vecteurs d’analyse du climat des affaires, de la résilience de l’économie, de la qualité du risque et de la chaîne d’approvisionnement -, qui classe 130 pays ou territoires, en fonction de cette capacité à surmonter les épreuves.

Les premiers rangs sont occupés par des pays qui semblent s’en être plutôt bien sortis au plus fort de la crise. « La pandémie n’est pas directement traitée, mais l’indice donne des indications pertinentes sur la capacité à faire face à des événements de tous types », complète Loïc Le Dréau. Au premier rang,
comme l’année dernière
, la Norvège. « Le pays a depuis longtemps adopté une démarche volontaire : il a analysé ses points de vulnérabilité et adopté des technologies de substitution au pétrole, alors qu’il en était historiquement très dépendant », explique l’expert.

La France en quatorzième position

Derrière, le peloton de tête varie peu, avec la Suisse, le Danemark, l’Allemagne et la Suède. La France conserve sa quatorzième place, comme dans l’édition 2019 du classement. « L’Hexagone a beaucoup de points forts, notamment en matière d’infrastructures ou de gestion des catastrophes naturelles. Nous avons à nouveau gagné des places sur le terrain de la lutte contre la cybercriminalité. En revanche, la France est freinée par une faible productivité et par un risque politique qui s’est révélé important ces deux dernières années », détaille Loïc Le Dréau.

Parmi les plus fortes progressions du classement, figure un pays particulièrement efficace
dans sa lutte contre le coronavirus
 : Taïwan, qui gagne quatorze places pour atteindre la 29e position. « Il y a eu beaucoup d’investissements dans les infrastructures, permettant de rendre le pays plus solide », précise le responsable.

A l’inverse, la République dominicaine se fait remarquer en perdant 19 places, au 90e rang, notamment en raison de son urbanisation de plus en plus importante et d’un accroissement de son risque cyber. Comme lors des précédentes éditions, c’est toujours Haïti qui ferme la marche, à la 130e position, après le Liban, le Tchad, l’Ethiopie et le Venezuela. Des résultats à regarder de très près alors que de nombreux groupes s’apprêtent à
repenser leurs chaînes d’approvisionnement
.

La crise du coronavirus favorise l'émergence des « social bonds », Crédits

La crise du coronavirus favorise l'émergence des « social bonds », Crédits

C’est un record sur le marché des « social bonds ». Vendredi dernier, l’Unedic a levé pour 4 milliards d’euros de ces obligations à vocation sociale. Une opération qui confirme que le tout jeune marché des « social bonds » a connu un véritable coup d’accélérateur avec la crise sanitaire liée au coronavirus. Comme leur nom l’indique, les « social bonds » ont vocation à financer un large champ d’actions pour favoriser l’accès à l’éducation, à la santé ou à l’emploi, notamment pour les populations les plus faibles.

Appétit des investisseurs

« Pour l’Unédic, l’idée d’un social bonds était à l’étude depuis un certain temps, explique Orith Azoulay, responsable mondiale de la finance verte et durable, banque de grande clientèle chez Natixis, qui a dirigé l’opération. D’abord parce que son activité – notamment la fourniture d’un revenu de remplacement aux personnes à la recherche d’un emploi -, la classe comme un émetteur ‘naturel’ de social bonds. Mais aussi parce qu’elle dispose d’outils d’outils et d’une culture de l’évaluation permettant de rendre compte, en toute transparence, de l’utilisation des fonds et de leur impact social, notamment en termes de justice et de redistribution sociales. »

Le contexte a contribué à déclencher l’opération. Les vastes mesures de chômage partiel, que l’Unédic finance pour un tiers, ont entraîné une très forte augmentation de son plan de financement à moyen long terme pour 2020 qui atteint désormais 13 milliards d’euros. La demande a été très forte, avec un livre d’ordres dépassant les 7,7 milliards d’euros, ce qui a permis d’augmenter la taille de l’opération.

Doublement des volumes en 2020

Depuis le début de la pandémie, Natixis a ainsi recensé plus d’une trentaine d’émissions « Covid-19 » via des obligations purement sociales ou via des obligations dites « durables » (« sustainable bond ») mêlant aspects sociaux et environnementaux. Les emprunteurs sont majoritairement des Etats, des organisations supranationales, et des agences étatiques. Mais également quelques banques et entreprises de santé.

Les montants levés permettent de financer les équipements nécessaires à la lutte contre le Covid, et les conséquences sociales du choc économique. D’après HSBC, les volumes d’obligations sociales et durables émises au premier trimestre ont déjà bondi de 69 % au premier trimestre par rapport à la même période en 2019. Et ils pourraient doubler sur l’année, pour atteindre 125 milliards de dollars.

Dérogations

D’autant que l’Association internationale des marchés de capitaux (Icma)
qui a élaboré
les « social bond principles » a permis quelques dérogations temporaires pour faciliter les émissions en urgence. La présentation d’une revue externe peut avoir lieu après l’émission, à condition que le programme détaille très précisément comment seront utilisés les fonds.

« Même si le contexte devrait voir d’autres émetteurs publics et financiers avoir recours aux social bonds pour financer leurs mesures de réponses à la crise, on pourrait voir davantage d’entreprises se présenter sur le marché. Des laboratoires pharmaceutiques, bien sûr, mais pas seulement», estime Orith Azoulay.

Il faudra (aussi) déconfiner les bilans des entreprises, Crédits

Il faudra (aussi) déconfiner les bilans des entreprises, Crédits

Comme à chaque crise, le mythe du « capitalisme sans capital » s’effondre, et l’on redécouvre la vertu des paquebots solidement capitalisés, plus à même de traverser la tempête que les hors-bord aux bilans suroptimisés qui ont la faveur des investisseurs par temps calme. Le problème se pose avec d’autant plus d’acuité en France, où les entreprises sont très endettées par rapport à leurs homologues d’outre-Rhin ou transalpins. Les derniers chiffres publiés par la Banque de France, au troisième trimestre 2019, montrent ainsi que le taux d’endettement des sociétés non financières s’élève à 74,3 % du PIB en France, contre 64,5 % en Italie et seulement 41,3 % en Allemagne.

Pour éviter une pandémie de faillites
, l’Etat a mis en oeuvre un plan de sauvetage ambitieux dont les prêts garantis (PGE) sont le fer de lance, pour un montant notionnel pouvant aller jusqu’à 300 milliards d’euros. Selon le tableau de bord publié par la Banque de France, près de 344.000 entreprises en ont déjà bénéficié au 30 avril pour un montant cumulé de 55 milliards d’euros, garantis, selon les cas, à hauteur de 70 % ou de 90 % par l’Etat.

Mesure d’urgence par excellence
, les PGE n’apportent néanmoins pas une réponse pérenne à la question du financement des entreprises, en raison de leur coût pour les finances publiques et de la problématique de refinancement qui s’ensuivra. Du point de vue des finances publiques, la garantie n’entraîne certes pas de décaissement immédiat, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a pas un coût potentiellement élevé pour les finances publiques.

Déséquilibre durable

Pour les entrepreneurs, après le déconfinement, une fois les équipes au travail et l’activité relancée, avec une relative tranquillité d’esprit grâce au PGE, se posera inévitablement la question du refinancement de ces prêts,
qui ne sont pas du tout de même nature que des emprunts « ordinaires »
. En effet, ils ne visent pas à financer un investissement qui générera – normalement – des flux de trésorerie, mais à couvrir des besoins de liquidité à court terme liés au manque à gagner entraîné par la mise à l’arrêt de l’économie.

L’Etat a bien prévu une sortie en sifflet du dispositif, puisque les bénéficiaires pourront, à l’issue de la première année, décider d’amortir le prêt sur une période allant jusqu’à cinq années supplémentaires. Il n’en demeure pas moins que, même dans l’hypothèse – optimiste – d’un retour rapide à la normale
avec une reprise en V
, les bilans des entreprises françaises risquent d’être durablement déséquilibrés si l’on n’entrevoit pas à moyen terme une recapitalisation d’envergure du tissu économique français. Celle-ci sera subie, si les banques créancières ou l’Etat-garant sont amenés à convertir leurs créances en capital, ou choisie, si les entreprises concernées s’engagent sans attendre dans une démarche de levée de fonds.

Anticiper

Il s’agira, pour les plus grandes entreprises, de faire appel à l’épargne publique, si les conditions de marché le permettent, en proposant une equity story convaincante permettant aux investisseurs de faire le tri entre les « entreprises zombies » plus liquides que solvables, qui ne survivent que par la grâce d’une politique monétaire ultra-accommodante, et celles qui ont des perspectives crédibles de croissance rentable.

Reste le cas des entreprises non cotées pour lesquelles lever des fonds constituera une nouveauté et qui devront, elles aussi, formaliser une equity story et s’appuyer sur leur capital réputation pour attirer des investisseurs. Anticiper cette échéance le plus tôt possible sera, à l’évidence, un facteur-clé pour ne pas se retrouver dans un « goulot d’étranglement » au moment du débouclage des PGE, et ce d’autant plus que les entreprises qui tarderont le plus à sortir du dispositif des PGE seront, fort logiquement, soupçonnées
d’être les plus fragiles
.

Arnaud Dupui-Castérès et Alexis de Maigret sont respectivement directeur général et associé en charge de la communication financière chez Vae Solis Communications.

Renault obtient son prêt garanti de 5 milliards d'euros, Crédits

Renault obtient son prêt garanti de 5 milliards d'euros, Crédits

Enfin signé. Après plusieurs semaines de tractations entre Renault et ses banques, le Losange va pouvoir annoncer l’obtention d’un prêt garanti par l’Etat (PGE) de 5 milliards d’euros : le constructeur a finalisé un accord avec ses banques, indique une source proche du dossier, confirmant une information de Reuters.

Cette aide massive – l’une des plus importantes accordées dans l’Hexagone après les 7 milliards accordés à Air France -, n’est pas une surprise. Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, avait lui-même indiqué fin avril que le gouvernement était prêt à donner son accord à un tel prêt garanti, et la
Commission européenne avait annoncé dans la foulée
qu’elle approuvait ce soutien public exceptionnel.

Pas de contreparties

Alors que de nombreux observateurs s’étaient interrogés sur les contreparties éventuelles au PGE, Clotilde Delbos, directrice financière et directrice générale par intérim,
avait assuré fin avril
que les deux sujets étaient déconnectés. Ce que Bercy confirme. « Les PGE ne sont assortis d’aucune autre contrepartie que le versement du dividende », insiste-t-on au ministère de l’Economie. « Le plan de soutien à l’automobile pourra, lui, comporter certaines exigences environnementales ou sociales. Mais ce sont deux choses très différentes. »

Comme l’ensemble de l’industrie automobile, Renault est frappé de plein fouet par la crise. Le constructeur tricolore a dû fermer la quasi-totalité de ses usines dans le monde à compter du 16 mars – elles ne redémarrent doucement que depuis quelques jours. Et les ventes du Losange se sont effondrées (-79 % en Europe en avril), menaçant le constructeur d’une crise de liquidités – même s’il disposait encore de 10,3 milliards d’euros disponibles fin mars (y compris 3,5 milliards de lignes de crédit non tirées), après avoir brûlé 5,5 milliards au premier trimestre.

Vaste plan de restructuration

« Les constructeurs auto paient leurs fournisseurs à deux mois, alors qu’ils sont payés immédiatement par leurs clients : or, fin mars, les dettes fournisseurs atteignaient 9 milliards d’euros – à régler deux mois plus tard », explique l’analyste financier, Gaetan Toulemonde. Le PGE devrait permettre à Renault de passer l’échéance. La plupart des analystes estiment qu’une recapitalisation ne sera pas nécessaire.

Tous les constructeurs sont concernés, mais Renault a abordé la crise dans une situation plus difficile que ses concurrents – ayant même annoncé des pertes en 2019, pour la première fois depuis dix ans. Le constructeur tricolore doit annoncer la semaine prochaine un vaste plan de restructuration, qui doit lui permettre de réduire ses coûts fixes de 2 milliards d’euros d’ici à 2022.

Les derniers arbitrages sur l’empreinte industrielle française du groupe seraient encore en cours. Les petits sites français, à l’instar de Choisy-le-Roi, Fonderie de Bretagne ou encore Dieppe (là où sont assemblées les Alpine), sont sur la sellette : leurs productions pourraient rejoindre d’autres usines. Enfin, le site de Flins, qui fabrique les Zoe électrique, pourrait également stopper l’assemblage de véhicules pour se consacrer à d’autres activités.

la bombe à retardement des prêts garantis par l'Etat, Gestion-trésorerie

la bombe à retardement des prêts garantis par l'Etat, Gestion-trésorerie

Depuis le début de la crise, la Caisse d’Epargne Hauts-de-France a octroyé pour 500 millions d’euros de prêts garantis par l’Etat (PGE) à quelque 3.000 entreprises du Nord de la France. Et malgré un ralentissement des demandes journalières, depuis fin avril, son patron, Laurent Roubin, s’attend à de nouvelles demandes, notamment de la part des acteurs du tourisme, qui viennent de bénéficier de conditions assouplies.

Mais s’il se réjouit d’accompagner ses clients face à la crise, le banquier anticipe des lendemains difficiles. « C’était la bonne réponse au tsunami, dit-il. Il fallait cette dette pour limiter le choc d’offre et de demande et permettre aux entreprises viables au début de la crise de rester viables à la sortie. Mais après avoir traversé cette phase aiguë, on aura des entreprises et des Etats qui seront très endettés . On aura un sujet de fonds propres. »

C’est toute la limite des aides déployées pour enjamber l’impact économique de la crise du Covid-19 : tôt ou tard, il faudra payer la facture. En France, les demandes de PGE ont dépassé les 100 milliards d’euros, écoulant déjà un tiers de l’enveloppe prévue d’ici à la fin de l’année. Les entreprises ne doivent rembourser qu’un an plus tard et peuvent même étaler l’amortissement sur cinq ans supplémentaires. Mais elles devront a minima payer la garantie.

Risque du surendettement

« Ce dont on va se rendre compte dans quelques mois, c’est qu’on a réussi à maintenir ces sociétés en vie mais au prix d’une augmentation substantielle de leur dette alors même que la profitabilité normative de ces sociétés va plutôt baisser, prévoit Arnaud Joubert, associé-gérant chez Rothschild & Co. Nous allons nous retrouver dans les deux prochaines années avec des sociétés qui seront surendettées. » Bref, une vraie bombe à retardement…

D’autant qu’avec les taux bas de la Banque centrale européenne, les entreprises n’ont pas hésité à s’endetter ces dernières années. Les banques, comme les marchés obligataires, avaient ouvert les vannes en grand. Et les PGE ajoutent une nouvelle couche. A fin février, l’encours de crédits accordés aux entreprises atteignait déjà 1.067 milliards d’euros, un niveau inégalé dans l’histoire du pays . En mars, après seulement quinze jours de confinement, il avait déjà bondi à 1.101 milliards.

Sur le fond, personne ne conteste le bien-fondé des aides d’urgence. Face à une trésorerie asséchée, celles-ci permettent d’éviter un scénario catastrophe de faillites en série aux conséquences économiques et sociales dévastatrices. Et sur un plan purement pratique, elles permettent aussi de différer dans le temps la gestion de restructurations et d’éviter un engorgement des services de Bercy, des tribunaux ou des conseils spécialisés. Mais cela a un prix.

Vague de restructurations

« Le risque est d’avoir mis sous perfusion des sociétés françaises qui n’allaient pas très bien et de venir rajouter à la crise de la consommation qu’on connaît aujourd’hui une crise financière, peut-être dans un an, parce que des sociétés n’arriveront plus à se refinancer et que les banques fermeront peut-être un peu plus les vannes du crédit », abonde Pierre-Arnoux Mayoly, associé au cabinet d’avocats McDermott Will & Emery.

Les spécialistes se préparent déjà à la prochaine étape – des recapitalisations – qui pourrait commencer dès cet été, selon Vincent Danjoux, associé-gérant chez Rothschild & Co. « Pour les sociétés les plus affectées, le redressement de l’activité sera plus long, avance le banquier d’affaires. Elles vont se retrouver à l’automne ou au début de l’année prochaine avec des bilans significativement accrus en face de ‘free cash flow’ opérationnels réduits. »

« Nous allons vers une vague de restructurations sur les trois années à venir », prédit Timothée Gagnepain, chez McDermott Will & Emery. Pour les banquiers et avocats, les outils ne manquent pas : adossements industriels, cessions d’actifs, conversion de dette en fonds propres, émission de nouvelle dette… Mais certains se demandent si des mesures plus globales ne seront pas nécessaires. « Il y aura peut-être une réponse systémique qu’il faudra organiser », juge Laurent Roubin.